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Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez (gauche), le Premier ministre Édouard Philippe (droite) et le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye (2e à droite) posent le 26 novembre à Matignon. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Nous devons passer un message de très grande détermination. Nous nous sommes engagés là-dessus". Le premier ministre Édouard Philippe a tenu un langage de fermeté à l'Assemblée nationale devant les parlementaires de la majorité réunis à huis clos, ont affirmé des sources concordantes à l'AFP.
"Nous avons un mandat là-dessus", a insisté Édouard Philippe à l'occasion de ce rendez-vous auquel participaient également la ministre de la Santé Agnès Buzyn et le haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye.
À neuf jours de l'épreuve de force, l'exécutif veut reprendre la main sur le calendrier et enjamber la date choisie par les syndicats opposés à son projet de "système universel" de retraite censé remplacer les 42 régimes existants.
Selon plusieurs parlementaires présents à la réunion de mardi soir 26 novembre, M. Philippe s'exprime mercredi 27 novembre pour "dire ce qu'il retient (de ses) échanges avec les partenaires sociaux" qui se sont déroulés les 25 et 26 novembre, alors qu'un séminaire gouvernemental sur la réforme est prévu dimanche 1er décembre à Matignon.
M. Delevoye s'exprimera quant à lui entre le 10 et le 13 décembre, avant une prise de parole du chef du gouvernement avant la fin de l'année pour "donner les arbitrages".
Syndicats et patronat auraient pourtant préféré que le pouvoir abatte ses cartes avant la date fatidique.
"On a perdu beaucoup de temps", a regretté Laurent Berger (CFDT), pointant les "tergiversations de la part du gouvernement".
"La colère est en train de s'enkyster dans certains secteurs", a mis en garde Laurent Escure (Unsa), réclamant "que des arbitrages soient rendus le plus vite possible" car, "si c'est après le 5 décembre, on sera dans une zone de danger".
La grève "aura lieu de toute façon", a observé Geoffroy Roux de Bézieux (Medef), disant s'attendre à "des difficultés", même une "très courte grève" pouvant "avoir un impact sur l'image et l'attractivité du pays". "Pendant une journée, on peut s'organiser", a affirmé François Asselin (CPME), surtout inquiet du "jour d'après".
"Inquiétude" et "provocations"
"Cette attente d'annonces génère plutôt de l'inquiétude", a souligné Alain Griset (U2P), qui a demandé mardi 26 novembre au Premier ministre et au haut-commissaire de "garantir la liberté d'exercice" des artisans et des commerçants.
Une revendication concernant particulièrement les métiers de l'alimentation, pour qui "les périodes de Noël sont essentielles", a-t-il souligné. "Si jamais il y avait des blocages, beaucoup se verraient au premier trimestre dans une situation financière extrêmement compliquée", a-t-il ajouté.
La crainte n'est pas infondée : parti des bastions de la RATP et de la SNCF, l'appel à une grève reconductible contre la réforme des retraite a été rejoint par la CGT, FO, FSU, Solidaires, et plusieurs syndicats étudiants et lycéens, puis par des organisations d'Air France, d'EDF, d'avocats, de magistrats...
Fait rare, les cadres de la CFE-CGC ont appelé à manifester, son président François Hommeril redoutant un futur système "à la main de l'État" qui "viendrait à amoindrir le niveau général des pensions".
La CFTC a laissé ses syndicats libres de rallier le mouvement, bien que son secrétaire général Cyril Chabanier "privilégie toujours le dialogue par rapport à la grève".
Le leader de la CGT, Philippe Martinez, est prêt pour le bras de fer : "On n'avait jamais eu autant de demandes" de salariés "qui veulent savoir comment" participer à la mobilisation du 5 décembre, a-t-il assuré, évoquant des appels à la grève dans "les raffineries, la pétrochimie, le caoutchouc, l'automobile".
"Tout le monde est concerné (...) c'est une réforme qui concerne le public comme le privé", a-t-il insisté, dénonçant "la grosse provocation" de l'exécutif qui cible depuis plusieurs jours les seuls régimes spéciaux.
Des régimes qu'Emmanuel Macron lui-même a jugés "d'une autre époque", la ministre des Solidarités, Agnès Buzyn, pointant leurs "revendications très corporatistes", et le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, leur reprochant de vouloir "conserver des inégalités".
Trop pour M. Martinez, venu dire en face à M. Philippe : "Arrêtez les provocations et recadrez un peu vos ministres".
AFP/VNA/CVN