Situation tendue au large de la Libye où le flux de migrants ne tarit pas

Plus de 8.100 migrants secourus depuis le 16 octobre au large de la Libye, encore des morts le 22 octobre : le tableau est sombre et l'attaque le 21 octobre d'un canot par des hommes à bord d'un bateau des gardes-côtes libyens accentue les doutes sur la stratégie européenne visant à s'appuyer sur eux.

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Photo fournie par la Croix rouge italienne de migrants secourus en mer méditerranée et arrivant à Vibo Marina, le 22 octobre 2016.
Photo fournie par la Croix rouge italienne de migrants secourus en mer méditerranée et arrivant à Vibo Marina, le 22 octobre 2016.

Dans la journée du 22 octobre, environ 2.400 migrants ont été secourus lors d'opérations souvent difficiles et 14 corps récupérés sans vie, selon un bilan des gardes-côtes italiens. Une dizaine d'entre eux, dont quatre enfants, se sont retrouvés à la mer lorsque leur canot a pris l'eau avant l'aube, selon l'ONG Médecins sans frontières (MSF), dont le navire Dignity 1 a secouru les survivants et qui redoutait que d'autres encore soient portés disparus.

Les autres victimes ont été retrouvées sur d'autres canots, sans que les causes des décès soient claires pour l'instant: noyade, asphyxie, brûlures, hypothermie, déshydratation, épuisement...La plupart des corps ont été transférés sur le Siem Pilot, un navire norvégien patrouillant dans la zone pour l'agence européenne Frontex et qui a fait le plein.

Son équipage a en effet passé la nuit du 21 au 22 octobre à récupérer près d'un millier de migrants épuisés et très nerveux, qui avaient été recueillis le 21 octobre par un pétrolier. Puis il a dû mettre en sûreté sur ce même pétrolier des centaines d'autres migrants apparus le 22 octobre à bord de nouvelles embarcations de fortune. "Je n'ai jamais vu une opération de secours comme celle-là !", a raconté le commandant de police Pal Erik Teigen, chargé de l'opération à bord du Siem Pilot, à une équipe de l'AFP embarquée sur le bateau.

Photo fournie par la Croix rouge italienne d'une femme et son enfant débarquant à Vibo Marina, après avoir été secourues en mer Méditerranée, le 22 octobre 2016
Photo fournie par la Croix rouge italienne d'une femme et son enfant débarquant à Vibo Marina, après avoir été secourues en mer Méditerranée, le 22 octobre 2016. Photo : AFP/VNA/CVN

Après une période de mer agitée, la météo est restée calme toute la semaine, favorisant ces départs qui promettent un mois d'octobre record avec près de 20.000 personnes secourues. Le total des arrivées en Italie devrait ainsi avoisiner les 150.000 ce week-end, ce qui reste dans la lignée des deux dernières années.

Mais la situation est d'autant plus difficile à tenir pour l'Italie que désormais, la fermeture de facto des frontières bloque la majeure partie de ces migrants sur son territoire. Réunis le 21 octobre à Rome, les ministres de l'Intérieur européens du "G6" ont estimé que le rapatriement des clandestins ou déboutés du droit d'asile constituait "un élément fondamental" de la politique européenne en matière de flux migratoires.

Tortures en Libye

La lutte contre les passeurs en Libye constitue un autre axe, et l'UE prévoit pour cela de former et équiper des gardes-côtes libyens. Quelque 80 candidats doivent débuter cette formation fin octobre, s'ils démontrent être loyaux au gouvernement d'union et pas mêlés à des affaires de corruption. "En Libye, il est très difficile de savoir qui fait quoi", a commenté vendredi Ruben Neugebauer, porte-parole de l'ONG allemande Sea-Watch. "On ne sait jamais dans quelles mains le matériel finira".

Ainsi, dans la nuit du 22 au 21 octobre, des secouristes de Sea-Watch qui distribuaient des gilets de sauvetage aux quelque 150 passagers d'un canot pneumatique, ont vu intervenir des hommes à bord d'un bateau arborant le sigle des gardes-côtes libyens. Ils ont cherché à s'emparer du moteur du canot, frappant les migrants à coups de bâtons. Dans la panique qui a suivi, la plupart des migrants sont tombés à l'eau. Seuls 120 ont pu être secourus.

Et les ONG engagées dans les opérations de secours rappellent que bloquer les migrants en Libye les expose à des sévices et des tortures dont les médecins à bord constatent chaque jour les traces. "En Libye, j'ai été détenu pendant trois mois", a raconté samedi matin un Guinéen de 33 ans à des volontaires qui l'ont secouru sur l'Aquarius, affrété par SOS Méditerranée et MSF.

"Nous n'avions que deux douches et deux toilettes pour 500 personnes, et très peu de place pour dormir. À manger, nous avions un genre de pâtes une fois par jour, et pour boire, de l'eau salée". À côté de lui, un Ivoirien de 30 ans s'inquiétait pour l'un de ses amis, détenu longtemps comme lui et dont la famille n'a pas envoyé l'argent nécessaire. "Il n'a pas pu monter sur le bateau, il était trop faible".


AFP/VNA/CVN

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