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Le président de la FIFA, Gianni Infantino, lors d'une conférence de presse au siège de la fédération internationale, le 25 juin 2020 à Zurich. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les instances sportives peuvent-elles prendre n'importe quelle mesure pour empêcher l'émergence de compétitions privées ?
Non, d'autant que la Cour de justice de l'Union européenne a rendu mi-décembre 2020 un arrêt qui concerne l'Union internationale de patinage (ISU) et pose des questions très comparables au dossier de la Superligue.
L'ISU a voulu empêcher des patineurs de vitesse de participer à une compétition alternative (lancée en 2014 par la firme sud-coréenne Icederby puis abandonnée, ndlr), en les privant des Jeux olympiques. La fédération a affirmé vouloir protéger l'intégrité de son sport et garantir la sécurité des sportifs mais ses sanctions, même réduites après une première décision de la Commission européenne, ont été jugées disproportionnées.
On pourrait certes avancer que la situation est un peu différente pour les footballeurs, parce que les compétitions internationales sont moins essentielles pour eux que les JO ne le sont pour les patineurs. Mais sont-ils prêts à faire une croix sur la Coupe du monde pour participer à la Superligue ? La seule menace de les exclure pourrait tomber sous le coup du droit européen de la concurrence.
Comment la FIFA et l'UEFA peuvent-elles lutter contre le projet de Superligue en respectant ce cadre juridique ?
Il y a deux points à surveiller : d'abord, il faut voir quels "objectifs" invoquent les instances pour agir. La décision de la Commission dans l'affaire ISU semble autoriser par exemple la protection de leur calendrier, ce qui pourrait être utilisé par l'UEFA puisque la Superligue concurrencerait directement sa Ligue des Champions.
Elles peuvent aussi invoquer leur modèle de solidarité, c'est-à-dire leur capacité à redistribuer l'argent des droits TV pour soutenir les clubs moins riches et le foot amateur, face à un projet privé et purement lucratif.
Enfin, il faudra regarder dans le détail comment est rédigé leur système d'inéligibilité (pour les compétitions internationales, ndlr), parce qu'on ne sait pas encore précisément quelles sanctions l'UEFA et la FIFA vont appliquer et il est donc difficile d'en apprécier la proportionnalité.
La Superligue n'est pas encore lancée, et il n'est pas certain qu'elle le soit un jour : faut-il attendre que des joueurs soient réellement sanctionnés pour avoir la réponse à ces questions ?
Non, procéduralement ça peut commencer dès maintenant: la simple menace de la Fifa et de l'UEFA peut permettre aux clubs à l'origine du projet, s'ils veulent se faire connaître, de se tourner vers la Commission européenne.
Dès demain, ils pourraient déposer une plainte et dire que la FIFA et l'UEFA veulent empêcher l'émergence d'une compétition alternative. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé pour l'ISU, puisque la procédure s'est enclenchée sans que les patineurs ne soient jamais sanctionnés.
De manière générale et au-delà du foot, cette jurisprudence va obliger les fédérations sportives à justifier leur raison d'être, en termes de solidarité, de santé et de sécurité des sportifs, et la nécessité de protéger certaines de leurs compétitions.