Rencontre entre des Viêt kiêu de Nouvelle-Calédonie et des victimes de l’agent orange du village de Hoà Binh à Hanoi. |
Ces plus de 30 Viêt kiêu (Vietnamiens d’outre-mer) nés en Nouvelle-Calédonie, étaient des 2e et 3e générations. Leurs parents étaient arrivés en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu en vertu d’un contrat de cinq ans. Tous ces immigrés vietnamiens en Mélanésie sont appelés les «Chân dang» (voir encadré).
De 1961 à 1964, 11 bateaux ont rapatrié les candidats au retour. Ceux qui ont choisi de rester sur ces deux îles du Pacifique ont toujours souhaité (re)venir au Vietnam pour retrouver leurs racines, des proches. Certains ont pu réaliser leur rêve, d’autres jamais...
Ainsi, parmi ces 30 Viêt kiêu de l’Amicale vietnamienne de Nouvelle-Calédonie venus visiter le pays pendant 10 jours fin septembre dernier, certains découvraient le Vietnam.
C’était le cas de Phan Kathia, de père vietnamien et de mère kanak. Elle est allée à Nam Dinh (Nord) pour retrouver le frère de son père. «C’est la première fois que je viens au Vietnam. Mon but est de visiter le pays natal de mon père mais surtout de découvrir mes racines. Car bien que je ne sois pas née ici, j’y ai des racines profondes. Ce voyage, je vais le raconter à mes amis et je compte bien y emmener un jour toute ma famille», a-t-elle confié.
Ly Thi Chuc Huong, quant à elle, est née au Vietnam. Accompagnée de son mari et de ses deux fils Duc et Hai, elle s’est rendue à Muong Khuong (province septentrionale Lào Cai) sur les traces de sa mère, d’ethnie Nùng. «Quand je suis arrivée en Nouvelle-Calédonie, j’avais sept ans. Mon père travaillait pour les Français. Mon mari est Français et il aime bien les spécialités vietnamiennes, particulièrement l’alcool de Dà Lat ! Mes enfants ne parlent pas vietnamien mais ils ont été très émus de retrouver des membres de notre famille», a-t-elle partagé.
Au chevet des victimes de l’agent orange
Selon le président de l’Amicale vietnamienne de Nouvelle-Calédonie, Jean-Pierre Dinh : «Ces voyages ont pour but de rapprocher les Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie du Vietnam, la terre de leurs ancêtres. Nous souhaitons créer une dynamique pour que les générations futures de +Chân dang+ continuent de partir à la recherche de leurs racines».
Les Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie se sentent très impliqués dans le devenir du pays. |
Une partie importante du programme de l’Amicale vietnamienne était de visiter le village de Hoà Binh à Hanoi, où sont pris en charge des victimes de l’agent orange. En 2013, la communauté vietnamienne de Nouvelle-Calédonie a collecté des fonds pour y construire des sanitaires. «Nous venons ici chaque année depuis six ans, et nous comprenons la nature de leurs difficultés, la pénibilité du travail du personnel médical. Nous continuerons de les soutenir», a assuré l’un des membres de l’Amicale.
D’après Jean-Pierre Dinh : Comme bien d’autres Viêt kiêu dans le monde, les Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie se sentent très impliqués par l’avenir du pays. «Notre priorité aujourd’hui et dans le futur est de venir en aide aux jeunes handicapés».
Bien sûr, ce voyage a aussi été l’occasion pour les Viêt kiêu de faire du tourisme, de visiter des sites emblématiques du pays tels que la baie de Ha Long, Sa Pa... Ils ont aussi rendu visite à des «Chân dang» vivant au Vietnam pour, ensemble, partager des souvenirs de leur vie, là-bas, en Mélanésie.
L’histoire des «Chân dang»
Les «Chân dang», pour la plupart originaires de provinces surpeuplées du delta du Nord du Vietnam où la famine régnait, furent recrutés volontairement sous un contrat d’une durée de cinq ans. Ils partirent de Hai Phong pour travailler en Nouvelle-Calédonie essentiellement pour les mines de chrome et de nickel, et aux Nouvelles-Hébrides dans les plantations de cocotiers et de caféiers. Douze mille Vietnamiens sont passés en Nouvelle-Calédonie entre 1891 et 1939, date du dernier «arrivage».
Après les départs prévus par le contrat, en 1939, pour des raisons diverses, 3.940 furent bloqués sur le territoire. La plupart d’entre eux réclamèrent leur retour au pays. Après avoir mené de dures luttes et subi de sévères brimades, une vingtaine d’années plus tard, la majorité d’entre eux, alors plus de 5.700 «Chân dang» et leurs descendants purent regagner le Vietnam par bateau entre 1960 et 1964 suite aux accords conclus entre Paris et Hanoi.
Michel Duc
Thuy Hà/CVN