Meilleur traducteur de poèmes de Pouchkine du Vietnam, traducteur d'avant-garde de poèmes russes en vietnamien, bâtisseur d'une passerelle de deux siècles de littérature entre le Vietnam et la Russie..., tels sont les surnoms de Thuy Toàn, 73 ans, qui traduit des œuvres russes en vietnamien depuis plus de 50 ans.
Thuy Toàn est parti étudier en Russie à l'âge de 16 ans, où il y a appris la langue de Pouchkine. Il a commencé à aimer traduire en vietnamien des poèmes et histoires russes pour enfants dès la 2e année de ses études universitaires. À 23 ans (en 1961), il est diplômé de la Faculté de littératures et de langues de l'École normale supérieure de Lénine (Moscou). Depuis la parution de sa première traduction d'un petit récit pour enfant, en 1956, dans le journal Nguoi giao viên nhân dân (Enseignant du Peuple), le traducteur a à son actif plus de 60 livres. Parmi ceux-ci, dix recueils de poèmes totalisant des milliers d'œuvres russes ont été présentés aux lecteurs vietnamiens. Certains de deux-ci tels Je t'aime, de Pouchkine, ou J'attends ton retour, de Simonov..., ont acquis une grande renommée.
Le traducteur explique simplement le pourquoi de son travail: "pour que les Vietnamiens ne connaissant pas la langue de Pouchkine puissent apprécier les poèmes russes". Thuy Toàn a transmis son amour de la Russie et de la littérature russe à des millions de Vietnamiens, et parmi les jeunes des années 1960, rares sont ceux n'ayant pas appris par cœur les vers de Pouchkine traduits par Thuy Toàn. Son travail a beaucoup inspiré d'autres poètes et traducteurs qui ont oeuvrés pour faire davantage découvrir la poésie russe à leurs compatriotes. Expliquant ce succès, Thuy Toàn indique seulement "avoir eu la chance d'être l'un des premiers Vietnamiens envoyés faire leurs études à l'étranger". Et à l'époque de ses premières traductions, les œuvres étrangères se faisaient rares. En outre, "les poèmes que j'ai traduits convenaient non seulement à mon état d'âme mais aussi à celui de la jeunesse de cette époque, ce sont des poèmes d'amour, des vers de fervents révolutionnaires, des patriotes aspirant à la liberté...", confie le traducteur.
Pour bien traduire des poèmes russes en vietnamien, il ne suffit pas d'exceller en russe, il lui faut encore maîtriser sa langue maternelle, déclare Thuy Toàn qui ne cesse d'enrichir son vietnamien. Entre deux versions de la traduction d'un poème réalisées à deux ans d'intervalle, Thuy Toàn voit des mots différents et des phrases. "Cela signifie que j'ai fait des progrès en vietnamien, ma capacité de perfectionner, d'épurer ma langue s'est améliorée", explique-t-il. Une tâche perpétuelle, car la traduction parfaite n'est pas de ce monde, et le traducteur doit enrichir ses connaissances perpétuellement aussi.
Traduire, c'est créer
D'après Thuy Toàn, "la traduction, c'est comme la création, il faut avoir de la passion". Car, "la traduction est un travail pénible, sans elle, on ne peut rien faire". Thuy Toàn ne traduit que les œuvres dont il est épris. "Si mes traductions ne sont pas acceptées par les éditeurs, je les laisserais de côté. Et si j'aime trop une œuvre, je la ferai publier à compte d'auteur, sur mes propres fonds", précise le traducteur.
La littérature et la poésie russes sont toujours "sans précédent et inégalables", estime Thuy Toàn. "Il y a beaucoup d'auteurs que j'aime bien mais je n'ai pas de bonnes conditions pour les présenter en détail aux lecteurs", ajoute-t-il.
Thuy Toàn aime tellement la Russie que quelques mois après la dissolution de l'URSS en 1991, il a sorti un recueil de poèmes Je dois parler de la Russie, publié à compte d'auteur et offerts gratuitement aux lecteurs. Ce livre de 25 poèmes est considéré comme la proclamation d'une personne éprise de la Russie.
En 2007, à l'occasion du 90e anniversaire de la Révolution d'Octobre russe, Thuy Toàn a organisé une série d'événements dont la soirée "Cin- quante ans de poésie russe au Vietnam", une soirée de fête Vietnam-Russie, une exposition d'œuvres littéraires russes au Café des livres de la rue Trân Quy Kiên (Hanoi).
Le traducteur Thuy Toàn est actuellement président du Conseil de traduction littéraire de l'Association des écrivains vietnamiens, ainsi que directeur du Centre de culture et de langue Occident-Orient spécialisé dans la traduction des œuvres littéraires étrangères et la recherche culturelle sur des auteurs célèbres du Vietnam. Il est aussi membre d'honneur de l'Association des écrivains russes. En 1987, il s'est vu attribuer le prix international de l'Association des écrivains russes pour ses contributions à la traduction d'œuvres littéraires russes. Il est en outre membre du comité exécutif du comité central de l'Association d'amitié Vietnam-Russie.
Ces dernières années, bien que Thuy Toàn soit à l'âge de prendre une retraite méritée, il continue de traduire sans relâche et publie au moins un livre chaque année. En 2005, son recueil de poèmes Les étoiles filantes a été primé par l'Association des écrivains vietnamiens, en 2006, son livre Cent poèmes d'amour a connu un grand succès chez les lecteurs. En 2007, il a sorti l'ouvrage de recherche Les traducteurs du Carnet de prison de Hô Chi Minh. À présent, le traducteur se consacre à une autre recherche, Plus de 50 ans de poèmes russes au Vietnam.
Le 5 novembre dernier au Kremlin, Thuy Toàn a été l'une des 12 personnes à recevoir l'Ordre de l'Amitié, la plus prestigieuse distinction de la Fédération de Russie qui lui a été remise en main propre par le président russe, Dmitri Medvedev. "C'est non seulement une joie personnelle, mais aussi la joie commune de l'amitié durable entre le Vietnam et la Russie, et un bon signe pour la coopération littéraire entre nos deux pays", déclare le traducteur. Selon lui, il y a eu plusieurs générations de Vietnamiens ayant traduit et présenté la littérature russe à leurs compatriotes, mais il est le premier à avoir eu la chance d'être reconnu.
Après une vie consacrée à la traduction, Thuy Toàn reconnaît que "ce qui compte le plus pour moi, ce n'est pas la réputation. Mon plus grand bonheur, c'est que je suis attaché à la littérature russe, que je fais un travail que j'aime et que je suis capable de le faire. La littérature russe est le seul amour que je poursuivrai toute ma vie".
Thuân Thiên/CVN