Soudan: le mouvement de contestation veut un gouvernement civil "immédiatement"

Le mouvement de contestation au Soudan a exhorté dimanche 14 avril les nouveaux dirigeants militaires à transférer "immédiatement" le pouvoir à un gouvernement civil, les généraux ayant auparavant appelé les partis politiques à s'entendre sur une figure "indépendante" comme Premier ministre d'un exécutif civil.

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Des manifestants soudanais réclament le transfert immédiat du pouvoir à un gouvernement civil, le 14 avril à Khartoum.

Après la destitution, jeudi 11 avril, du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 30 ans, des milliers de Soudanais campent toujours devant le QG de l'armée à Khartoum pour faire pression sur les militaires.
"Nous continuerons à organiser nos sit-in jusqu'à la satisfaction de nos demandes", a clamé Omar el-Digeir, l'un des chefs de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation qui secoue le pays depuis le 19 décembre.
Le Conseil militaire de transition, qui tient désormais les rênes du pays, a semblé dimanche 14 avril aller dans le sens des manifestants en demandant à des responsables de partis politiques de se mettre "d'accord sur une personnalité indépendante qui deviendrait Premier ministre et sur un gouvernement civil".
"Nous voulons mettre en place un État civil basé sur la liberté, la justice et la démocratie", a affirmé un des membres du Conseil, le général Yasser al-Ata lors d'une réunion avec ces partis politiques à Khartoum.
Le ministère des Affaires étrangères a affirmé que le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête du nouveau pouvoir militaire, s'était "engagé à instaurer un gouvernement entièrement civil", mais sans donner de calendrier. "Le rôle du conseil militaire sera de maintenir la souveraineté du pays", a ajouté le ministère.
Le Conseil militaire doit "transférer immédiatement" le pouvoir à un gouvernement civil, a exigé dimanche 14 avril dans un communiqué l'Association des professionnels soudanais, membre de l'ALC au côté des partis d'opposition.
Elle a également appelé le futur "gouvernement de transition et les forces armées à faire juger Béchir, tous les chefs du NISS", redoutable service de renseignement, ainsi que ceux "ayant commis des crimes contre l'humanité et un génocide" dans la région occidentale du Darfour, ainsi que dans celles méridionales des monts Nouba et du Nil Bleu.
Peu après, le Conseil militaire a annoncé la nomination d'un nouveau chef du NISS, le général Aboubaker Moustafa, succédant au redouté Salah Gosh dont la démission avait été annoncée samedi, et le limogeage du chargé d'affaires en poste à Washington, Mohamed Atta, un ancien chef des services de renseignements.
Dans la soirée, les États-Unis, la Norvège et la Grande-Bretagne ont souligné que la transfert du pouvoir aux civils n'avait toujours pas eu lieu. "Il est temps que le Conseil militaire de transition et les autres parties entament un dialogue pour aller réellement vers un pouvoir civil", ont pressé les ambassades des trois pays dans un communiqué.
Restructuration des renseignements
Samedi soir 13 avril, les chefs de la contestation avaient demandé la restructuration du NISS, également acteur ces quatre derniers mois de la répression des manifestants, qui a fait des dizaines de morts, selon l'ALC. Le général Burhane a promis "d'éliminer les racines" du régime d'Omar el-Béchir.
Il a par ailleurs annoncé la libération de tous les manifestants arrêtés ces dernières semaines et la levée du couvre-feu nocturne imposé par son prédécesseur, le général Awad Ibn Ouf, qui avait démissionné après une journée seulement à la tête du Conseil.

De jeunes Soudanais déploient le drapeau national le 14 avril en manifestants à Khartoum pour un gouvernement civil.

Il s'est également engagé à faire juger les personnes ayant tué des protestataires. "Il est crucial que les nouvelles autorités soudanaises mènent une enquête sur le rôle de Salah Gosh dans le meurtre de nombreux manifestants", a souligné l'ONG Amnesty International. Le Conseil militaire compte toutefois parmi ses dix membres plusieurs piliers du régime de Béchir, dont le chef de la police.
"Pas vraiment le choix"
Dans un communiqué samedi soir, le général Burhane a nommé au sein du Conseil l'adjoint du chef du NISS ainsi que Mohamad Hamdan Daglo, chef des opérations des paramilitaires de la Force de soutien rapide, surnommé "Himeidti" et accusé de violations des droits humains au Darfour (Ouest).
Dimanche 14 avril, "Himeidti" a reçu au palais présidentiel le chargé d'affaires américain Steven Koutsis. Il l'a informé des "mesures prises par le nouveau pouvoir pour préserver la sécurité et la stabilité dans le pays", selon l'agence officielle Suna.
Parmi les mesures décrétées dans la foulée de la destitution de M. Béchir figuraient un cessez-le-feu à travers le pays, notamment au Darfour, où un conflit a fait plus de 300.000 morts depuis 2003 selon l'ONU. Ces dernières années, le niveau de violence a cependant baissé dans la région.
Amnesty a appelé samedi 13 avril les autorités à dévoiler rapidement le lieu où se trouve le président déchu Omar el-Béchir, 75 ans, arrivé au pouvoir après un coup d'État en 1989, et à le remettre à la Cour pénale internationale (CPI).
En 2009, cette cour basée à La Haye avait lancé un mandat d'arrêt contre lui pour "crimes de guerre" et "contre l'humanité" au Darfour, ajoutant l'année suivante l'accusation de "génocide". Le conseil militaire a toutefois affirmé qu'il refuserait d'extrader M. Béchir ou tout autre citoyen soudanais.
L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, généralement réticents aux révoltes populaires selon des analystes, ont de leur côté réagi prudemment aux bouleversements en cours au Soudan. Les deux capitales, qui craignent une descente aux enfers du pays qui déstabiliserait la Corne de l'Afrique et nuirait à leurs intérêts, ont exprimé l'espoir d'une "transition pacifique" tout en formulant de vagues promesses d'aide au Soudan qui s'enfonce dans un chaos économique.
Le ministère des Affaires étrangères soudanais a appelé la communauté internationale à "soutenir le Conseil militaire de transition (...)" afin de "réaliser une transition démocratique".

AFP/VNA/CVN

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