Les quelque 400 participants qu'ils ont réunis, issus du monde politique, de la francophonie institutionnelle, de la société civile et de l'université venant de toutes les régions francophones, lancent un appel solennel à la Francophonie et à la France pour une francophonie en mouvement et une langue française réhabilitée.
De nouvelles problématiques ont surgi : la mondialisation culturelle, les chocs identitaires et religieux, le défi écologique, l'uniformisation linguistique et culturelle, l'émergence de géants économiques incontournables, l'inégalité et la crise financière mondiale.
Un monde équilibré doit être multipolaire non seulement sur les plans politique et économique, mais également sur le plan culturel, et ainsi réussir le dialogue des cultures. Les dixièmes entretiens mettent en exergue que la Francophonie, comme les autres grandes aires linguistiques, peut fortement y contribuer du fait qu'elle partage une grande langue internationale, présente sur les 5 continents.
La Francophonie du 21e siècle est donc bien plus qu'un laboratoire de la mondialisation humaniste, en raison des valeurs qu'elle promeut, des biens communs qu'elle défend. Elle se doit de promouvoir le dialogue interculturel mondialisé pour la paix et contre le repli identitaire. C'est une union géoculturelle, une puissance d'influence, forte de sa double dimension politique et de solidarité et des valeurs de son universalisme.
1 - Les dixièmes entretiens veulent attirer l'attention sur la langue française.
C'est la grande oubliée de la francophonie institutionnelle. Pour répondre à la forte demande de français dans le monde, la formation des enseignants de français et en français ne peut être différée : c'est une question de vie ou de mort pour la Francophonie. Il faut, par ailleurs, associer la langue française aux langues maternelles dans des pédagogies convergentes.
La Francophonie doit favoriser les classes bilingues et les universités francophones multilingues pour transmettre les valeurs que véhicule la langue française : une méthode, une rigueur, un raisonnement. Des garanties seraient ainsi données aux étudiants pour leur insertion professionnelle, compte tenu qu'ils seraient plurilingues.
2 - La Francophonie a besoin d'ambition : l'appel de Lyon est un appel aux États.
Après son combat victorieux pour la diversité culturelle, la Francophonie doit prendre l'initiative pour l'adoption d'une convention sur la promotion et la protection des langues. Le pluralisme linguistique est le garant du respect des identités nationales.
Les dixièmes entretiens remarquent qu'un modèle unique, une langue unique sont aujourd'hui dépassés du fait de l'émergence de nouvelles puissances, telles la Chine, le Brésil et le Mexique.
3 - L'appel de Lyon, c'est un appel au second moteur de la francophonie : la coopération décentralisée.
Les États généraux de la coopération décentralisée francophone qui se tiendront à Lyon en octobre prochain à l'invitation de l'Association internationale des Maires francophones (AIMF) et de l'Association inter- nationale des régions francophones (AIRF) dresseront un bilan, recenseront les besoins, mutualiseront les réponses et construiront les complémentarités avec les programmes de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de ses opérateurs directs.
Ensemble, États et collectivités décentralisées doivent relever les défis urgents comme l'enseignement du français, la constitution d'un corps de volontaires de la Francophonie, la formation à distance des professeurs de et en français et la mise en place d'un outil francophone d'appui aux industries culturelles.
4 - L'appel de Lyon, c'est un appel à la France et à ses élites pour mettre un terme à la promotion du "tout anglais " en France et à l'abandon du français dans le monde.
En France, la Francophonie est une priorité oubliée. L'élite la voit non comme une opportunité mais comme un obstacle.
L'une des conséquences serait que l'Université française se trouverait tributaire des normes scientifiques prévalant aux États-Unis.
Dans ces conditions, les dixièmes entretiens de la Francophonie demandent solennellement au président de la République française que la France renforce la loi Toubon, afin d'affirmer définitivement la primauté du français sur l'anglais sur le territoire national notamment dans le monde du travail, de l'enseignement et de la recherche, pour rendre obligatoire le recours au trilinguisme et non au bilinguisme anglais/français quand la seule langue française n'est pas jugée suffisante, pour imposer l'enseignement à égalité de 2 langues étrangères à tous les niveaux de l'enseignement du primaire au supérieur, pour obliger nos diplomates à s'exprimer en français dans les enceintes internationales quand le français y est langue officielle ou langue de travail. Jamais les organisations internationales n'ont eu autant de dirigeants francophones ou français, jamais on y a aussi peu travaillé en français.
5 - Les dixièmes entretiens recommandent.
- à l'instar de l'IHEDN en France, la création d'un Institut des hautes études francophones qui permettrait de familiariser l'élite aux défis de la mondialisation et à l'intérêt de la Francophonie tout en renforçant le sentiment d'appartenance à la communauté francophone;
- le développement du réseau des Chaires Senghor de la Francophonie, plateformes de formation et de recherche sur la Francophonie;
- à l'instar de l'Union européenne (UE) la multiplication des Maisons de la Francophonie qui favorisent une meilleure connaissance du monde francophone;
- à l'instar de l'UE qui a construit l'espace Schengen, la mise en place d'un espace francophone dont l'accès serait facilité par l'adoption d'un passeport francophone ou d'un "francopasse " qui s'impose de façon urgente;
- à l'instar de ce qui existe en matière universitaire avec l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), la fondation d'une Agence francophone de l'éducation pour la coopération éducative;
- la mise en place d'un Erasmus francophone et, dans les pays où le français n'est pas langue d'enseignement, de cursus intégrés allant de classes bilingues au primaire à des universités francophones régionales multilingues débouchant sur l'emploi;
- le renforcement de l'espace médiatique francophone pour faire connaître la Francophonie aux populations;
- la généralisation du programme IFADEM pour la formation des maîtres et de celui des volontaires de la Francophonie pour impliquer la jeunesse.
6 - Au niveau financier, les dixièmes entretiens lancent un appel aux États pour accroître les moyens en faisant remarquer que la Francophonie étant internationale, par essence même, ses financements doivent l'être également.
Il n'est pas sain pour une organisation internationale de dépendre autant d'un seul État bailleur.
Nous devons tous nous mobiliser dans ce combat pour la langue française et la Francophonie du 21e siècle.
OIF/CVN
(02/06/2010)