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Le procureur de Paris, François Molins, se trouve aux États-Unis pour insister notamment sur la nécessité d'accélérer la coopération antiterroriste en matière de données numériques. Photo : AFP/VNA/CVN |
Le magistrat chargé des attaques majeures survenues en France depuis sa prise de fonction fin 2011 n'était pas lundi 13 novembre aux côtés d'Emmanuel Macron et de François Hollande pour l'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015.
À ce moment-là, celui qui supervise le parquet antiterroriste français se trouvait dans les locaux du FBI, la police fédérale américaine.
Toujours à Washington, François Molins s'est rendu au Department of Justice, le ministère qui coordonne en grande partie la lutte antiterroriste aux États-Unis. Mercredi 15 novembre, il doit rencontrer les responsables de parquets fédéraux à New York.
L'entraide judiciaire franco-américaine est bonne, voire dans certains cas "amicale", s'est félicité M. Molins, en rencontrant quelques journalistes américains, plus celui de l'AFP.
Mais, a-t-il ajouté, il est nécessaire "de fluidifier l'entraide pénale internationale, dont on peut penser que les canaux sont peut-être devenus trop compliqués par rapport à l'évolution des technologies".
Les exploitations d'emails, de SMS ou de contacts conservés par les géants du secteur, qu'ils s'appellent Google, Apple ou Facebook, sont notamment devenus indispensables à l'avancée des investigations.
"La France attend beaucoup des États-Unis car la plupart des opérateurs sont basés aux États-Unis", a expliqué M. Molins.
Suspecte sur Facebook
Le procureur de Paris a cité le cas de l'attentat déjoué en septembre 2016 à proximité de la cathédrale Notre-Dame, après lequel l'enquête s'est développée autour d'une suspecte connue pour avoir voulu se rendre en Syrie. Celle-ci utilisait Facebook.
"Qu'est-ce qu'on fait si les investigations sont bloquées car on n'arrive pas à obtenir le contenu des conversations sur le compte Facebook pour identifier les autres membres de la cellule ?", a questionné le procureur.
Emmanuel Macron (centre), François Hollande (1er à droite) et la maire de Paris, Anne Hidalgo (1re à gauche), lors du lâcher de ballons qui conclue les cérémonies d’hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Il a également pris l'exemple du téléphone portable de l'un des auteurs de la fusillade du Bataclan il y a deux ans : ce smartphone, trouvé dans une poubelle non loin de la salle de concert, était de marque Samsung. Il a donc pu être exploité par les enquêteurs.
Mais la tâche aurait pu être nettement plus compliquée avec un iPhone d'Apple, dont les systèmes de sécurité donnent fréquemment du fil à retordre aux limiers du FBI.
"Si on ne peut pas rentrer dans ce téléphone, on ne va pas découvrir qu'il appartient à l'un des terroristes, on ne pourra pas faire les connexions avec les cellules terroristes de Bruxelles, on ne pourra pas engager tout le travail d'investigation qui permet à nos amis belges d'identifier les appartements et tous les éléments de la cellule", a détaillé François Molins.
Au final, a-t-il conclu, "si on n'arrive pas à remonter ces cellules, les attentats du 22 mars à Bruxelles auraient été encore plus importants".
Menace jihadiste intérieure
Du fait de leur situation géographique, les États-Unis ont été relativement épargnés ces dernières années par les attentats jihadistes, même si un homme ayant fait allégeance au groupe État islamique a fait huit morts fin octobre à Manhattan.
À ses interlocuteurs aux États-Unis, le procureur Molins décrit les menaces "pas de la même ampleur quantitativement" pesant sur la France : une "menace exogène", constituée d'"environ 700 Français actuellement en Syrie et en Irak, dont environ 400 combattants français et 25 mineurs combattants de plus de 15 ans et des femmes", et une "menace endogène" devenue selon lui plus "intense".
Des poursuites pénales sont systématiquement engagées contre ces jihadistes qui risquent de revenir, a-t-il dit.
Il y a en outre plus de 400 mis en examen en France, dont 269 en détention provisoire.
Au sujet de la crainte du retour des jihadistes, le magistrat a ajouté : "Je pense qu'il y a beaucoup moins de combattants vivants qu'on ne le pense, toujours en état de combattre, et que le nombre de morts est certainement beaucoup plus élevé que les chiffres officiels détenus par les institutionnels".