Quand les dépouilles d’animaux font le bonheur d’artistes néerlandais

Au fond d’un studio installé dans une ancienne école, Noortje Zijlstra sort de son congélateur un corbeau mort qu’elle ouvre à l’aide d’un scalpel : sa dernière œuvre d’art réalisée avec une dépouille d’animal est sur le point de naître.

Des œuvres de Noortje Zijlstra dans son atelier de La Haye.
Photo : AFP/VNA/CVN

Gants de chirurgiens sur les mains, cette artiste néerlandaise coupe le sternum de l’animal avant de vider ses entrailles.

«C’est ce que je fais», sourit Noortje Zijlstra entre deux coups de scalpel : «Je prends le +manteau+ de l’animal et je l’utilise comme moyen artistique. Dès que ce processus est en marche, il cesse d’être un animal mort».

À 28 ans, Mme Zijlstra appartient à un groupe de jeunes artistes néerlandais utilisant la taxidermie comme moyen d’expression. Ils ont petit à petit gagné une reconnaissance internationale pour avoir élevé, selon certains critiques, la pratique séculaire de la taxidermie «à un autre niveau».

Macabre

Mais pour d’autres, la vue d’un animal empaillé reste macabre, reconnaît la jeune Néerlandaise qui, avec son chignon et sa robe pourpre, rappelle étrangement l’artiste mexicaine Frida Kahlo.

Son studio, situé dans un quartier populaire de La Haye, est rempli d’œuvres qui ont été exposées début février au Festival d’art contemporain de Rotterdam.

Avec un fin tube inséré dans la gorge, cet écureuil empaillé se tenant sur les pattes de derrière sert de porte-fleur, tandis que plus loin, une tête de colombe remplace le bouchon sur un volant de badminton.

Intitulée Drumstick (Pilon), une autre œuvre consiste simplement en une patte de jeune poulet au duvet blanc, montée sur un socle en bois. Ailleurs, les têtes et cous de deux oies s’entrelacent pour former une composition, réminiscence du dieu romain Janus.

«Je suis végétarienne»

«Mon travail fusionne la taxidermie et l’art, et crée parfois des œuvres qui peuvent choquer ou même révolter, mais en tout cas quelque chose qui peut, je l’espère, mener à une conversation», soutient Noortje Zijlstra.

La jeune artiste néerlandaise Noortje Zijlstra à côté d’une de ses œuvres, à La Haye.

À ses côtés se tiennent six souris dont le pelage a été intégralement recouvert de minuscule grains de sucre multicolores.

«Il y a souvent de la nourriture dans mon travail», explique Mme Zijlstra, continuant à s’occuper du corbeau, dont la peau et les plumes sont désormais séparées du squelette.

«J’utilise les animaux morts car je souhaite que les gens réfléchissent à ce qu’ils mettent en bouche. Mon art est très lié au concept selon lequel on est ce que l’on mange», dit-elle : «Et je suis végétarienne !»

Non loin de là, à Haarlem, les taxidermistes Jaap Sinke et Ferry van Tongeren reviennent de deux expositions en Grande-Bretagne.

«La Ménagerie de Darwin», en référence au célèbre naturaliste anglais, a été exposée en octobre à la prestigieuse galerie Jamb, à Londres, avant d’être emmenée à la galerie d’art moderne Shapero, également à Londres.

À la Shapero, les œuvres des deux Néerlandais, inspirées d’animaux vus dans des tableaux de Maîtres Hollandais du XVIIe siècle, ont partagé l’affiche avec des créations des illustres Andy Warhol, Pablo Picasso et Damien Hirst, notamment.

Le retour de la taxidermie

Les œuvres de MM. Sinke et Van Tongeren «élèvent la taxidermie à un autre niveau», a dit dans le Telegraph la critique d’art Henrietta Thompson. Suite à l’exposition, la collection de MM. Sinke et Van Tongeren a été intégralement achetée par un collectionneur privé, selon Jaap Sinke.

«La taxidermie en tant qu’art est très clairement en train de faire son retour», soutient Jaap Sinke, selon lequel les œuvres se vendent pour des prix variant de 2.600 à 26.000 euros.

Le retour de la taxidermie s’est amorcé à la fin des années 90 avec notamment l’artiste allemand Thomas Gruenfeld, qui a utilisé la technique pour créer de nouveaux animaux, une série d’œuvres intitulée «Misfits», explique Leontine Coelewij, conservatrice du musée d’art moderne Stedelijk, à Amsterdam.

Ces nouveaux artistes néerlandais «veulent soulever d’importantes questions quant à la manière dont nous, en tant qu’humains, voyons le monde naturel, quels sont nos rapports à la nature et comment nous l’utilisons», selon Mme Coelewij.

À La Haye, Noortje Zijlstra examine à nouveau la peau et les plumes du corbeaux : «Je ne sais pas encore ce que cela va devenir, mais quoi qu’il en soit, j’espère que cela poussera les gens à discuter».

AFP/VNA/CVN

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