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Thierry Vergon, directeur de l'Institut français de Hanoi |
- En 2021, les espaces artistiques sont restés fermés à cause de la pandémie. Comment l’Espace-a-t-il réagi pour maintenir ses activités de promotion culturelle et artistique?
On avait déjà décidé dès 2020 de ne pas inviter d’artistes ou d’experts français à venir au Vietnam. On a plutôt travaillé avec la communauté artistique locale, c’est-à-dire avec des artistes vietnamiens ou des artistes français présents au Vietnam. Quand je dis «artiste», c’est à prendre au sens large: il y a aussi des conférenciers, des universitaires et autres. Il y a une vie culturelle très riche à Hanoï et plus généralement au Vietnam. Donc, on n’a pas eu de mal à trouver des artistes ou des intervenants. Et lorsque c’était nécessaire, dans le cadre de conférences, on a fait appel à des intervenants français. Avec des outils numériques, on a pu les interviewer, faire une petite vidéo et utiliser ces vidéos dans le cadre de rencontres avec des experts ou des intellectuels vietnamiens. Donc, on a réussi à se débrouiller assez bien avec la fermeture de l’Espace.
- Et concernant la promotion des artistes locaux?
On a un programme qui s’appelle Live Space, où on comptait avoir plusieurs rencontres au cours de l’année. On a pu en organiser deux. On espère toujours peut-être pouvoir tenir une dernière rencontre avec six concerts sur deux jours à la fin de l’année si les autorités nous permettent de reprendre nos activités. C’est un programme qui vient pour renforcer les compétences et faire la promotion des jeunes artistes vietnamiens du rock indépendant. Nous l’organisons en partenariat avec la maison de disques française Believe, qui est un des principaux acteurs dans le domaine du digital pour la musique en Asie. Aujourd’hui, c’est une grosse société de distribution. Donc c’est une chance pour les artistes vietnamiens de pouvoir signer des contrats avec cette maison de disques, et puis, avec un acteur incontournable de la scène vietnamienne, qui est le Monsoon Festival qui n’aura pas lieu, mais avec qui nous avons monté ce partenariat. On organise des concerts pour eux, mais aussi des stages de formation pour savoir comment travailler leur jeu de scène, comment bien comprendre comment fonctionne l’industrie musicale, etc... Donc, il y a des ateliers qui sont organisés avec l’équipe du festival pour développer leurs compétences, pour avoir une meilleure connaissance de la filière musicale, pour savoir comment ça marche quand on est un artiste, qu’on veut devenir professionnel.
Représentation artistique lors de la célébration officielle de la Journée internationale de la Francophonie 2021. |
- L’Espace compte aussi présenter de nouveau l’«Histoire du soldat»?
Cela fait partie des spectacles qu’on a pu organiser à l’Espace au mois d’avril parce que c’était encore ouvert. C’est une production intéressante qui a été faite en collaboration avec le VNSO et l’ATH, une école de théâtre francophone basée à Tây Hô et Long Biên, et avec My Anh, une jeune artiste dessinatrice vietnamienne. On a mis ensemble les différents talents musicaux, théâtraux et graphistes pour monter un spectacle basée sur l’«Histoire du soldat», une œuvre de Stravinsky pour la musique et de Ramuz pour le texte. Cette pièce n’est pas vraiment un opéra, ni un récital, ni du théâtre. C’est une espèce d’ovni dans le paysage de la musique classique. Ce spectacle a été monté au mois d’avril. Il y a un metteur en scène français qui n’a pas pu venir et qui a dû faire toute la direction artistique depuis la Norvège où il était installé en vidéo. On a enregistré sa voix et fait jouer par un DJ en ajoutant du bruitage. Nous avons également eu le soutien très important de deux personnes de l’ATH, Quentin et Thu, qui ont incarné des acteurs sur scène. Pour faire profiter de ce travail à un plus grand nombre, on a enregistré et fait un montage vidéo de ce spectacle qui a été diffusé sur un certain nombre de plateformes.
- Quels sont les événements en ligne prévus d’ici à la fin de l’année?
Parmi les programmes qu’on prévoit de faire en ligne d’ici à la fin de l’année, il y a deux projets qu’on organisera en partenariat. Le premier est un webinaire à vocation grand public organisé sur Zoom et diffusé sur Facebook en partenariat avec EUNIC (Les instituts pour la culture de l’Union européenne) et l’UNESCO et d’autres partenaires vietnamiens pour parler des friches industrielles. Hanoï a décidé de relocaliser ses sites industriels en dehors de la ville. Une centaine de sites devra avoir une autre vie sous une autre forme. Beaucoup d’entre eux seront détruits pour laisser la place à des logements, à des centres commerciaux, à des hôtels ou à d’autres projets. Ce que nous essayons de faire à travers ce webinaire est de montrer qu’il existe une autre forme de vie à donner à ces sites. On peut ne pas les détruire, mais les transformer pour accueillir des entreprises culturelles. Ce modèle est largement répandu en Europe et même partout dans le monde, mais il n’est pas encore retenu au Vietnam jusqu’ici. Notre message est «Parfois, ce patrimoine industriel n’est pas aussi joli qu’un beau monument, mais en même temps, c’est de la mémoire collective pour des personnes qui y ont travaillé pendant un certain temps et qui ont créé une certaine identité pour ces quartiers à travers l’implantation de petites usines. Peut-être, il faut penser à conserver ce patrimoine des Hanoïens en le rénovant». On peut proposer aux quartiers de Hanoï une autre forme d’intérêt que de construire des tours d’habitation ou des grands centres commerciaux. On essaie de mêler l’idée de créer des espaces créatifs avec celle de préserver une partie du patrimoine bâti à Hanoï qui risque de disparaître rapidement. C’est vrai qu’il y a une pression foncière très importante à Hanoï. On propose aux autorités de faire quelque chose qui a un intérêt économique différent, mais qui, dans la durée, permettra d’avoir un autre impact sur la population, autre que l’apport financier. C’est quelque chose liée à l’art, à la culture et à l’environnement.
Le deuxième webinaire que nous allons organiser avec Goethe Institute sera consacré aux industries culturelles récréatives qui tournent autour de l’image. Les bandes dessinées, le cinéma d’animation et le jeu vidéo sont trois industries qui forment un écosystème. On veut montrer qu’une partie de cet écosystème existe, mais qu’il n’est pas encore abouti. On souhaite qu’à travers des exemples français et allemands, aider cette filière vietnamienne à se consolider. Au Vietnam, le cinéma d’animation et le jeu vidéo sont plus actifs, mais la BD reste encore en partie pauvre. Il y a une grande importation du Japon, de la République de Corée, de l’Europe et des États-Unis, mais la création vietnamienne souffre encore d’un manque de développement notamment chez des éditeurs bien établis. Il y a eu certaines tentatives par le passé, mais qui étaient vouées à des échecs commerciaux. On veut essayer de voir comment réorganiser les choses pour donner plus de place à la création de la BD originale vietnamienne. Il y a des talents, mais il faut mettre ensemble les acteurs de la filière. On veut aussi voir comment faire passer de la BD au film d’animation. En France, il y a des géants de l’industrie culturelle dans ces domaines comme Ubisoft ou Gameloft qui exportent et soutiennent beaucoup d’autres pays dans la création. Ces entreprises sont installées au Vietnam et qui emploient beaucoup de Vietnamiens. Mais tout ça manque encore de coordination. Ce webinaire permettra d’échanger des expériences et de voir lesquels parmi les modèles français et allemands seront utiles pour les industries culturelles vietnamiennes.
En 2022, on pourra faire venir des auteurs de BD qui dispenseront des ateliers aux jeunes créateurs vietnamiens. On veut aussi organiser une exposition sur la BD vietnamienne.
VOV/VNA/CVN