>>Les ventes de smartphones ont explosé au premier trimestre
L'application américaine Robinhood sur un smartphone, le 27 juillet à Los Angeles. |
Sortie en 2013, l'application américaine Robinhood (Robin des Bois en français) a fait sensation dans les pays occidentaux, en voulant convertir les "personnes ordinaires" à l'investissement personnel. Depuis, des équivalents locaux fleurissent, du Nigeria à l'Inde, pour attirer les 20-30 ans.
"Je ne me préoccupe plus vraiment de l'université, pour être honnête. Maintenant c'est marchés, marchés, marchés", reconnait Ishan Srivastava, étudiant à New Delhi, qui a débuté le "trading" fin décembre.
À 20 ans, Ishan Srivastava investit grâce à une poignée d'applications indiennes (dont Zerodha ou Upstox) et ambitionne de diversifier suffisamment son portefeuille pour être rentier à 45 ans.
En Inde, la révolution de l'investissement a été largement favorisée par l'essor des comptes bancaires électroniques, faciles à ouvrir en ligne et qui peuvent détenir des titres financiers, actions ou obligations.
Mais un engouement similaire pour les apps de trading se produit dans bien d'autres pays, notamment au Nigeria.
Des banques de moins en moins intéressantes
Réputée pour son dynamisme, la capitale économique Lagos subit aujourd'hui l'inflation galopante du naira, la monnaie nationale.
Conséquence, la jeunesse nigériane s'est ruée vers Trove et Risevest, des applications locales qui permettent d'accéder aux marchés américains, vus comme un moyen de protéger ses économies tant que la situation ne s'améliore pas.
"J'ai la possibilité de placer mon argent à la banque, mais chaque mois, cette option devient de moins en moins intéressante", estime ainsi Dahunsi Oyedele, 23 ans.
L'étudiant Ishan Srivastava suit les cours de la Bourse sur son ordinateur, le 5 octobre à Ghaziabad, en Inde. |
"Parfois, j'investis dans Risevest et j'ai un premier retour en une semaine. Imaginez, obtenir 1% ou 2% sur 100.000 naira (208 euros) chaque semaine - ce n'est pas grande chose, mais ça compte beaucoup."
Après la perte de son emploi de journaliste suite à la pandémie, Dahunsi Oyedele a payé pendant quelques mois son loyer en négociant des cryptomonnaies.
Et il est loin d'être le seul à s'être tourné vers la spéculation pendant la crise du COVID-19. La combinaison du chômage de masse, des confinements, et pour les plus chanceux d'une épargne sous-utilisée, a créé des vocations dans le monde entier.
Rien qu'aux États-Unis, plus de 10 millions de nouveaux investisseurs ont investi les marchés au premier semestre 2021, affirme JMP Securities.
Une partie d'entre-eux ont été attirés par le buzz en janvier autour de la chaîne de magasins de jeux vidéo "GameStop", dont le cours s'est envolé lorsque des boursicoteurs sur les réseaux sociaux se sont ligués contre des fonds spéculatifs.
Et les nouveaux convertis sont de plus en plus jeunes. L'âge médian des Américains sur Robinhood est de 31 ans ; en Inde, Upstox affirme que 80% de ses utilisateurs ont 35 ans ou moins, idem pour l'application nigériane Bamboo (83%).
Pour abaisser encore les barrières à l'entrée, ces applications autorisent l'achat de fractions de titres, permettant par exemple de payer une part seulement d'une action Amazon plutôt que le titre en entier (plus de 2.500 euros aujourd'hui).
Enfin, certaines proposent de multiplier les profits (et les pertes) via un mécanisme d'effet de levier.
Flirt avec le risque ?
Mais si elles démocratisent la finance et promettent bien souvent zéro commission, les apps de trading savonnent aussi la planche des investisseurs inexpérimentés, s'alarment certains experts.
Aux États-Unis, le gendarme des marchés (la SEC) enquête pour savoir si ces sociétés encouragent les transactions de manière irresponsable, via de multiples relances et en donnant l'impression que l'investissement est un jeu.
Son équivalent britannique (la FCA) a prévenu en mars que les jeunes investisseurs, dont beaucoup de femmes et de personnes issues de minorités au Royaume-Uni, avaient le plus à perdre.
Selon l'une des études de l'autorité, près des deux tiers des sondés verraient leur niveau de vie affecté "de manière déterminante" en cas de lourdes pertes. Bien loin de l'adage selon lequel il ne faut investir que ce que l'on est prêt à perdre.
"Ces nouveaux investisseurs placent leur confiance dans les nouveaux médias (comme Youtube ou les réseaux sociaux) pour trouver conseils et actualités", relève enfin le régulateur.
Pour certains jeunes spéculateurs, la chance a déjà tourné.
À Bombay, le designer Ali Attarwala, 30 ans, a fait une pause après une mauvaise expérience cette année avec les cryptomonnaies. "Ces applications permettent d'acheter facilement des actifs spéculatifs comme les cryptos, mais celles-ci restent très volatiles", explique-t-il à l'AFP.
Même s'il a aussi vécu des hauts et des bas, Ishan Srivastava reste quant à lui optimiste. "Quand j'ai commencé, mon capital a fondu de près de 50%", dit-il. "Je ne considère pas cela comme une perte, mais plutôt comme le coût de ma formation".
AFP/VNA/CVN