Thaïlande : de la musique en classe pour capter l’attention

"De la musique avant toute chose", disait le grand Paul Verlaine… Cela pourrait être gravé en lettres d’or au-dessus de la salle D2 du Lycée français international de Bangkok en Thaïlande (LFIB) accueillant une classe de 6e.

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Logo du Lycée français international de Bangkok.
Photo : LFIB/CVN

Les élèves de 6e B attendent quelque peu bruyamment devant leur salle alors que leur cher professeur, Monsieur Saintin, règle les derniers détails de son cours, met des essences de plantes dans la climatisation et fait entrer ses 20 élèves dans la bonne humeur.

La musique adoucit les mœurs

Du haut de son mètre 90, l’enseignant annonce qu’ils vont entendre une page d’un compositeur espagnol de la Renaissance, et explique de manière presque théâtrale le système polyphonique propre au XVIe siècle. Encouragé par la bienveillante présence et les éclairages de son collègue de FLE, venu assister un élève, on s’autorise à explorer des questions difficiles qu’on aurait pu croire réservées aux initiés, mais qui prennent une dimension ludique. Ainsi, la classe est devenue un lieu de partage spontané. On apprend que les Lamentations débutent par une annonce solennelle : "Incipit lamentation Jeremiae prophetae" ; que chaque verset qui suit est précédé par une lettre de l’alphabet hébreu (aleph, beth, gimel...), simple repère dans le texte, mais prétexte à des développements musicaux exceptionnels.

Après quelques rires et une bonne mise en situation, le professeur lance un extrait des Lamentations de Jérémie de Cristobal de Morales (1500-1553). La musique fige la classe : la vingtaine de jeunes adolescents s’arrête de rire et se retrouve immédiatement happée par la beauté architecturale de ce chant à cinq voix. La chorale Utopia transcende cette classe et apporte des émotions que ces enfants étaient loin d’imaginer. "La musique est bien la langue des émotions" c’est d’après le philosophe Emmanuel Kant et mon ami rajoute c’est celle aussi du partage et de la plénitude.

Cette expression kantienne prend tout son sens dans cette classe de français, car après quelques minutes de musique, les élèves paraissent heureux, souriants, reposés, montrent un grand intérêt pour la musique et... pour le cours qui suit. En effet, à la fin de ce chant polyphonique, si de petits échanges s’installent entre ces jeunes adolescents, le professeur peut enchaîner rapidement sur la grammaire et plonger les apprenants dans un exercice sur la pronominalisation sans qu’ils s’en soient vraiment rendu compte.

Dans une salle de classe du Lycée français international de Bangkok en Thaïlande.
Photo : ST/CVN

La musique a eu un vrai rôle canalisateur, proche de la méditation et de la pratique de la pleine conscience (mindfulness). Après cette écoute active, les élèves sont concentrés et comprennent vite ce qui leur est demandé. Ainsi la musique est bien un outil de stimulation cognitive et joue un rôle primordial dans l’apprentissage ; les effets de l’écoute musicale en toute conscience et préparée, comme le fait systématiquement cet enseignant, ont de réelles actions bénéfiques sur les performances cognitives. La musique permet d’accroître différentes facettes de la cognition comme l’attention, la mémoire, mais aussi de développer la perception auditive et spatiale et d’exprimer toute une palette d’émotions.

Une mise en bouche extraordinaire

C’est dans ce sens que cette expérience est menée et réalisée avant chaque cours de français par ce professeur de lettres. Souvent plus habitués à écouter du rock ou de la pop, ces élèves dorénavant adorent commencer leur cours de français par de la "grande musique", car elle leur procure ce dont ils ont besoin pour bien apprendre : de l’émotion, de la tranquillité et une bonne concentration. Aussi, depuis que l’expérience a commencé, ils la réclament et pas seulement pour réduire le temps de classe : "Quand on écoute un peu de musique, ça fait du bien dans la tête, on a l’impression de liberté, pour enlever toutes les choses qui sont dans notre tête", a déclaré P., une élève de cette classe de 6e B, avant de rajouter : "Ça enlève la fatigue". D’autres élèves disent que la musique "calme le cerveau", "prépare à bien étudier" et que cette entrée en matière permet de "connaître autre chose et de développer sa propre culture".

N’est-ce pas là le rôle du professeur de collège d’attiser la curiosité des élèves ? Nous ne pouvons que féliciter cet enseignant du LFIB d’apporter à ses élèves les outils pour apprendre avec son cœur et de leur donner la joie de vivre, de créer et de partager qui habite tout apprentissage, et que l’art musical rend directement tangible. Friedrich Nietszche ne disait-il pas : "Il faut avoir une grande musique en soi si l‘on veut faire danser la vie".


Axel Gauthier/CVN

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