Têt ông Táo : quand les carassins dorés rapportent de l'or

À l'approche du Têt, les marchés de Hanoi abondent de carassins dorés. Leur destin n'est pas de finir dans un aquarium mais d'être relâchés dans un lac ou une rivière... pour aider les Génies du Foyer à rejoindre l'Empereur de Jade.

Au Vietnam, la tradition veut qu'une semaine avant le Têt (Nouvel An lunaire), les Génies du Foyer (Ông Táo en vietnamien) de chaque famille s'envolent vers le Ciel, sur le dos d'une carpe, pour y rencontrer l'Empereur de Jade. Leur mission : lui faire un rapport de la situation de la famille durant l'année passée et aussi de prier pour elle pour la nouvelle année qui s'annonce.

Leur départ a lieu exactement le 23e jour du 12e mois lunaire. Cette fête s'appelle le Têt ông Táo, et précède de 7 jours le "Grand Têt" ou Têt Nguyên Ðán (voir également p.13). C'est l'occasion pour les touristes étrangers de contempler de bien curieuses scènes partout dans le pays : le lâchage de carassins dorés (appelés aussi cyprins dorés ou tout simplement poissons rouges) dans la nature. À Hanoi, les sites préférés sont les nombreux plans d'eau qui parsèment la ville, dont le lac Hoàn Kiêm, le plus fameux de tous, mais aussi le fleuve Rouge où les poissons sont parfois "largués" du pont Long Biên. Vingt mètres de chute libre avant de plonger dans les eaux tumultueuses du grand fleuve...

Mais avant de relâcher la monture des Génies, la famille lui fait des offrandes, souvent des fruits, diver-ses friandises, du xôi (riz gluant cuit à vapeur) et un poulet entier bouilli, sans oublier des objets votifs dont 3 panoplies de mandarin en papier (qui seront brûlées cérémonieusement). En fait, il ne s'agit pas d'un poisson mais de 3. Pourquoi 3 ? Car selon la légende, les Génies du Foyer sont un "couple à 3" (une femme et 2 hommes).

Ces dernières années, à Hanoi comme dans d'autres villes et provinces, on offre aux Génies du Foyer des poissons de couleur rouge (au lieu de blancs comme auparavant). Cela porte plus de chance, dit-on. Les jours précédant cette fête, les poissons rouges abondent dans les marchés. Tout le monde en achète, mais rares sont ceux qui se demandent d'où ils peuvent bien provenir.

Le pays natal des poissons "sacrés"

Ces carassins dorés sont originaires de Tuy Lôc, une commune reculée de la province de Phú Tho (Nord). Là, vivent plus de 400 familles paysannes spécialisées dans l'élevage de ces poissons "sacrés". "C'est en effet un nouveau métier chez nous. Il a débuté il y a une dizaine d'années grâce à un commerçant d'alevins local, M. Sau, puis s'est développé rapidement pour devenir aujourd'hui une des plus rentables productions, pour ne pas dire un excellent moyen de faire fortune !", confie Trân Van Hà, président du Comité populaire de la commune de Tuy Lôc. Et de raconter "l'apparition fortuite" de cette espèce aquatique dans cette localité assez pauvre.

Un jour, M. Sáu se rend à vélo dans la commune de Tram Trôi, district de Hoài Ðuc, Hà Tây, où il compte, comme il en a l'habitude, acheter des alevins pour les revendre aux élevages familiaux de Tuy Lôc. Mais cette fois-ci, outre des alevins, il ramène 4 petits cyprins dorés. "Ces poissons, de race japonaise, sont une variété d'agrément. J'ai dû réclamer avec insistance pour que le propriétaire acceptent de m'en vendre quelques-uns, mais la note a été salée", explique M. Sáu. Les premiers temps, les villageois ont boudé cette espèce. "Ma déception s'est aggravée encore en m'apercevant que ces 4 poissons étaient des mâles. Et impossible de me procurer des femelles à cause d'une maladie qui avait dévasté l'élevage de Tram Trôi. J'ai donc décidé de lâcher les petits rouges dans mon vivier, avec les blancs". Par miracle, sont apparus quelques temps après des hybrides, de couleur rouge ou rouge-blanc. "J'ai choisi les rouges pour la reproduction. Heureusement, tout s'est bien passé. Mes cyprins se multiplient de génération en génération et sont de plus en plus rouges", se réjouit M. Sáu.

Du vivier de M. Sáu, les alevins rouges partent dans toute la région, vers 400 élevages. Cette profession se développe rapidement, d'autant plus que la demande augmente d'année en année. La "récolte" a lieu vers la fin de l'année lunaire et toute la commune connaît alors une atmosphère des plus animées. "Ma famille pêche environ 3 tonnes par récolte. Avec un prix de vente en gros de 120.000-130.000 dông le kilo, ces poissons nous rapportent beaucoup", s'enthousiasme un éleveur. Pour les habitants de Tuy Lôc, la fête des Génies du Foyer est vraiment l'occasion de faire fortune.

Nghia Ðàn/CVN

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