>>En Uruguay, la première école 100% durable d’Amérique latine
Monserrath Vera Rojas et un violon à base d’un détritus. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
«Le monde nous envoie ses détritus. Nous lui renvoyons de la musique», a commenté Favio Chavez, responsable de cet «Orchestre recyclé», lors d’une récente représentation à Los Angeles.
L’idée d’utiliser les déchets pour jouer de la musique lui est venue il y a dix ans. Musicien prodige - à 11 ans, il dirigeait la chorale de son église -, il est arrivé à Cateura en 2006 comme technicien environnementaliste.
Il a rapidement décidé de créer une école de musique pour les jeunes de ce bidonville qui s’est développé près de la plus importante décharge du Paraguay. Mais l’extrême pauvreté des habitants rendait inenvisageable l’achat de vrais instruments.
Les montagnes de détritus ont apporté la matière première, et le charpentier Don «Cola» Gomez son savoir-faire : les violons sont faits de lèchefrites et les guitares d’assiettes à dessert.
Un violoncelle est constitué d’un baril de pétrole, de cuillères en bois et de talon aiguilles, et une radiographie remplace la peau des caisses d’une batterie.
«Au début, c’était difficile de jouer mais Favio m’a aidée à apprendre avec le temps. De Favio, j’ai appris à être davantage responsable et à apprécier la valeur de ce que j’ai», a confié Celeste Fleitas, violoniste de 10 ans. La musique de Mozart, Vivaldi et même Sinatra s’élève sous les petits doigts des enfants de Cateura, l’une des plus pauvres communautés d’Amérique du Sud qui abrite 40.000 personnes près de la capitale Asuncion.
Plus de 1.500 tonnes de déchets y sont déversés chaque jour, des tas d’immondices fouillés par les habitants à la recherche du moindre objet pouvant être revendu.
Documentaire, tournée mondiale
Favio Chavez, responsable de l’"Recycled Orchestra", et ses instruments de musique insolites. |
Il n’y a pas d’eau potable, un accès limité à l’électricité et aux équipements sanitaires. La maladie est reine, l’illettrisme est endémique. Les enfants sombrent souvent dans la toxicomanie, les gangs et la délinquance.
Le «Recycled Orchestra» sert d’échappatoire à ses jeunes membres. D’autant plus depuis que la formation insolite a attiré l’attention de la réalisatrice paraguayenne Alejandra Amarilla. L’ex-épouse de Steve Nash, ancien joueur de l’équipe de basket des Lakers de Los Angeles, a commencé à les filmer en 2010. En 2012, elle a téléchargé sur YouTube un clip et lancé une collecte auprès du grand public.
En quelques jours, cette vidéo a été visionnée par plusieurs millions de personnes dans le monde. Les dons ont afflué et les musiciens de Cateura ont accédé à une notoriété internationale.
Cette levée de fonds a permis de réaliser Landfill Harmonic, un documentaire sorti aux États-Unis en septembre. Il suit les enfants -dont la plupart n’avaient jamais quitté le bidonville- pendant leur tournée mondiale, jouant devant des têtes couronnées européennes, le souverain pontife et l’ONU.
Le co-réalisateur Brad Allgood a expliqué qu’il souhaitait que les spectateurs ressortent de la projection inspirés et motivés. «Pour moi, une phrase du film sort du lot, c’est lorsque (Favio Chavez) dit +Ne rien avoir n’est pas une excuse pour ne rien faire+». L’orchestre a joué en première partie du groupe Metallica, fait des improvisations avec Stevie Wonder, Megadeth et suscité des projets similaires à travers la planète.
«Notre ville a beaucoup changé, parce que maintenant les enfants veulent terminer l’école et rester à l’écart de la drogue. Maintenant ils veulent un avenir meilleur», a raconté Toby Armoa, 15 ans.
Membre du «Recycled Orchestra» depuis quatre ans, il répète deux heures par jour avec son saxophone, un assemblage de tuyau de plomberie, de capuchons de bouteilles et de pièces de monnaie. Selon M. Chavez, grâce à cette initiative, la population de Cateura a pris conscience de l’importance de l’éducation et du caractère sacré de l’enfance.
«Auparavant, les enfants quittaient l’école ou devaient travailler mais, maintenant, l’éducation est devenue un aspect important de la communauté», a-t-il relevé. «Ils auraient peut-être sombré dans la drogue ou d’autres vices si cette opportunité ne s’était pas présentée».
Une école de musique pour 200 élèves est en cours de construction.
AFP/VNA/CVN