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La session du Parlement européen à Bruxelles, en Belgique, 16 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a défendu un équilibre "juste et raisonnable" entre "responsabilité et solidarité" entre les 27 : "Nous devons trouver des solutions pérennes sur la migration", a-t-elle plaidé, soulignant que l'incendie du camp grec de Moria était "un rappel brutal".
Cinq ans après la crise de 2015, ce nouveau "Pacte européen sur la migration et l'asile" prévoit que les pays de l'UE qui ne veulent pas prendre des demandeurs d'asile en cas d'afflux devront en revanche participer au renvoi des déboutés du droit d'asile depuis le pays européen où ils sont arrivés vers leur État d'origine.
Une façon de mettre tous les États à contribution en contournant le refus persistant de plusieurs pays, notamment ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) d'accueillir des migrants.
Consciente des difficultés à surmonter, Ursula von der Leyen rencontrera jeudi matin 24 septembre les Premiers ministres hongrois, tchèque et polonais. Leur homologue slovaque, initialement annoncé, ne participera pas à l'entretien.
Avec ce pacte, Bruxelles tire les leçons de l'échec des quotas de relocalisation décidés après 2015 en abandonnant le principe d'une répartition contraignante des migrants.
Le projet prévoit de "rigoureux contrôles" aux frontières extérieures, de manière à écarter plus rapidement les migrants jugés peu susceptibles d'obtenir une protection internationale, dont le traitement sera accéléré, a affirmé le vice-président de la Commission Margaritis Schinas. Avec l'objectif de limiter ainsi le nombre de migrants entrant dans l'UE.
Dublin revisité
Le pacte révise la règle consistant à confier au premier pays d'entrée d'un migrant dans l'UE la responsabilité de traiter sa demande d'asile.
Ce "règlement Dublin", pilier actuel du système d'asile européen, n'a cessé d'alimenter les tensions entre les 27, en raison de la charge qu'il fait porter aux pays géographiquement en première ligne comme la Grèce et l'Italie.
Selon la proposition de la Commission, le pays responsable de la demande pourra être celui où un migrant a des liens familiaux, où il a travaillé ou étudié, ou alors le pays lui ayant délivré un visa. Sinon, les pays de première arrivée resteront chargés de la demande et un État soumis à une "pression" migratoire pourra demander l'activation d'un "mécanisme de solidarité obligatoire".
Le vice-président de la Commission Margaritis Schina, à Bruxelles le 1er juillet. |
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En cas de "crise" similaire à celle de 2015, lorsque plus d'un million de réfugiés avaient pris l'Europe de court, un État devra prendre en charge la relocalisation des réfugiés ou le renvoi des migrants déboutés. Et s'il échoue à renvoyer des migrants dans leur pays d'origine dans les huit mois, il devra les accueillir.
Des alternatives jugées irréalisables pour les petits pays, qui n'en ont pas les moyens, fait valoir une source européenne.
Du coup, l'UE veut augmenter les retours de migrants en "intensifiant les négociations" avec les États d'origine ou de transit. Seulement un tiers des migrants déboutés quittent effectivement l'UE.
La situation est très différente de 2015, le nombre d'arrivées irrégulières dans l'UE ayant chuté en 2019 à 140.000. Et si en 2015, 90% des migrants ont eu le statut de réfugié, aujourd'hui les deux tiers n'ont pas droit à une protection internationale
Un mécanisme de solidarité concernant les sauvetages en mer est aussi prévu par le nouveau pacte, qui propose d'épargner de poursuites judiciaires les ONG impliquées.
La proposition de la Commission devra être endossée par les États membres et le Parlement européen.
"Faux départ"
Le ministre allemand de l'Intérieur Horst Seehofer lors d'une conférence de presse sur les migrations à Berlin le 23 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le nouveau "pacte" a suscité des réactions très contrastées.
Les frontières européennes extérieures doivent rester "parfaitement étanches", a réaffirmé la Hongrie, tandis que l'Autriche a prévenu que la "relocalisation ne (devait) pas revenir par la porte de derrière". La Slovénie a regretté l'inclusion du "concept de solidarité obligatoire" qui "divise les États".
"Nous avons maintenant une grande possibilité de montrer au monde que sur ce thème difficile, l'Europe se serre les coudes", a néanmoins réagi le ministre allemand de l'Intérieur, Horst Seehofer, dont le pays occupe actuellement la présidence de l'UE.
La Grèce, concernée au premier plan, a simplement réaffirmé "nécessaire que les responsabilités soient partagées de manière juste entre les pays".
Eurodéputés et ONG étaient en revanche très critiques. Pour Oxfam, la Commission "s'incline devant les gouvernements anti-immigration".
"Ce nouveau pacte institutionnalise la honte. La Commission s'est couchée devant Orban et consorts", abonde l'eurodéputé Damien Carême (Verts).
L'ONG allemande Sea-Watch, qui sauve des migrants en Méditerranée, a dénoncé des propositions "choquantes", rappelant que "le besoin de protection individuelle ne peut être évalué dans une procédure rapide" aux frontières et que "de facto le droit à la protection est aboli".
"Vendu comme un nouveau départ, ce pacte est en réalité conçu pour rehausser les murs et renforcer les barrières", s'indigne Amnesty.
L'eurodéputée Fabienne Keller (Renew), rapporteure du Parlement sur la réforme du règlement de Dublin, se montrait plus mesurée : "Nous n'aboutirons pas à un accord en tirant à boulet rouge sur la proposition de la Commission", observait-elle, appelant à"construire une solution commune".