>>Le procureur général saoudien se rendra en Turquie au sujet de l'affaire Khashoggi
>>Le fils du journaliste saoudien Khashoggi arrive aux États-Unis
>>Affaire Khashoggi: l'ONU appelle à la coopération sur l'enquête
Le président turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara, le 26 octobre 2018. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Deux jours avant la venue en Turquie du procureur général saoudien, le parquet d'Istanbul a remis vendredi 26 octobre les noms des 18 suspects soupçonnés "d'implication dans ce meurtre prémédité" au ministère de la Justice.
Ce ministère a indiqué dans un communiqué qu'il les avait à son tour transmis au ministère des Affaires étrangères pour que la demande d'extradition soit adressée à Ryad par les canaux officiels.
Le 20 octobre, les autorités saoudiennes avaient annoncé avoir interpellé 18 personnes -- 15 membres d'un commando saoudien soupçonné d'avoir tué le journaliste, ainsi que trois employés du consulat -- et qu'elles seraient jugées.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait appelé mardi 23 octobre au jugement de ces suspects à Istanbul et non pas en Arabie saoudite, même si le crime a été commis par des Saoudiens dans l'enceinte d'un consulat saoudien.
"La demande d'extradition est motivée par le fait que Jamal Khashoggi a été tué en Turquie par des ressortissants saoudiens qui ont fait le voyage à cette fin spécifique", a indiqué un haut responsable turc sous couvert d'anonymat.
Le procureur saoudien à Istanbul
M. Erdogan a indiqué plus tôt que le procureur général saoudien, Saoud ben Abdallah Al-Muajab, était attendu dimanche 21 octobre à Istanbul pour des entretiens sur l'enquête sur le meurtre de Khashoggi.
Cette annonce survient après que ce procureur, se fondant sur des informations fournies par la Turquie, a évoqué jeudi 25 octobre pour la première fois le caractère "prémédité" du meurtre.
M. Erdogan a en outre affirmé que les autorités turques étaient en possession "d'autres éléments" de preuve liés au meurtre, perpétré le 2 octobre par des agents de Ryad au consulat saoudien à Istanbul.
Le fait que Jamal Khashoggi "a été tué est une évidence. Mais où est-il ? Où est son corps ?", a poursuivi le dirigeant turc, ajoutant à l'adresse de Ryad: "Qui a donné un tel ordre? (…) Il faut que les autorités (saoudiennes) l'expliquent".
Jamal Khashoggi, journaliste saoudien critique du palais, a été tué le 2 octobre au consulat saoudien à Istanbul. Selon des responsables turcs, il a été victime d'un assassinat, soigneusement planifié, et perpétré par une équipe d'agents venus de Ryad.
Après avoir nié sa mort, les autorités saoudiennes, sous la pression internationale, avaient fini par admettre qu'il avait été tué au consulat lors d'une opération "non autorisée".
La presse et des responsables turcs anonymes ont impliqué personnellement dans ce meurtre le prince héritier Mohammed ben Salmane, dit "MBS". Mais M. Erdogan s'est gardé à ce jour de l'accuser nommément. Les deux hommes se sont parlé au téléphone mercredi pour la première fois depuis la mort du journaliste.
"Pure démagogie"
Des bougies devant des portraits du journaliste Jamal Khashoggi lors d'une manifestation devant le consulat saoudien à Istanbul, le 25 octobre 2018. |
La fiancée turque de Khashoggi, Hatice Cengiz, a exigé dans une interview télévisée vendredi 26 octobre que soient punis "tous les responsables" de cette "barbarie".
Le prince héritier avait qualifié mercredi 24 octobre d'"incident hideux" et "douloureux" le meurtre du journaliste, qui a provoqué l'indignation internationale et écorné l'image du royaume, premier exportateur de pétrole au monde.
Le président français Emmanuel Macron a néanmoins estimé vendredi 26 octobre que "c'est pure démagogie que de dire d'arrêter les ventes d'armes" à Ryad après l'assassinat de Khashoggi, semblant rejoindre sur cette question la ligne de son homologue américain Donald Trump.
Les ventes d'armes n'ont "rien à voir avec M. Khashoggi, il ne faut pas tout confondre", a déclaré M. Macron lors d'une conférence de presse à Bratislava, avant de plaider en cas de sanctions pour "une réponse européenne, dans tous les domaines", mais "une fois les faits établis".
La chancelière allemande Angela Merkel a pour sa part confirmé vendredi 26 octobre que Berlin ne fournirait pas d'armes à l'Arabie Saoudite tant que les dessous du meurtre de Khashoggi ne seraient pas éclaircis.
La ministre autrichienne des Affaires étrangères Karin Kneissl a, elle, appelé à un embargo de l'Union européenne sur les livraisons d'armes à l'Arabie saoudite. Mais elle a justifié son initiative par la guerre que mène Ryad au Yémen plutôt que par l'affaire Khashoggi, tout en condamnant ce meurtre "profondément choquant".
"Avant tout, la terrible guerre au Yémen et la crise du Qatar devraient nous conduire à agir enfin d'une manière unifiée en tant qu'Union européenne vis-à-vis de l'Arabie saoudite", a déclaré Mme Kneissl dans une interview au quotidien allemand Die Welt publiée samedi 27 octobre.
"Si l'UE dans son ensemble met fin aux livraisons d'armes à l'Arabie saoudite, cela pourrait participer à mettre fin au conflit", a-t-elle ajouté.
Jeudi 25 octobre, la directrice de la CIA Gina Haspel a présenté à M. Trump "ses conclusions et ses analyses de son voyage en Turquie", où elle a échangé mardi avec les responsables de l'enquête.
Selon la presse turque, Ankara a partagé avec Mme Haspel des enregistrements vidéo et audio du déroulement du meurtre de Khashoggi dans le consulat.