Reconnaissance faciale et forces de l'ordre, la peur de "Big Brother"

De plus en plus populaire dans les appareils électroniques, la reconnaissance faciale est aussi de plus en plus utilisée par les forces de l'ordre, au grand dam des défenseurs des libertés individuelles, qui la jugent liberticide et peu fiable.

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Un système de reconnaissance faciale présenté lors d'une conférence technologique, le 1er novembre 2017 à Washington.

Longtemps un fantasme d'écrivains de science-fiction, le fait de déverrouiller un appareil ou de payer un achat d'un simple regard est désormais une réalité, largement popularisée par le très médiatisé iPhoneX d'Apple, sorti fin 2017.
Mais des forces armées, des services d'immigration ou de police du monde entier l'utilisent également pour identifier un suspect dans une foule ou faire correspondre le visage d'une personne en garde à vue avec une base de données de délinquants.
La reconnaissance faciale a permis fin juin d'identifier plus rapidement le tireur du journal Capital Gazette, qui a fait cinq morts près de Washington aux États-Unis. Sans elle, "nous aurions mis beaucoup plus de temps à l'identifier et à faire avancer l'enquête", selon la police locale, avec laquelle il refusait de collaborer.
Dans le Maryland, où a eu lieu la fusillade, l'organisme public qui gère notamment les prisons a depuis 2011 une base de données de reconnaissance faciale, selon une étude de 2016 de l'université de Georgetown. Il dispose ainsi de quelque 7 millions d'images issues des permis de conduire, ainsi que 3 millions de clichés de "délinquants connus".
Mais pour nombre de défenseurs des libertés publiques, reconnaissance faciale est plutôt synonyme de "Big Brother". D'autant que plusieurs études mettent en lumière son manque de fiabilité, surtout pour les personnes non blanches.
Selon l'université de Georgetown, environ 117 millions d'adultes aux États-Unis figurent à leur insu dans des bases de données permettant la reconnaissance faciale, utilisées par les forces de l'ordre, fédérales et locales, alors même que cette technologie n'est que très peu régulée.

Une policière chinoise porte des lunettes comportant un système de reconnaissance faciale intégré, à Zhengzhou.

Au Royaume-Uni, l'ONG "Big Brother Watch" a dénoncé récemment le manque de fiabilité de la reconnaissance faciale automatique, qui consiste à faire scanner informatiquement les visages dans un endroit public pour les identifier en temps réel et les comparer à des bases de données.
Selon "Big Brother Watch", non seulement cette technique aboutit à procéder à un contrôle biométrique de n'importe quel citoyen, mais, de plus, elle n'est pas fiable puisque selon les chiffres de la police londonienne elle-même, le système --actuellement en test-- se trompe dans l'identification des personnes dans la quasi-totalité des cas, croyant à tort reconnaître des délinquants.
"La vraie inquiétude, ce serait de voir des policiers identifier à la demande des citoyens innocents avec des caméras sur leurs uniformes", pense Matthew Feeney, du Cato Institute, un think tank libertarien aux États-Unis (idéologie défendant une conception minimaliste du rôle de l'
État, au profit de la liberté individuelle).
"Pente glissante"
Inquiétude aussi pour Brian Brackeen, pourtant à la tête de Kairos, une société qui conçoit un logiciel de reconnaissance faciale. "La surveillance gouvernementale alimentée par la reconnaissance faciale est une incroyable violation de la vie privée de tous les citoyens et une pente glissante vers la perte complète de nos identités", dit-il.
Clare Garvie, qui a mené l'étude de Georgetown, estime que depuis deux ans, "la reconnaissance faciale a été déployée de façon plus large et plus active" aux États-Unis, notamment pour le contrôle aux frontières. Cette technologie n'est déjà plus de la science-fiction en Chine, en pointe sur le sujet, où elle y est largement utilisée pour surveiller les citoyens.
Plusieurs groupes technologiques sont présents dans la reconnaissance faciale, comme Microsoft, dont la technologie est utilisée aux frontières, tandis que le Maryland se sert de celle de l'Allemand Cognitec et du Japonais NEC.
Ces entreprises ne sont pas épargnées par la controverse, comme Amazon, qui fait face à une fronde d'employés et de militants lui reprochant de vendre ses technologies à la police. Le géant de l'internet se défend en assurant qu'il ne mène aucune activité de surveillance, ni ne fournit de données à la police, ajoutant que sa technologie peut aider à retrouver des enfants disparus ou lutter contre le trafic d'êtres humains.
Face à une autre critique récurrente, IBM a lancé récemment une étude "pour améliorer la compréhension des préjugés dans l'analyse des visages", tandis que Microsoft assure faire des progrès dans l'analyse de "toutes les nuances de couleurs de peau".

AFP/VNA/CVN

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