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Des manifestants irakiens font le signe de la victoire lors de manifestations à Bagdad, le 26 octobre 2019. |
Ses députés, qui forment le premier bloc au Parlement, ont entamé un sit-in au Parlement qu'ils ne lèveront, ont-ils dit, qu'une fois "satisfaites les demandes" des manifestants. Et ils ont déposé une demande "officielle" au président de la République pour qu'il convoque un vote de défiance, ont annoncé deux d'entre eux à l'AFP.
L'Irak est entré le 1er octobre dans une crise sociale - inédite parce que spontanée - qui a dégénéré en crise politique. Au milieu de ce chaos, des attaques contre des QG de partis et de groupes armés dans des villes du sud font planer la menace de plus de violences. La contestation a connu deux épisodes. Le premier, entre le 1er et le 6 octobre, s'est soldé officiellement par 157 morts.
Tahrir dans le noir
Sur la place Tahrir, occupée depuis jeudi soir par des manifestants, l'éclairage public avait été coupé samedi soir 26 octobre, selon des témoins. Des tirs de grenades, lacrymogènes et assourdissantes résonnaient dans tout le centre de la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe. Ces grenades ont déjà tué plusieurs manifestants, notamment touchés au visage, selon des sources médicales.
Les forces de sécurité tirent des barrages de ces grenades pour empêcher les manifestants de traverser le pont al-Joumhouriya reliant Tahrir à la Zone verte, où siègent le Parlement et l'ambassade des États-Unis. Dans plusieurs villes du Sud, des manifestations ont aussi eu lieu avant d'être dispersées en raison de couvre-feux imposés "jusqu'à nouvel ordre".
Depuis vendredi 25 octobre, dans des villes du sud, chiite et tribal, des dizaines de sièges de partis, de bureaux de députés et surtout des QG des factions armées du puissant Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires dominée par les milices chiites pro-Iran et alliée du gouvernement, ont été incendiés et saccagés. "La colère populaire se dirige contre eux (...) car ils sont la vitrine évidente du +régime+", explique le chercheur Harith Hasan.
Des manifestants irakiens protestent contre leur gouvernement, devant des incendies à Bassora, dans le Sud de l'Irak, le 25 octobre . |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ces violences sont aussi le fait des partisans de Moqtada Sadr, assure l'expert du Carnegie Middle East Center, qui "ont vu une opportunité pour passer à l'acte face à des milices concurrentes comme Assaïb Ahl al-Haq, Badr et les brigades du Hezbollah", les plus puissantes du Hachd.
Après l'incendie de son siège à Amara (sud) et la mort d'un de ses commandants, Assaïb Ahl al-Haq a promis de se "venger", tandis que la mission de l'ONU en Irak (Unami) se disait "très inquiète des entités armées qui cherchent à compromettre la stabilité de l'Irak" et "sabotent les manifestations pacifiques". À Bagdad, aucune attaque de ce genre n'a été rapportée.
"Ca suffit"
Les protestataires rejettent en bloc les mesures sociales annoncées. Ils veulent, disent-ils, une nouvelle Constitution et d'une classe politique entièrement renouvelée dans le 12e pays le plus corrompu au monde. M. Abdel Mahdi a plaidé pour réformer le système d'attribution des postes de fonctionnaires et abaisser l'âge des candidats aux élections dans un pays où 60% de la population a moins de 25 ans.
"Ils ont dit aux jeunes: +Rentrez chez vous, on va vous verser des pensions et vous trouver des solutions+, mais c'était un piège", s'emporte une manifestante, venue avec son fils. Vendredi, le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, a appelé à la réforme et à la lutte anticorruption, tandis que Moqtada Sadr a réclamé début octobre la démission du gouvernement et de nouvelles élections.
"Sadr, Sistani, quelle honte !", lance à l'AFP un manifestant en affirmant défiler parce qu'il n'a "pas un sou". "On nous tire des grenades dessus, ça suffit !". Pour les manifestants, les gouvernements successifs depuis la chute du dictateur Saddam Hussein en 2003 ont prouvé l'inaptitude du système alors qu'en 16 ans, la corruption a officiellement coûté 410 milliards d'euros à l'État, soit deux fois le PIB de l'Irak, deuxième producteur de l'Opep.
AFP/VNA/CVN