Pour le développement humanisé

Le modèle de développement actuel, né en Occident, n’épargne pas les pays coloniaux qui ont conquis leur indépendance au lendemain de la Seconde guerre mondiale.


Huu Ngoc. Photo : CTV/CVN

Sous l’effet d’une industrialisation et d’une urbanisation galopante, les populations vivent une culture marquée par le matérialisme vulgaire et le consumérisme. En dépit des efforts entrepris par l’UNESCO depuis les années 1980 pour placer l’homme au centre de l’économie et de la culture, le culturel, c’est-à-dire l’humaniste, ne peut transcender l’économique, au détriment des cultures qui se sont dotées de traditions millénaires basées sur un esprit de convivialité communautaire.
Mathias Rethiman critique le développement déséquilibré qui, selon lui, n’est pas le développement. Ce concept ne prend pas en compte les aspects socio-culturels essentiels en faveur d’une croissance intégrale et complète de l’individu et de la société. Il manque à ce développement «une âme humaine. Il rend les individus et la société égoïstes et cupides» (Revue : Développement et Civilisations – N° 400, 2012). Mathias Rethinam, décédé en décembre 2011, était un prêtre indien, recteur du séminaire interdiocésain de Manduras, a proposé dans l’article sus-cité «Un autre modèle de développement», lequel s’oppose diamétralement au modèle existant.
Je pense que les hommes politiques, les sociologues, les économistes, les travailleurs sociaux des pays en développement ont intérêt à réfléchir sur les principes de base d’un alter-développement suggéré par Rethinam : Égalité, Responsabilisation, Savoir, Simplicité et Autonomie. Un tel développement met le peuple au centre.
L’homme est le noyau dur du développement
Égalité : Le véritable développement ne doit pas profiter qu’à une minorité.
Les peuples sont le «point focal» du développement. Il n’y a, en aucun cas, d’échelle sociale : toute per-sonne a sa chance. Gandhi, déjà dans les années 40, disait aux gouvernants et aux autres qu’à chaque fois que l’on doute, il faut «se souvenir du visage du plus pauvre et du plus faible et se demander si la mesure que l’on envisage va lui être d’une quelconque utilité. Va-t-il y gagner quelque chose ? Est-ce que cela va l’aider à reprendre le contrôle de sa vie et de sa destinée ? En d’autres termes, est-ce que cela va conduire les millions d’affamés matériels et spirituels au Swaraj (autonomie) ? Donc l’auto développement des peuples vers l’égalité, qui est la base sociale de l’autonomie, est notre souci immédiat.

L’UNESCO a entrepris les efforts depuis les années 1980 pour placer l’homme au centre de l’économie et de la culture.


Responsabilisation : Elle est l’impératif pour atteindre l’autodéveloppement des peuples et l’égalité.
Dans la situation actuelle, la majorité des victimes, à travers le monde, est dépourvue de pouvoir et les puissants lui font ressentir ce manque à travers la culture dominante. La conséquence de l’oppression et de l’exploitation constante est que ces victimes ont une pauvre image d’elles-mêmes. Elles ont le sentiment de vivre grâce à la bienveillance et l’indulgence des puissants.
Le processus de responsabilisation consiste à permettre aux opprimés de recouvrer leur dignité, individuellement et collectivement. De leur permettre en tant que personnes de s’impliquer dans un processus de réflexion et d’action organisées contre les forces oppressives de la société qui érodent leur culture locale et leur identité de peuple. Qui les divisent en castes et en genres. Qui leur bloquent l’accès aux ressources qui sont leurs moyens d’existence. Qui créent une distribution inégale et inéquitable. Cette pratique de la responsabilisation aide à bâtir et à améliorer l’estime de soi et à créer un pouvoir collectif qui devient une force agissante en vue d’un nouveau changement.
Savoir : La voie de développement actuel ignore la sagesse populaire et ses connaissances qui pourraient être utiles à un développement durable.
Des connaissances qui doivent pourtant être protégées. Il concerne les besoins exprimés par la communauté au lieu des besoins artificiellement créés dont on gave les gens. Cela implique la participation populaire. Il s’agit de moyens vitaux d’éducation politique locale hors de laquelle une nouvelle alternative ne peut être imaginée. Face à une poignée de personne puissantes qui déterminent le sort du plus grand nombre, des hommes et des femmes, conscients de leur pouvoir et de leur savoir, respectueux les uns des autres et solidaires, s’organisent pour décider de la marche à suivre et attribuer les responsabilités de la mise en œuvre. Mais aussi pour partager les joies et les peines que leur procurent leur action et s’engager à poursuivre leur route.

Le prête indien Mathias Rethiman critique le développement déséquilibré qui, selon lui, n’est pas le développement.


Facteur de développement humaniste et humain
Simplicité : Le fait de mener une vie simple ne relève pas ici de l’éthique mais constitue un facteur de développement humaniste et humain.
Si l’égalité est respectée, alors la simplicité doit devenir une dimension culturelle du nouveau modèle qui émerge. Par opposition à l’accumulation sans limite et le style de vie luxueux résultant de l’inégalité et du pillage des ressources vitales tel que l’incarne le système actuel, la simplicité apparaît comme un nouveau modèle culturel qui s’oppose au consumérisme.
Autonomie : Sans elle, sans le pouvoir de prendre ses propres décisions, le développement équitable et judicieux ne peut être réalisé.
Dans la majorité des pays du monde en développement, la dépendance à l’égard de la technologie et du capital étrangers est telle qu’elle aboutit à l’esclavage. Il faut donc aussi une «volonté politique», de la part des opprimés. D’une part, pour leur permettre de marcher sur leurs propres jambes et affirmer leurs droits sur la terre, l’eau, les forêt, les minéraux et les autres ressources vitales. D’autre part, pour qu’ils puissent faire usage de leur savoir indigène actualisé afin d’utiliser ces ressources de manières durable. L’autonomie, complétée de la responsabilisation et du savoir, assure le respect de la dignité et permet une relation confiante avec les autres.
L’émergence d’un nouveau type de développement

En Inde, il existe des centaines de mouvements populaires qui travaillent dans le sens décrit ci-dessus. Chacun a son histoire de luttes et de réalisation grâce à ces militants sociaux clairvoyants et engagés qui sont présents parmi eux pour progresser vers cette nouvelle étape. Ce qui est intéressant à souligner c’est la nouvelle prise de conscience de la nécessité de s’unir pour combattre le modèle de développement déshumanisant et promouvoir la base d’un Nouvel ordre : égalité, simplicité et autonomie.

Huu Ngoc/CVN

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