Moins stricte, plus confortable, la tenue de travail transformée par la pandémie

Costumes et tailleurs remisés au placard, joggings voire pyjamas à toute heure : la généralisation du télétravail a changé les habitudes vestimentaires, et même si les vaccins pourraient ramener un peu de formalisme, la tenue professionnelle devrait sortir moins stricte et plus confortable de la pandémie.

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Un homme passe devant la vitrine d'un magasin de vêtements masculins, montrant des mannequins en veste, t-shirt et baskets, sur Madison Avenue, le 15 février.
Photo : AFP/VNA/CVN

Depuis mars 2020, "tout le monde s'habille à partir de la taille, pour les réunions Zoom", ironise le styliste Sascha Lilic. En dessous ? "On met un joli short." Et parmi ceux qui sont retournés sur leur lieu de travail, beaucoup remarquent un laisser-aller ambiant. "J'ai vu quelqu'un traverser le bureau en chaussettes pour aller dans un autre service", se souvient Deanna Narveson, journaliste à Baton Rouge (Louisiane).

"Et moi aussi, je sens que je m'habille plus décontracté" au bureau, dit la jeune femme, qui se force pourtant à se vêtir formellement quand elle travaille de chez elle. Selon des personnes sondées dans plusieurs entreprises, tout s'est fait dans le non-dit, sans que directions et DRH n'interviennent. "Des shorts et des t-shirts au Pentagone, c'est assez nouveau", glisse Matt Triner, patron de la société de conseil informatique Hunter Strategy, prestataire du gouvernement américain sur plusieurs projets.

L'assouplissement des codes vestimentaires dans le monde professionnel était déjà à l'œuvre bien avant la pandémie, emmené par le secteur de la tech et la génération start-up. Le vent soufflait même déjà jusque dans la banque, où Goldman Sachs avait adopté, il y a presque deux ans, un code vestimentaire "flexible", encourageant ses salariés à "se fier à leur propre jugement de ce qu'il est convenable de porter pour leur journée de travail", explique une porte-parole.

Mais tout s'est soudain accéléré. "Les costumes et les cravates commençaient déjà à disparaître dans la tech", explique Matt Triner. "La pandémie a donné une excuse aux derniers survivants pour lâcher l'affaire."

"Du changement dans l'air"

Modèle de classicisme professionnel, l'enseigne américaine Brooks Brothers a déposé le bilan l'an dernier, tout comme la maison mère de Men's Wearhouse, connu avant tout pour ses costumes, plombés par le double effet de la pandémie : moins de shopping, mais aussi moins de formalisme.

Une variété de tenues pour hommes plus ou moins décontractées dans la vitrine d'un magasin d'un centre commercial de Columbus Circle, à New York, le 15 février.
Photo : AFP/VNA/CVN

Spécialisé dans le prêt-à-porter masculin de luxe, le designer new-yorkais David Hart a "mis en retrait" le costume "pour l'instant", et s'est "concentré davantage sur "les tricots", pulls ou polos en maille. Au-delà de la pandémie, "il va y avoir du changement dans l'air", prévoit Sascha Lilic, pour l'homme en particulier. "La tenue va devenir plus décontractée. (...) L'ensemble sera beaucoup plus axé sur le confort."

Finies les chaussures trop rigides, les ceintures trop serrées, et "on va perdre beaucoup de cravates", annonce celui qui a déjà travaillé avec plusieurs maisons de couture, comme Hugo Boss ou Elie Saab.

Le virage est déjà visible chez les enseignes de mode, où l'on pousse de plus en plus ostensiblement vestes en coton ou en lin, polos, voire baskets sobres. De retour sur le lieu de travail, les salariés vont "tenter des looks qui soulignent davantage leur personnalité, sans pour autant rompre totalement avec le langage du vêtement, avec son côté professionnel", anticipe Sascha Lilic. "Je ne pense pas qu'on débarquera dans les bureaux d'une banque habillé en rappeur."

L'apparence, et un certain formalisme "sont toujours importants pour certains clients", souligne Matt Triner, "même si, à mesure que ces clients rajeunissent, ça évolue rapidement." "Je pense que le costume va rester, mais il ne produira plus cet effet physique flagrant", selon Sascha Lilic. "Ce sera moins quelque chose derrière lequel on se cache."

Pour David Hart, l'après-pandémie va correspondre à "un désir fort de s'habiller bien de nouveau". Avec la montée en puissance de la mode masculine, qui était déjà en cours avant l'arrivée du coronavirus, "les gens vont commencer à s'habiller pour eux-mêmes, et pas parce que c'est ce qu'on attend d'eux au boulot."

Lui qui a fait une partie de l'image de sa marque sur le couple veste et pantalon se prend même à rêver d'un monde post-pandémie "où costumes et cravates deviendront disruptifs", nouveaux signes d'originalité au milieu d'une marée de streetwear. "L'homme en costume sera le nouveau rebelle."


AFP/VNA/CVN

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