Manoel de Oliveira, doyen mondial des cinéastes, s'éteint à 106 ans

Le réalisateur portugais, Manoel de Oliveira, doyen mondial des cinéastes, est mort jeudi 2 avril à l'âge de 106 ans, laissant une œuvre inégalée qui s'étend sur plus de 80 ans de l'histoire du septième art.

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Le réalisateur portugais Manoel de Oliveira à Berlin en 2009
. Photo : AFP/VNA/CVN

Le grand maître du cinéma portugais, qui a réalisé près d'une cinquantaine de films et documentaires, s'est éteint dans sa maison de Porto, sa ville natale dans le nord du Portugal, où il sera inhumé vendredi 3 avril.
La mort du cinéaste prolifique a suscité une vive émotion dans les milieux culturels et politiques, au Portugal et ailleurs. Le gouvernement portugais a aussitôt décrété deux jours de deuil national.
Les hommages se sont multipliés. Il était "un témoin incomparable de la culture portugaise", a déclaré, ému, le président Anibal Cavaco Silva. "Son cinéma le rend éternel", a estimé Margarida Gil, présidente de l'association portugaise de réalisateurs.
Le réalisateur portugais Manoel de Oliveira à Cannes en 2010. Photo : AFP/VNA/CVN
"Je suis orphelin, comme tout le cinéma mondial. C'était un seigneur", a réagi le réalisateur français Gilles Jacob, ancien président du festival de Cannes.
Témoignant d'une inépuisable "faim de vivre et de tourner", le réalisateur avait tenu à fêter fin 2014 son 106e anniversaire auprès de son public, à l'occasion de la sortie de son dernier film, Le Vieux du Restelo, tourné quelques mois auparavant malgré sa santé fragile.
Manoel de Oliveira avait promené jusqu'au bout l'acuité de son regard sur la condition humaine, dans une perpétuelle interrogation sur le sens de la vie.
Clin d'œil posthume
"Tous mes films montrent en fait que les hommes entrent en agonie au moment où ils arrivent au monde. Je suis un grand lutteur contre la mort (...). Mais la mort arrive quand même", déclarait-il.
Dernier clin d'œil, le réalisateur avait programmé la diffusion posthume d'un long-métrage autobiographique, La Visite ou Mémoires et confessions, qui sera projeté prochainement.
Né le 11 décembre 1908 à Porto, Oliveira était le dernier témoin du "beau vieux temps du cinéma muet" qu'il continuait d'évoquer avec nostalgie.
Il avait réalisé l'essentiel de son œuvre la soixantaine passée, et s'était fait connaître du grand public après ses 80 ans.
Fils d'un industriel qui l'emmène voir les films de Charlie Chaplin et Max Linder et lui offre sa première caméra, Manoel de Oliveira, un athlète accompli, champion de saut à la perche et de course automobile, débute au cinéma à 20 ans comme figurant dans un film muet, Fatima miraculeuse.
En 1931, il tourne un premier documentaire - toujours muet - Douro, travail fluvial, sur la vie des travailleurs du fleuve qui baigne sa ville natale.
Acteur dans le premier film parlant portugais, La chanson de Lisbonne, en 1933, c'est surtout la réalisation qui l'intéresse et après plusieurs documentaires il se lance dans la fiction en 1942, avec Aniki-Bobo, sur la vie des enfants d'un quartier populaire de Porto.
Le réalisateur portugais Manoel de Oliveira reçoit le Lion d'Or à Venise en 2004. Photo : AFP/VNA/CVN

Mais le contexte politique dans le Portugal du dictateur Salazar l'éloigne des caméras. Il gère l'usine de textiles héritée de son père et entretient les vignobles familiaux. Ce n'est qu'en 1963 que sort son deuxième long métrage, Le Mystère du printemps, évocation de la passion du Christ.
À partir de 1971, Oliveira se lance dans une tétralogie dite des Amours frustrées, gagnant l'image d'un "cinéaste exigeant" qu'il impose en 1985 avec la sortie du monumental Soulier de Satin, fresque de près de sept heures tirée de la pièce de Paul Claudel, Lion d'Or spécial à la Mostra de Venise.
Un film par an
Créateur acharné, il réalise à partir de 1985 pratiquement un film par an et travaille avec les plus grands acteurs comme les Français Catherine Deneuve et Michel Piccoli, l'Italien Marcello Mastroianni et l'Américain John Malkovich.
Ses films, où dialogues et musique prennent une place essentielle, ont la lenteur du Douro de son Porto natal, avec de longs plans fixes, semblables à des tableaux, et de lents mouvements de caméra.
Plusieurs fois primé à Cannes ou à Venise, ce "cinéaste des cinéphiles", marié et père de quatre enfants, aura attendu d'être octogénaire pour atteindre le grand public avec notamment Je rentre à la maison (2001), où Piccoli incarne un vieux comédien qui s'interroge sur la solitude, la mort et la vieillesse après avoir perdu sa famille.
En 2008, le cinéaste au sempiternel chapeau de feutre avait reçu sa première Palme d'Or à Cannes pour l'ensemble de son œuvre.
Le Festival de Cannes lui a rendu hommage, saluant "un cinéaste exceptionnel", "phare de la culture européenne et mondiale".
"Recevoir des prix, c'est sympathique", déclarait avec malice le vieil homme. Mais, ajoutait-il aussitôt, "le plus beau cadeau qu'on puisse me faire, c'est me laisser continuer à faire le reste de mes films".
AFP/VNA/CVN

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