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Un téléphone portable avec ses applications, le 22 mars 2018, à Manchester United (Angleterre). |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'existence même de l'électrohypersensibilité (EHS) fait débat entre une communauté médicale sceptique face à une pathologie qui ne se définit que par l'autodéclaration des personnes qui en souffrent et des patients qui mettent en avant des symptômes handicapants.
Maux de tête, troubles du sommeil, nausées, irritabilité, fourmillements dans les doigts ou encore problèmes cutanés : l'Anses répertorie des dizaines de symptômes, plus ou moins courants, que les électrosensibles attribuent à leur exposition aux radiofréquences des téléphones portables, antennes relais et autre wifi.
"Il n'existe pas de critères de diagnostic de l'EHS validés à ce jour", note l'Anses dans cet avis publié mardi 27 mars. Mais "quoi qu'il en soit, les plaintes (douleurs, souffrance) formulées par les personnes se déclarant EHS correspondent à une réalité vécue".
"C'est une avancée. On ne parle plus d'un effet nocebo exclusif", a estimé le président de l'association Robin des Toits, Pierre-Marie Theveniaud, avant d'avoir pris connaissance de l'intégralité du rapport.
L'effet nocebo, à l'inverse du placebo, est causé par la suggestion ou la crainte que l'exposition à un médicament ou à des facteurs environnementaux est nuisible.
L'Anses estime que cet effet "joue certainement un rôle non négligeable dans la persistance de l'EHS", mais qu'il n'exclut pas "une affection organique non identifiée".
Au-delà du constat des souffrances, les experts recommandent "une prise en charge adaptée par les acteurs des domaines sanitaire et social" pour des patients qui subissent aussi parfois un "isolement psycho-social" en décidant de changer de mode de vie voire en déménageant dans des zones isolées.
"La Haute Autorité de santé pourrait sur le modèle de ce qu'elle a fait en 2011 pour la fibromyalgie, établir une sorte de guide des bonnes pratiques", a précisé Olivier Merckel, chef d'unité risques physiques à l'Anses.
"Un certain mépris"
Les patients se trouvent parfois face à des médecins peu à l'écoute. Le rapport met en avant le "besoin de reconnaissance" exprimé dans les témoignages des patients et leur "désir d'être pris au sérieux" par des médecins qui peuvent privilégier "une approche psychologisante", accompagnée "d'un certain mépris" à leur égard.
"C'est un pas dans la bonne direction. Il faut maintenant que le lien de causalité soit reconnu", a insisté Jeanine Le Calvez, vice-présidente de l'association Priartém-Electrosensibles de France.
Un pas que ne franchit pas l'Anses. "Aucune preuve expérimentale solide ne permet actuellement d'établir un lien de causalité entre l'exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarant EHS", concluent les experts qui ont examiné l'ensemble de la littérature disponible sur le sujet.
Il faudrait surtout "diminuer les niveaux d'exposition" aux ondes de la population de manière générale. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les études de "provocation", qui soumettent les sujets aux ondes en laboratoire, ne mettent pas en évidence l'apparition de symptômes ni de capacité des électrosensibles à percevoir les champs magnétiques.
"Ça ne veut pas dire qu'un jour on ne découvre pas un tel lien", même si aujourd'hui "les causes restent inconnues", note Olivier Merckel.
Le rapport, qui pointe du doigt "les limites méthodologiques" des recherches passées, plaide donc pour de nouvelles études, avec de nouveaux protocoles.
Mais il faudrait surtout "diminuer les niveaux d'exposition" aux ondes de la population de manière générale, plaide Pierre-Marie Theveniaud, qui s'inquiète notamment du déploiement annoncé de la téléphonie 5G.
"La pollution électromagnétique généralisée qu'elle va ajouter se déroule sans la moindre étude d'impact", a également regretté l'eurodéputée Verts Michèle Rivasi.
"Il faut bien comprendre que l'électrohypersensibilité nous concerne tous. Ce syndrôme toucherait environ 5 % de la population, à des degrés de gravité plus ou moins aigus", a-t-elle ajouté, saluant un rapport "qui va dans le bon sens".
Ce n'est pas la première fois que l'Anses se penche sur les effets des radiofréquences. En 2016, elle avait estimé que les ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, les tablettes tactiles ou les jouets connectés pouvaient avoir des effets sur les fonctions cognitives - mémoire, attention, coordination - des enfants.
AFP/VNA/CVN