Mes premiers jours de l'apprentissage du français

Quand j'avais cinq ans, mon père m'a offert mon premier livre, avec lequel il m'a appris à lire, à écrire et à compter. Un an plus tard, j'ai découvert en allant à l'école que l'alphabet que j'avais appris à maîtriser avec beaucoup d'efforts était différent de celui que l'on m'enseignait à l'école.

En effet, c'était totalement une autre langue.

J'avais appris le français avant ma langue maternelle ! Voilà mon premier souvenir de la langue française.

J'aimais beaucoup mon livre de français, il "était plein de belles images de toutes les couleurs, je ne voulais plus le quitter (les livres de mon école étaient en noir et blanc) ".

Comme tous mes professeurs et mes amis ne parlaient que le vietnamien, " ma francophonie " à cette époque se limitait à ma famille. Je me rappelle que mon père me lisait presque tous les soirs avant le dîner les petites histoires, Le petit chaperon rouge, Le Chat botté, Blanche-Neige… et que nous passions des heures à écouter à la vieille radio, en attendant les émissions de Français parlé au Canada.

Trois ans après, malheureusement, ma mère est tombée malade. Mon père devait entretenir la famille tout seul et il a arrêté de m'enseigner le français. Alors, j'ai dû abandonner, à l'âge de huit ans une langue merveilleuse avec des accents formidables que j'appréciais toujours. C'était la raison pour laquelle mon français est resté au niveau débutant pendant plusieurs années.

À mon 16e anniversaire, mon père m'a acheté un vélo. C'était formidable ! J'étais plus heureuse que la fois où j'ai gagné le 3e prix de biologie. Enfin, je pouvais grâce à ma bicyclette, participer aux classes de français à l'Institut d'échange culturel avec la France (Idécaf) qui était à 14 km de chez moi. Il me fallait trois heures aller-retour pour une heure et demie de cours. Je me demandais pourquoi je faisais tant d'efforts pour une langue de l'autre bout du monde.

Puis j'ai rencontré Vui, une de mes camarades de classe, de 20 ans mon aînée, alors j'ai changé d'avis. La langue française était pour elle une passion, un amour. Je me sentais si honteuse, pour la 1re fois de ma vie, j'ai connu enfin la satisfaction de pouvoir apprendre la langue que j'aimais.

Si quelqu'un m'avait demandé ce que je désirais pour améliorer mon français, je lui aurais répondu sans hésitation que c'étaient les livres. Nous n'avions, en réalité, aucune référence. À l'époque où Internet et le TV5 n'existaient pas encore au Vietnam, seuls les livres comptaient. Il existait, bien sûr des librairies vendant les livres français, malheureusement, leurs prix étaient toujours hors de ma portée.

Puis, j'ai découvert un endroit qui vendait des livres d'occasion, romans, bande dessinée, sciences, langues, … tout s'y trouvait. Avec un peu de chance, on pouvait posséder le livre de rêve à prix bas.

Le TV5 était une source d'informations dont la richesse était si énorme que je me sentais perdue quelquefois. Je préférais l'émission Questions pour un champion, présentée par Julien Lepers. Une fois une équipe vietnamienne y a participé.

Mes jours à l'Idécaf restent fortement gravés dans ma mémoire, car ses professeurs de français étaient tous compétents, enthousiastes, et sympathiques. Dans la classe, nous étions tous étudiants et nous avons pu discuter de la leçon avec les professeurs, dans une ambiance si amicale qui m'étonnait car il existe toujours une certaine distance entre les professeurs et leurs étudiants dans notre culture asiatique.

J'avais pleins d'amis gentils, je participais à plusieurs clubs de français … j'étais ivre de joie. Mais la vie n'est jamais rose. Après la pandémie d'anglais, j'ai vu mes amis me quitter les uns après les autres pour suivre un autre rêve jusqu'au moment où la classe se dispersait.

Pourtant, je n'avais jamais l'intention de quitter le français, car le fait que je l'avais appris avant ma langue maternelle me donnait le sentiment qu'il m'était destiné, j'ai continué à l'apprendre à l'université…

Après de longues années d'apprentissage du français, je ne parviens pas encore à le saisir profondément. Plus je le pratique, plus je le trouve difficile. Mais il y a une chose dont je suis certaine, c'est que je ne l'abandonnerai plus jamais.

Nguyên Pham Diêm Kiêu/CVN

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