Un agriculteur montre du riz Nerica, une variété destinée au continent africain près de Fada Ngourouma, au Burkina Faso. |
Grâce au séquençage de 246 génomes de riz africains -sauvages et cultivés, les chercheurs de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et du centre du riz pour l'Afrique AfricaRice, avec l'aide du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), ont montré que la domestication par l'homme de la culture du riz en Afrique était intervenue il y a trois millénaires dans le delta intérieur du fleuve Niger, dans le nord du Mali, indique la revue Current Biology dans un article paru jeudi et confirmant des recherches publiées en 2014.
"Le Sahara, il y a 6-7.000 ans était une grande savane humide peuplée de chasseurs-cueilleurs qui ont commencé à garder les graines d'une année sur l'autre lorsque la région a commencé de s'assécher et que le riz sauvage a commencé à se raréfier", explique François Sabot, génomicien à l'IRD à Montpellier, l'un des auteurs de l'article. Postérieure à la domestication du riz en Asie, qui date de 10.000 ans et a été achevée "il y a 6 à 7.000 ans" selon le chercheur, la domestication du riz en Afrique a été concomitante avec l'émergence de l'agriculture dans le Croissant fertile (Irak, Syrie...) puis en Occident, ajoute-t-il.
Énorme potentiel de production
Grâce aux données collectées sur 163 variétés domestiques et 83 sauvages récoltées au Sahel et en Afrique de l'Est, les chercheurs de l'IRD, du CEA et d'AfricaRice ont généré la plus grande base de données génomiques sur le riz africain disponible à ce jour, indiquent les trois organismes. "Nous avons prouvé selon une méthode non sujette à interprétation que la domestication en Afrique a bien eu lieu au Mali, confirmant ainsi des découvertes archéologiques sur des amphores portant des traces de riz dans cette région" précise M. Sabot.
Certains travaux avaient émis l'hypothèse que cette domestication avait eu lieu plus à l'ouest, vers l'actuel Sénégal. En 2014, une équipe de chercheurs, qui avait la première séquencé le génome du "riz africain", avait déjà localisé la domestication le long du delta du Niger il y a 3.000 ans, selon un article de Nature Genetics. Si l'émergence d'une forme cultivée du riz en Afrique est issue d'un changement climatique qui a eu lieu il y a plusieurs milliers d'années, il est désormais possible que les caractères génétiques du riz africain, résistant au stress hydrique et à certains pathogènes, puissent aider la plante à s'adapter aux nouveaux changements climatiques qui se dessinent, ajoutent les chercheurs.
"L'espèce de riz africain, Oryza Glaberrima, n'a jamais été cultivée en masse en Afrique, mais on commence à la redécouvrir sur sa capacité de résistance aux pathogènes, à la sécheresse, à la toxicité ferreuse et aux adventices, le seul problème est que cette variété est peu productive", souligne M. Sabot. "Toutes nos découvertes vont être transférées à AfricaRice dont l'objet est d'améliorer la culture et le commerce du riz en Afrique", détaille-t-il.
L'organisme créé en 1971 pour stimuler la filière riz à travers la recherche et la création de nouvelles variétés, a déjà créé une variété destinée au continent africain, le "Nerica". Selon le chercheur, l'Afrique "a le potentiel de devenir le plus gros producteur de riz du monde" car il reste beaucoup de terres disponibles à la culture. Le Nerica couvre actuellement 1,7 million d'hectares et a permis de sortir 8 millions de personnes de la pauvreté dans 16 pays africains. Mais le continent dépense encore plus de 7 milliards de dollars par an pour ses importations de riz, selon AfricaRice.
Quant à importer en Asie des semences résistantes venues d'Afrique, le chercheur en doute: "Pour les pays asiatiques, le riz c'est culturel, plusieurs pays se disputent l'origine de la domestication, il semble impensable à court terme qu'un riz africain soit accepté en Asie, même pour lutter contre les effets du réchauffement". Toutefois, estime-t-il, "l'introduction de quelques facteurs de résistance issus des souches africaines est envisageable, il y a déjà des travaux en cours".
AFP/VNA/CVN