Il s’agit d’une première action de la campagne nationale de protection des éléphants. Un projet inédit du groupe Enter Vietnam avec comme membres l’historien Duong Trung Quôc, les artistes Lê Van Thao et Nguyên Ba Ngoc et d’autres. Pendant deux mois de suite, ils ont vécu une aventure dans le «Royaume des éléphants» (le surnom de la province de Dak Lak, sur les hauts plateaux du Centre ou le Tây Nguyên). L’objectif : photographier les «habitants» de la population éléphantine domestique, établir leur curriculum vitae et leur identité pour en faire un livre illustré.
 |
| La couverture du livre Nhung nguoi ban lon (Les amis géants). |
Les amis géants en péril
Le troupeau d’éléphants de Dak Lak ne compte actuellement plus que 52 têtes. Selon les statistiques de 1985, la population éléphantine sauvage du Tây Nguyên dénombrait alors plus de 500 animaux. Les dix années qui suivirent (1986 - 1995) ont été catastrophiques pour cette population animale qui a vu disparaître environ 400 éléphants. Une situation tellement désastreuse que le Projet de conservation du plus gros animal terrestre de Dak Lak a tiré l’alerte rouge : cette espèce animale pourrait être entièrement exterminée au Vietnam en 2030.
L’avertissement a affligé le cœur de tous les amoureux de la nature. D’autant plus qu’on est au courant des risques perpétuels que les éléphants encourent. Dans le «Royaume des éléphants» où ces habitants géants sont mobilisés pour les activités touristiques, nombre d’entre eux ont été tués secrètement par des «pirates» qui veulent gagner de l’argent sur le dos de l’animal. En effet, certaines parties de l’éléphant comme défenses, dents, poils, os, queue… se vendent à un prix exorbitant, parfois plus cher qu’un éléphant vivant. «Transformé en objet d’art et souvenir, il serait censé porter bonheur à celui en sa possession», selon certaines superstitions.
Les éleveurs d’éléphants ne s’empêchent pas d’exprimer leur souci envers l’avenir de l’animal. «Nous sommes à présent dans l’état où les éléphants domestiques se trouvent diminués pour leur fonction de reproduction, alors que la chasse aux animaux sauvages (pour les apprivoiser) est absolument interdite. Le troupeau du Tây Nguyên se perdra peu à peu pour disparaître totalement dans un avenir non lointain», se lamente Danh Nang Long, domicilié dans le village de Dôn.
Il est temps de passer à l’action
Le salut des éléphants est plus impératif aujourd’hui que jamais. Il est temps de passer à l’action. Et cela nécessite la participation de nous tous, individus et groupes. Cet appel d’urgence des services compétents résonne partout dans le pays. En collaboration avec le Département des sciences, des technologies et de l’environnement, la Compagnie par actions des films de fiction (du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme) a mis sur les rails un programme «Itinéraire -Vietnam vert» qui a pour but d’inspecter la situation environnementale dans l’ensemble du pays. La vie des éléphants du Tây Nguyên est au centre de la préoccupation de cette «Mission spéciale», composée de volontaires dont experts, journalistes, écrivains, cinéastes, chanteurs… et aussi la Miss Vietnam 2010, Ngoc Hân.
 |
| Le village Dôn, berceau des éléphants du Tây Nguyên, organise chaque année impaire, au 3e mois lunaire, une course d’éléphants qui attirede nombreux touristes. |
La première action du groupe Enter Vietnam a été de lancer une collecte de fonds pour faire paraître le livre Les amis géants. Et de se rendre ensuite dans la contrée montagneuse du Centre, pour bourlinguer de village en village, durant deux mois d’affilée, à la rencontre des «amis géants».
Le fruit de leur labeur est un livre illustré présentant 51 éléphants du Dak Lak (le 52e éléphant étant absent à l’époque, pour suivre son patron dans la forêt).
Chacun d’eux occupe deux pages entières, sur lesquelles sont disposés agréablement son portrait pris sous divers angles et des informations succinctes (nom, âge, profil, particularité et caractère distinctif…).
 |
| Une exposition de photos sur les éléphants du Tây Nguyên en 2011 à |
À côté des images s’inscrit un slogan commun : «Ne laissons pas les éléphants tomber dans l’oubli !»
Curriculum vitae des elephants
«Il y a un sentiment typique chez les Vietnamiens : +Comment pourrait-on avoir le cœur de faire du mal à quelqu’un dont on connaît le nom et le visage+. Une raison du cœur dont nous souhaitons profiter pour défendre les éléphants, et ça par l’intermédiaire du livre +Nhung nguoi ban lon+», explique l’historien Duong Trung Quôc.
 |
| L’éléphant est un familier chez les habitants du Tây Nguyên. |
Le livre précise ainsi le nom propre de chacun de ces 51 amis géants - une appellation soit sympa soit évocatrice. Par exemple : Bac Kham - la Belle douce, Bac Nang - la Belle entêtée, Bac Lanh - le Beau gosse, Chrool - le Char de combat, Na tuc - le Bébé intrépide, Kham Gut - le Gars toc-toc, Yghen - l’Ex artiste …
Leur profil est décrit, avec non moins de charme. Ecoutez par exemple la description du Beau gosse : «Bac Lanh a 29 ans. C’est le plus beau des éléphants du Tây Nguyên, fier de ses défenses imposantes. La parole à son patron Danh Nang Long : +Jamais je ne pourrais couper ses défenses si belles. Mais, qui sait ? Car ce sont ses défenses, évaluées à des centaines de millions de dôngs, qui le font devenir une cible pour les pirates+. Et voilà, plus on est beau gars, plus on est en péril !»
La particularité du livre réside dans ses pages, présentées à l’instar de cartes postales, soudées ensemble grâce à une spirale. «C’est pour qu’elles soient faciles à être détachées. Ainsi, quelqu’un qui achète le livre pourrait le scinder en plusieurs cartes postales afin d’en offrir à ses amis», explique Duong Trung Quôc. En effet, Les amis géants constitue un message d’urgence que ses auteurs souhaitent transmettre à tout le monde : conjuguons nos efforts pour défendre les éléphants - nos amis géants !
Nghia Dàn/CVN