>>Migrants : à Paris, le campement évacué a commencé à se reformer
Le Premier ministre Edouard Philippe, le 12 juillet à Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Nous ne sommes pas à la hauteur de ce que doit être la France" envers les demandeurs d'asile et les réfugiés, a d'emblée résumé le Premier ministre Édouard Philippe, en dévoilant ce "plan d'action" qui doit s'accompagner, dès septembre 2017, d'un projet de loi.
L'objectif est de "réduire considérablement les délais de procédure de demande", et les ramener à 6 mois contre 14 en 2016, ainsi que l'avait annoncé Emmanuel Macron en déplorant un dispositif "débordé de toutes parts". Une ambition dans le droit fil de la précédente loi de réforme de l'asile, en juillet 2015, qui s'est trouvée sous-dimensionnée avec la crise des migrants.
Cela suppose de réduire les délais d'enregistrement, de convocation à l'entretien et de traitement des dossiers à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) qui devra boucler l'instruction en deux mois d'ici la fin 2018 (contre 5 actuellement).
À la clé, "une augmentation des moyens" est prévue pour l'Ofpra, la cour d'appel et des guichets en préfecture (là ou commence la procédure). Le Premier ministre n'a pas chiffré ces mesures, ni détaillé le budget de l'ensemble du plan.
Coté associations, la Cimade a regretté un "énième ajustement d'une politique sans cap". C'est une "déception annoncée", pour Thierry Kuhn, le président d'Emmaüs France. Pour la Fnars, le plan "ne répond pas à l'urgente nécessité de redimensionner les capacités d'accueil".
Côté hébergement, "4.000 places seront créées en 2018" pour les demandeurs d'asile "et 3.500 en 2019", soit une hausse de 10% du dispositif existant. Effort également pour aider les réfugiés à accéder au logement autonome : "5.000 places" d'hébergement provisoire seront créées.
Le secrétaire général du Front national, Nicolas Bay, a dénoncé "une insupportable démonstration de préférence étrangère", en estimant que "les Français ne réclament pas un +plan immigration+ mais un plan ANTI-immigration".
Quatre mille places seront créées en 2018 pour les demandeurs d'asile et 3.500 en 2019. |
Les places crées ne bénéficieront pas dans l'immédiat aux quelque 550 migrants réinstallés dans le nord de Paris, après l'évacuation géante de vendredi 14 juillet, ni à ceux de Calais : "Je n'ai pas de baguette magique", a affirmé M. Philippe, en précisant que des crédits d'hébergement d'urgence avaient été "préservés".
Migrants "économiques"
En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, le plan promet un "plan d'action spécifique" à la rentrée 2017.
Côté intégration, dont le candidat Macron avait fait sa "priorité", il s'agit de "refonder la politique" : le gouvernement veut mettre l'accent sur la formation et "doubler progressivement" les quotas d'heures de français prévues (200 actuellement, un volume largement jugé insuffisant).
Un délégué interministériel à l'intégration des réfugiés, qui reste encore à désigner, sera nommé, et "un conseil interministériel sur l'intégration se réunira d’ici fin 2017".
Mais le gouvernement enfonce le clou sur la distinction réfugiés/migrants économiques, qui inquiète les associations. Il faut "faire en sorte" que ces arrivants "comprennent qu'il ne sera pas possible d'accueillir la totalité des migrants économiques dans notre pays", a martelé M. Philippe.
Des annonces à forte charge symbolique ont donc été lancées : les personnes déboutées feront "systématiquement l'objet d'une mesure d'éloignement" dès le rejet de leur demande d'asile - une mesure compliquée, alors que sur 91.000 étrangers en situation irrégulière interpellés en 2016, seuls 25.000 ont quitté le territoire.
Le gouvernement compte aussi "redéfinir le cadre juridique de la rétention" - en clair, allonger la durée actuellement limitée à 45 jours.
En ce qui concerne les migrants ayant laissé leurs empreintes dans un autre pays européen, censément compétent pour traiter leur demande d'asile, et qui se présentent de plus en plus nombreux à Paris ou à Calais, "10 pôles seront institués" en préfecture. Il s'agit d'augmenter le taux de transfert vers le pays européen de première entrée, qui plafonne aujourd'hui à 10% environ.