>>Un "monstre sacré" de la littérature moderne disparaît
>>La littérature vietnamienne à l’ère de l’intégration internationale
Nguyên Huy Thiêp était la figure emblématique de la scène littéraire à l’époque du Dôi Moi. |
Photo : TT/CVN |
"Nguyên Huy Thiêp est mort il y a quelques jours, et j’ose l’affirmer, c’est la voix d’un vrai humaniste qui s’est tue", a écrit Marion Hennebert.
"Écrivain, il n’a eu de cesse de peindre la vie des gens, petits et grands, citadins ou campagnards, lettrés ou non. Thiêp n’a jamais dévié : sans trembler, il nous racontait sa réalité, la réalité. Avec des mots forts, justes, qui créaient pour nous des histoires inouïes… Pour Nicole Zand, journaliste au Monde, pour Jean Lacouture, il était sans conteste le plus grand écrivain vietnamien… un très grand écrivain tout simplement.
Rappelons que lorsque l’Aube a édité Un général à la retraite en 1990, c’était la première fois qu’un écrivain vietnamien contemporain était publié en France depuis la guerre d’Indochine…
J’ai eu la chance d’aller chez lui, dans les faubourgs de Hanoi. Sa gentillesse, son regard pétillant d’intelligence, son humour explosaient à côté de l’énorme statue de Bouddha qu’il avait sculptée au milieu de son jardinet. Parce qu’il était cela, Thiêp : un écrivain, mais aussi un sculpteur, un peintre, un dessinateur… autant de supports pour nous délivrer son message, pour le délivrer de ce qu’il avait à dire, d’abord à lui-même, mais aussi au monde", a conclu l’éditrice.
La gloire posthume
Thierry Leclère qui avait rencontré l’écrivain au Vietnam pour Télérama, a écrit: "La gloire posthume, dit-on, ne réchauffe pas les cercueils. C’est pourtant tout ce que l’on souhaite en France à Nguyễn Huy Thiệp, auteur majeur de la littérature vietnamienne, décédé le 20 mars dernier à Hanoï, sa ville de cœur".
D’arpès l'auteur de "Good morning Vietnam, rencontre avec une nouvelle génération d’écrivains" (Télérama, février 2005), "Nguyên Huy Thiêp était la figure emblématique de la scène littéraire à l’époque du Dôi Moi, ce vent de libéralisation de la fin des années 80 qui a accompagné l’ouverture économique du Vietnam. Corrosif, avec son verbe aiguisé, empreint de doutes, de douleurs enfouies et, au final, bercé d’idéal humaniste, Thiêp était un fin observateur de sa société, de son passé meurtri et de ses névroses. C’est le moment de lire, ou relire, ses nouvelles -le genre où il excellait- dont la plus connue "Un général à la retraite " (aux éditions de L’Aube, son précieux éditeur français). On gardera le souvenir de ce petit homme, la mèche noire en bataille échouant comme une vague sur sa bouille ronde cuivrée, exquis et mordant à la fois – "La littérature? Un sale métier, un métier chiant je vous assure, ça vous fait du mal, ça vous tourmente… Mais c’est mon destin . Et Thiêp qui s’excusait, avec son sourire désarmant "de ne plus être poli, de ne plus plaire aux gens, depuis longtemps" !