Salade de fruits, jolie, jolie…

«Croquer la papaye». Sans doute, si Éden se situait du côté du fleuve Rouge ou du Mékong, le serpent aurait-il fait cette proposition à Ève. Et, sans doute, au lieu de pépins, l’humanité aurait-elle eu à supporter un gros noyau !

Les fruits, on ne va pas en faire une salade !

Si, au Vietnam, il est des paniers bien fournis et des étalages copieusement achalandés, ce sont bien les corbeilles de fruits qui, tout au long de l’année, exhibent des produits aussi variés qu’inconnus à des yeux occidentaux. Il m’arrive souvent de passer de longues minutes devant ces étals pour tenter d’expliquer à des amis de passage quel goût peut bien avoir tel ou tel fruit, tout en leur en apprenant le nom. Séance didactique qui se termine toujours par la dégustation sur place sous l’œil attendri de la marchande qui commençait à être passablement irritée de voir un attroupement stérile devant son échoppe… Je profite de ces premiers jours d’été pour vous emmener faire un tour en verger vietnamien…

Relaxation ou relâchement ?

Mangue.

À tout seigneur, tout honneur ! Je vous présente Madame Mangue. La plus connue, avec sa peau allant de diverses nuances de vert au rouge en passant par le jaune. C’est pour moi le symbole de la fidélité totale, tellement il est difficile de retirer le noyau de la chair. Ces deux-là, pour les séparer, il faut mordre dedans à pleines dents, sans se soucier d’avoir du jus qui dégouline le long du menton et le cou, sur les mains... Quand vous allez à la campagne, en saison, votre hôte vous offre souvent un fruit qu’il cueille à l’arbre de son jardin. Je me souviens de la première mangue qui me fut ainsi offerte au Vietnam. C’était à l’occasion de la fête anniversaire de la mort de l’arrière-grand-père de mon ami Tuân. Il m’avait invité à sa maison natale, et j’y avais rencontré toute sa famille, y compris son grand-père, en compagnie d’autres vétérans des périodes troublées du siècle dernier… L’un d’eux m’avait courtoisement convié à venir visiter sa maison et son jardin. Ce que j’avais accepté avec enthousiasme, tout à ma fièvre anthropologique de néophyte. Arrivé chez lui, une adorable maison aux murs bleus et aux volets verts, enchâssée dans un véritable paradis d’arbres fruitiers tropicaux, il m’avait fait asseoir dans un fauteuil, et l’interrogatoire a commencé. Que pensé-je du Vietnam ? Est-ce que je connaissais Hô Chi Minh ? Mes réponses devaient le satisfaire, car il remplissait régulièrement de mangues, une petite corbeille en osier, qu’il poussait vers moi. C’était de toutes petites mangues, sucrées comme des burlats et fibreuses comme du gingembre frais. Ne voulant pas vexer mon hôte, je dévorais consciencieusement fruit après fruit, la modeste corne d’abondance… C’est au moment de notre séparation que les vertus laxatives de la mangue se sont déclarées ! À peine le signal d’alerte intestinal, avait-il retenti que je me précipitai dans les commodités de la maison de mon ami, heureusement à quelques mètres de là ! Ce jour-là, nous avons battu le record de lenteur pour rentrer à Hanoi, et j’ai découvert les bienfaits salvateurs de plantes à feuilles larges et épaisses, et des bosquets de bambous ou des champs de maïs ! Il m’aura fallu une semaine de cure de pamplemousse pour sortir indemne de l’aventure !

Pamplemousse.

Pour tous les goûts

Ah, la pamplemousse d’ici, le «bưởi» comme on dit ! Énorme, à la peau verte épaisse comme celle d’un pachyderme, il trône en bonne place dans les éventaires. À l’époque de sa pleine maturité, il s’entasse en cônes, en pyramides, en tétraèdres, dans les rues, sur les vélos, dans les palanques, au bord des routes… Il faut aller chercher ses quartiers de vésicules sucrées-amères, sous un duvet blanc, astringent comme une toile émeri ! Ma femme s’en sert pour dégraisser les casseroles qui ont attaché, c’est-vous-dire ! Malgré cet inconvénient mineur, c’est le fruit par excellence du voyageur ! On peut le transporter avec soi, sans risque qu’il s’abîme, ni ne s’écrase lamentablement dans le sac à dos, comme la banane.

Banane.

La banane vietnamienne est aussi nommée «Petite naine», en comparaison avec la taille des bananes africaines ou américaines. Je vois des sourires égrillards, et j’entends des sous-entendus que je m’empresse de disperser, en soulignant que son goût est jugé par les connaisseurs, comme nettement meilleur que celui des autres musa sapientium. Ça vous en bouche un coin, hein ! Par contre, mes carnets de route, linge intime et livres de voyage, gardent des souvenirs poisseux de bananes conservées dans le sac, lors de promenades caniculaires…

Papayes.

À côté de ces fruits royaux, figurent en bonne place, les papayes, cousines de la mangue qui, lorsqu’elles sont à point d’être cueillies, confèrent aux papayers (l’arbre qui les porte) un vague air de taureau camarguais ! Renommée dans la pharmacopée traditionnelle, la papaye est sans doute l’ancêtre de l’alicament. Jugez en plutôt : propriétés curatives dans les problèmes digestifs, on lui prête également des vertus curatives dans le diabète, l’asthme et comme antiparasite, antioxydant, anti-diarrhéique… Je comprends mieux pourquoi les vieillards vietnamiens sont si vigoureux !

Salade de fruits.

D’autant qu’ils n’ont que l’embarras du choix, car en matière curative c’est une véritable salade de fruits qui est à leur disposition : l’amande tropicale, l’anone des marais et l’avocat, la barbadine, la carambole et le corossol, le curuba, la figue et la goyave, la grenade, le kumquat et le litchi, la longane, la passiflore et le mangoustan, la pomme cannelle, le tamarin et le fruit de la passion, le fruit du dragon et la main de Bouddha, la noix de coco et la sapotille, le durian et l’ananas, la figue, le ramboutan, la pomme d’eau, le curuba, le pitaya et l’orange à peau verte. Et tous ceux que j’oublie ou que je ne connais pas ! Toutes les couleurs de l’arc-en ciel sont représentées, du rouge vif des fruits du Dragon, à l’indigo des mangoustans. Toutes les textures sont possibles du coriace des pommes d’eau au granuleux des corossols, du fibreux de la noix de coco au juteux du litchi. Toutes les odeurs aussi, du suave, du sucré, jusqu’à la plus repoussante comme celle du durian, qui cache derrière un parfum délétère un goût merveilleux ! Comme quoi ce n’est pas toujours ceux qui sentent mauvais qui sont les moins bons !

Durian.

Souvent les touristes s’étonnent de ne pas voir figurer de fruits aux menus des restaurants vietnamiens. Pour un pays qui en regorge, c’est plutôt curieux !? Mais, c’est qu’ici les fruits, on les mange en se promenant, entre amis à la terrasse d’un café en sirotant une «bia hoi» (bière pression) ou un «trà đá» (thé glacé). On les achète au passage à une vendeuse de quatre saisons qui promène sa boutique sur les épaules, ou plus simplement, quand on est à la campagne on les cueille à l’arbre !

Clémentine.

Et moi, depuis que je me suis mis au régime fruits, j’ai vraiment la banane !

Texte et photo : Gérard BONNAFONT/CVN

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