Roumanie : la crise se poursuit, nouvelles manifestations prévues

Les manifestants roumains s'apprêtaient à marcher samedi 4 février jusqu'au Parlement pour exiger l'abrogation d'un décret assouplissant la législation anticorruption, au cinquième jour de protestation, tandis que le gouvernement campe sur ses positions.

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Des Roumains manifestent contre un assouplissement de la législation anticorruption, le 3 février 2017 à Bucarest.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les opposants ont prévu de se retrouver en milieu de journée dans la capitale, où ils étaient déjà environ 100.000 vendredi soir 3 février, avant de former une chaîne humaine autour du bâtiment.

Des manifestations similaires ont réuni vendredi 3 février entre 100.000 et 150.000 personnes dans une cinquantaine d'autres villes, dont Cluj (Nord-Est), Sibiu (Centre) et Timisoara (Ouest).

La cible des protestataires : un décret adopté par le gouvernement social-démocrate (PSD), qui, redoutent les opposants, pourrait bénéficier à de nombreux élus soupçonnés de malversations, dans un pays miné par la corruption.

"Le gouvernement veut légaliser la criminalité en col blanc, qui est la plus insidieuse", s'insurgeait vendredi 3 février Sergiu, un employé de banque âgé de 43 ans, sur la place Victoriei de la capitale, l'épicentre de la contestation.

Alors que le gouvernement a martelé son intention d'"aller de l'avant" avec cette réforme pénale, deux mois après les élections, les contestataires entendent poursuivre un mouvement d'une ampleur inédite dans une Roumanie habituée aux turbulences politiques depuis la chute du régime communiste, il y a 27 ans.

"Comme en 1989"

Manifestation anti-gouvernementale à Bucarest, en Roumanie, le 3 février.
Photo : AFP/VNA/CVN

Daniela, une pharmacienne âgée de 50 ans, a confié à cet égard se sentir "comme en décembre 1989", lorsqu'une manifestation géante avait forcé l'ancien dictateur Nicolae Ceausescu à prendre la fuite.

La plupart des manifestants sont jeunes, urbains et qualifiés, comme Vlad, 39 ans. "J'aurais eu la possibilité de quitter le pays mais je n'ai jamais pensé que j'aurais une vie meilleure ailleurs". Simplement, "il faut descendre dans la rue pour que les choses changent", expliquait vendredi ce père de deux enfants gagnant 500 euros par mois comme lecteur à la faculté de cinéma de Bucarest.

Chassé du pouvoir fin 2015 par des manifestations anticorruption, mais triomphalement réélu aux législatives de décembre, le PSD que dirige Liviu Dragnea s'est montré résolu à faire passer la réforme aujourd'hui dénoncée par les manifestants.

Ces derniers craignent un retour en arrière alors même que la lutte contre la corruption a commencé à porter ses fruits sous la pression de l'Union européenne (UE) et de magistrats très offensifs, qui se sont saisis de centaines de dossiers.

Lueur d'espoir pour les opposants, le Défenseur des droits a annoncé vendredi 3 février contester devant la Cour constitutionnelle le recours par le gouvernement à une procédure d'urgence qui ignore le Parlement.

Le président de centre droit Klaus Iohannis et le Conseil supérieur de la magistrature ont également saisi la Cour au sujet de ce décret.

"La corruption tue !"

Les opposants ont prévu de se retrouver en milieu de journée dans la capitale, où ils étaient déjà environ 100.000 vendredi soir 3 février.
Photo : AFP/VNA/CVN

Celui-ci réduit les peines encourues pour abus de pouvoir, lesquelles passent d'un maximum de sept ans de prison à trois ans. Il introduit par ailleurs un seuil minimum de préjudice de 200.000 lei (44.000 euros) pour engager des poursuites.

Le gouvernement dirigé par Sorin Grindeanu a en outre envoyé au Parlement un projet visant à gracier environ 2.500 détenus qui purgent des peines allant jusqu'à cinq ans de prison.

Il affirme vouloir ainsi désengorger les prisons et mettre en conformité le code pénal dont une soixantaine d'articles ont été invalidés par la Cour constitutionnelle.

Les rangs du PSD, au centre de la vie politique depuis la fin du communisme, ont été particulièrement touchés par les enquêtes du parquet national anticorruption (DNA), qu'il accuse de procéder à une chasse aux sorcières.

Spontanés, les rassemblements sont largement relayés sur les réseaux sociaux, notamment via un site internet baptisé "La corruption tue", où les protestataires appellent à continuer de descendre dans la rue contre le décret dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 10 février.

Le mouvement a déjà inspiré une chanson au groupe de pop roumain Voltaj. Le morceau "Si la Roumanie parlait", mis en ligne jeudi, compte les jours avant la mise en application de ce décret : "Il ne me reste que neuf jours et je serai de nouveau abattue dans la boue".

Le phénomène de contestation reste cependant essentiellement urbain. Le PSD jouit en effet d'une solide base électorale dans les milieux ruraux et défavorisés, qui l'ont à nouveau plébiscité il y a deux mois sur fond de promesses de hausse des prestations sociales.

Comme la Commission européenne, le Département d'État américain a critiqué le décret anticorruption, se disant "profondément préoccupé".

AFP/VNA/CVN

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