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Vue générale de la marina de Dubaï, aux Émirats arabes unis, le 6 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le long d'un canal que surplombe une montagne de grattes-ciels, la foule habituelle de touristes a disparu. "C'est quasiment 95% du chiffre d'affaires qui a été perdu, pour ne pas dire 100%", confie le cogérant d'une entreprise de location de yachts.
Avec l'interruption du transport aérien et les mesures de confinement, ce jeune expatrié français, qui a requis l'anonymat, a dû arrêter ses virées et sessions de pêches mi-mars, pris "au dépourvu". À Dubaï, économie la plus diversifiée du Golfe, l'expansion du secteur des services -qui emploie des centaines de milliers de travailleurs étrangers à faibles revenus - a rendu le luxe banal, dans les gigantesques centres commerciaux, les fameux "malls", jusqu'au bar clinquant du 124e étage de Burj Khalifa, la plus haute tour du monde.
Pauvre en pétrole, la cité-État tapageuse a bâti sa renommée en devenant un hub financier, commercial, touristique ainsi qu'un havre de confort et de technologies pour les Émiratis, les touristes et les expatriés travaillant dans le conseil ou dans le marketing. Alors que les Émirats ont officiellement enregistré plus de 546 cas et 11 décès dus à la maladie COVID-19, le pays a entamé un déconfinement relatif. La plupart des commerces ont rouvert, mais pour les employés et employeurs, l'incertitude reste de mise.
"Très peu de demande"
Le gérant des yachts, qui appartiennent à de riches propriétaires, et son associé ont été autorisés à reprendre leur activité de manière limitée mais, en plein mois de ramadan, il y a "très peu de demande". À ce rythme, "on peut tenir encore jusqu'à cette fin d'année ou début janvier".
Car, ajoute le jeune expatrié, la petite entreprise a perdu "entre 200.000 et 300.000 dirhams" (environ 50.000 à 75.000 euros) depuis le début de la crise. "Les salariés n'ont touché que 50% de leur salaire (en mars) et ils ont dû prendre quelques congés le mois suivant", souligne ce patron qui a décidé d'appeler l'État à l'aide.
Dès le début de la crise sanitaire, les Émirats ont annoncé des milliards pour soutenir l'économie et mis en place des mesures d'aide aux entreprises, principalement des allégements fiscaux et autorisations de licencier les employés étrangers, de réduire leur salaire ou de leur imposer des congés sans solde. Cette perspective suscite les craintes de Lila, une jeune Népalaise de 23 ans, arrivée à Dubaï juste avant la crise. Elle a été recrutée en janvier par une entreprise qui permet de faire appel à une femme de ménage pour quelques heures via une application.
Des yachts dans la marina déserte de Dubaï avec, en arrière-plan, les immeubles de la ville des Émirats arabes unis, le 5 mai. |
Dans une somptueuse tour résidentielle où elle travaille, Lila explique que plusieurs de ses collègues ont été remerciées et attendent le retour du trafic aérien pour retourner dans leur pays, souvent le Népal ou les Philippines. "Ils vont me garder car je suis nouvelle. Le problème c'est le salaire : on ne sait pas s'ils vont le réduire ou quelle sera la situation dans les prochains mois", confie la jeune fille qui perçoit environ 1.500 dirhams (près de 380 euros) par mois. "Ce n'est déjà pas un bon salaire."
"Composante essentielle"
Les services représentent environ 80% de l'économie de Dubaï et "tous seront touchés par la crise du coronavirus à des degrés divers", en particulier le tourisme, le commerce et l'hôtellerie, observe James Swanston, analyste chez Capital Economics, un cabinet de conseil basé à Londres. Dubaï a accueilli en 2019 plus de 16 millions de visiteurs étrangers et en espérait 20 millions cette année.
"Si les mesures de distanciation sociale et de restriction des voyages se poursuivent pendant trois à quatre mois, cela entraînerait une baisse de 5 à 6% du PIB au moins cette année", estime le spécialiste. "La réponse des autorités (...) montre qu'elles considèrent les PME comme une composante essentielle", ajoute-t-il, notant néanmoins le manque "de soutien direct" aux travailleurs à faibles revenus.
Dans le Golfe, cette situation suscite les critiques d'organisations de défense des droits humains. Vani Saraswathi, rédactrice en chef adjointe du site Migrant-Rights.org, s'interroge : "Quelles mesures seront mises en place pour éviter que ces personnes ne soient encore plus en détresse ?"
AFP/VNA/CVN