L'ours des Pyrénées, discrètement surveillé pour assurer sa survie

Dans les Pyrénées, 70 ours bruns évoluent en liberté, sous la surveillance discrète d'experts qui, arpentant des forêts escarpées, pistent les indices confirmant la présence du plantigrade protégé, après avoir failli disparaître de ces montagnes entre France et Espagne.

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Une ourse en captivité dans le parc animalier des Angles, Pyrénées-Orientales, le 24 juin 2006.
Photo : AFP/VNA/CVN

"On voit bien les marques de ses griffes", se réjouit Pierre-Luigi Lemaitre, coordinateur du réseau de suivi des ours pyrénéens, montrant un tronc d'arbre où l'un d'eux a marqué son territoire, à plus de 1.200 m d'altitude.

L'écorce a été enduite d'un goudron à base de bois de hêtre "pour inviter l'ours à s'y frotter et laisser des poils qu'on pourra analyser", explique l'agent de l'Office français de la biodiversité (OFB).

Afin de ne pas altérer les empreintes génétiques, il enfile des gants, sort une enveloppe et une pince qu'il stérilise à la flamme d'un briquet. Puis, il prélève avec soin la collecte du "piège à poils", constitué de bouts de fil de fer barbelé cloués au tronc.

À quelques mètres de là, il va aussi examiner un "piège-photo" installé non loin de l'arbre, afin de capter automatiquement des images des animaux qu'il attire. Les résultats sont intéressants : un passage d'ours a été filmé.

D'autres indices, des excréments, seront repérés grâce à un chien, dont la contribution permet depuis 2015 d'en recueillir cinq fois plus qu'auparavant.

Identifier chaque ours

Tous ces éléments, auxquels s'ajoutent ceux transmis par les 450 observateurs du réseau Ours brun, dont la moitié sont bénévoles, permettent l'un des suivis les "plus précis au monde", souligne Julien Steinmetz, coordinateur de la gestion de l'ours à l'OFB.

Les profils génétiques de la plupart des individus étant connus, il est possible de surveiller leurs déplacements et certains de leurs comportements susceptibles d'intéresser les chercheurs.

Les experts échangent ces informations avec leurs homologues espagnols, les ours se déplaçant sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, dans les départements pyrénéens français, les régions espagnoles de Catalogne, Aragon et Navarre, ainsi que la principauté d'Andorre.

Coordonnateur du réseau de surveillance de l'ours brun, Pierre-Luigi Lemaitre ouvre un caisson étanche pour vérifierun appareil photo automatique, dans les sentiers de montagne du secteur de Melles
Photo : AFP/VNA/CVN

Au cours de leur sortie de quatre heures ce jour-là dans les forêts escarpées de hêtres, chênes et résineux de la commune de Melles, en Haute-Garonne, les agents de l'OFB examinent également la végétation dont l'ours s'alimente.

"Il mange les faines (du hêtre) à l'automne, lorsqu'il fait des réserves avant l'hibernation", dit Julien Steinmetz, l'un de ces fruits à la main.

Si l'objectif n'est pas de voir l'animal de près, les deux hommes sortent souvent leurs jumelles pour tenter d'en observer de loin. "Il ne faut pas que l'ours nous détecte. C'est une manière plus respectueuse et plus intéressante de voir la faune sauvage. On peut voir des ours se nourrir ou se déplacer" normalement, sans intervention humaine, ajoute Pierre-Luigi Lemaitre.

Cette approche coïncide avec l'instinct de ce mammifère imposant, pouvant mesurer jusqu'à 2,10 m et peser 250 kg, mais qui "craint l'homme et fera tout pour l'éviter".

Réalité et fantaisie

Les nombreux signalements d'ours sont dès lors accueillis avec prudence par l'OFB. "Il faut faire le tri entre les choses réelles et l'imagination. Par exemple, des gens dans une tente qui entendent grogner et pensent que c'est un ours, alors que c'est un sanglier ou un renard", dit-il.

Jadis présent partout en France, l'ours brun a vu sa population diminuer au cours des siècles, du fait de persécutions et de la destruction de son habitat par l'activité humaine, au point qu'il a failli disparaître.

En 1995, il ne restait que cinq individus dans les Pyrénées. La France a alors engagé un programme d'introduction d'ours venant de Slovénie. Onze ont depuis été introduits. Avec un nombre de portées record en 2020, la population a encore progressé : 70 ont été détectés l'an dernier (+9%).

Défendue par l'État et des associations de protection de la biodiversité, cette présence n'est cependant pas du goût de tous.

Des éleveurs, chasseurs et élus locaux protestent régulièrement, arguant de dégâts sur les troupeaux. En 2021, selon l'OFB, l'ours a tué ou blessé 570 animaux, essentiellement des brebis, moins que l'année précédente (636).

AFP/VNA/CVN

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