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L’autel de Nguyên Trai dans un temple en banlieue de Hanoï. |
Photo : CTV/CVN |
"Quel est le plus grand humaniste vietnamien ?" Cette question m’a été posée par plus d’un visiteur occidental, en particulier par ceux qui ont fait un trop bref séjour au Vietnam. La réponse n’est pas aisée, parce que l’humanisme au sens strict que lui donne l’Occident, n’est pas comparable à celui de l’Orient.
Historiquement, l’humanisme occidental est un mouvement intellectuel européen de la Renaissance (XIVe-XVIe siècles), caractérisé par un effort pour relever la dignité de l’esprit humain et le mettre en valeur, et aussi par un retour aux sources gréco-latines (Le Nouveau Petit Robert, 1995). Réagissant contre le fanatisme religieux et l’ordre féodal du Moyen Âge, il misait sur le bonheur de l’homme sur terre par l’épanouissement de ses capacités, le culte de la raison, la libération de l’individu. Doctrine philosophique et morale de la bourgeoisie à son origine, il est passé par le rationalisme, la philosophie des Lumières en général pour s’affirmer aujourd’hui dans un sens élargi : "Any system or mode or thought or action in which human interests, values and dignity predominate".
L’humanisme traditionnel en Occident semble plus axé sur l’homme en tant qu’individu tandis que dans l’Asie orientale marquée par l’esprit communautaire de la commune rurale et le confucianisme, il est plus centré sur l’homme en tant qu’être social. À la lumière de cette différence, quel pourrait être le plus grand humaniste du Vietnam ?
Plusieurs noms se présent : Nguyên Trai, Chu Van An, Nguyên Binh Khiêm, Nguyên Du, Ngô Thì Nhâm… Parmi eux, Nguyên Trai semble le plus proche des normes de l’humanisme occidental, pour ne pas dire de l’humanisme tout court. C’est dans cette optique qu’en 1980, l’UNESCO a commémoré mondialement son sixième Centenaire.
Le fondement de la pensée Nguyên Trai
Temple dédié à Nguyên Trai dans le site historique de Côn Son, district de Chi Linh, province de Hai Duong (Nord). |
Photo : ST/CVN |
Le directeur général de cette organisation internationale, Amadou Mahtar M’Bow, a célébré en particulier "l’ampleur de la vision humaniste" de Nguyên Trai.
Le fondement de la pensée Nguyên Trai se résume en deux mots : "humanité et justice". Il a toute sa vie œuvré pour cet idéal en se mettant au service de son peuple. Artisan de la victoire sur les envahisseurs chinois Ming, il a aidé son roi, Lê Loi, à mener une guerre de résistance de dix années. Sa conception de la guerre est imprégnée d’humanité.
"Il est dit : Paix et bonheur pour le peuple, tel est de fondement des vertus d’humanité et de justice".
"Éliminer la violence, tel est le rôle premier assigné à nos combattants"
Nguyên Trai a ajouté une dimension nouvelle à l’art militaire classique : c’est "l’offensive du cœur", qui fait penser à Gandhi, mais dans un ordre d’idée tout à fait différent. D’après lui, l’enlèvement des citadelles est important, mais non moins important est l’effort moral pour rendre l’adversaire honteux de ses actions de guerre et lui ménager une porte de sortie qui lui permet de sauver la face. Le but de la guerre de libération fut de mettre fin à la guerre entre les deux pays :
"Le génie militaire répugne à massacrer"
"…Sa Majesté gracie plus de cent mille hommes.
La Paix fut établie entre les deux pays
Mettant à tout jamais un terme à cette guerre dans le respect sacré des frontière".
Après la guerre, Nguyên Trai a continué à se dévouer au bien-être du peuple. Hélas ! Cet homme de cœur fut décapité, victime d’un complot tramé par des mandarins félons.
Nguyên Trai justifie encore son titre d’humaniste par son savoir universel et ses activités dans différents domaines. Homme politique, il fut stratège militaire, diplomate, philosophe, moraliste, géographe. Il a rendu un grand service à la littérature nationale en écrivant d’excellents poèmes en langue et en écriture nationales (nôm), et non en chinois classique (hán).
(Septembre 1996)