La vocation religieuse d’un roi (Suite du numéro 45)

Le roi Trân Thai Tông (1218-1278), fervent bouddhiste, a laissé plusieurs ouvrages de la doctrine de Bouddha, en particulier le Khoa hu luc (Livre de la Pratique du Vide).

L’ouvrage Khoa hu luc (Livre de la Pratique du Vide) écrit par le roi Trân Thai Tông au XIIIe siècle.

Dans cette œuvre traitant de la doctrine de Bouddha et de la pratique de la religion bouddhique, l’auteur discute des notions d’harmonie, de permanence, de transformation du réel, et affirme sa position personnelle, différente de celle des six Bonzes supérieurs fondateurs du bouddhisme chinois traditionnel (Luc tô).

Ci-dessous est un extrait de l’œuvre :

Prédication sur le corps apparent . La pluie de larmes arrose la terre, sous les nuages lugubres. Le vent de douleur passe, la clarté lunaire s’en trouve amoindrie. La nuit s’avance, troublée par les pleurs et lamentations des démons et les plaintes douloureuses des esprits. Avec les années, les tertres sont détruits et foulés par les buffles et les chevaux. Les lucioles jettent leur lueur funèbre au sein des herbes vertes ; les grillons exhalent des plaintes intermittentes sous les branches de peuplier des cimetières. Les stèles commémoratives à moitié couvertes de mousse et de lichen cèdent la place aux sentiers formés sous les pas des pâtres et des bûcherons. Peu importe que de leur vivant, ils soient d’éminents gens de lettres, ou des beautés capables de faire tomber les citadelles, tous ne peuvent suivre un autre chemin. En fin de compte, il n’y a pas d’exception, tous ont le même destin.

Séduits par la beauté, les yeux entraînent l’homme vers une forêt d’épées. Ensorcelées par les sons musicaux, les oreilles le conduisent à la montagne des lances. Le nez est envahi d’odeurs fétides et puantes, la langue goûte les boules de fer incandescentes. Le cuivre en fusion arrose le corps tremblant d’horreur, le feu ardent des chaudières avive les souffrances atroces. Une journée aux enfers est aussi longue que cent années de vie terrestre.

Se perfectionner par la pratique du bien

Si nous regardons cela l’un œil lucide, il nous faudra vite détourner la tête et refaire notre vie. Faisons un saut pour échapper à la prison de la naissance et de la mort; déchirons d’une main énergique les rets de l’amour et des désirs. Homme ou femme, tout le monde peut se perfectionner par la pratique du bien, intelligent ou peu doué, chacun a sa part.

La Fête du Bouddha 2013 dans la province de Binh Duong (Sud)
 Photo : Quach Lam/VNA/CVN

Avant de pouvoir atteindre la sagesse de Bouddha ou saisir les idées des Maîtres, il faut d’abord obéir aux prohibitions et se livrer à la prière. Persévérons dans cette voie jusqu’au jour où l’on prendra conscience que Bouddha et Maîtres participent également au néant, et qu’on n’aura plus besoin des prohibitions comme des prières. L’on découvrira alors que les couleurs fausses qui nous entourent sont également des couleurs réelles, et que notre corps profane est également le corps de la loi suprême. Les six bandits une fois défaits deviennent six génies puissants, les huit douleurs5 une fois maîtrisées se transforment en huit satisfactions. Parler ainsi semble chose aisée, mais l’homme, parce que lié étroitement au corps, arrive difficilement à s’en défaire.

ô vous hommes de toutes catégories, comment pouvez-vous vous délivrer de ce corps apparent ? Si vous n’y parvenez pas encore, écoutez attentivement et mettez en pratique ce kê 6 :

«Le Sage véritable, avant d’arriver à la perfection, n’est rien qu’une masse de chair.

Rouge ou blanc7, comment peut-on leurrer le monde ?

Les nuages balayés, le firmament retrouvera sa sereine immensité,

Les montagnes, à l’horizon d’une belle couleur d’émeraude, se confondront avec le ciel».

Huu Ngoc/CVN

5. «bat khô» (Huit douleurs) : celles de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, de la mort, de la séparation d’amour, d’accumulation des rancunes, des désirs non réalisés, du triomphe des cinq vices (cinq vices ou cinq liens dans cinq domaines : beauté charnelle, gain, pensée, action, connaissance).

6. kê : commentaire de texte sacré.

7. Rouge ou blanc : peut s’interpréter : vrai ou faux.

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