L'ONU redoute un exode massif du Soudan où les combats font rage

De violents combats secouent lundi 1er mai Khartoum, malgré l'annonce d'une trêve entre l'armée et les paramilitaires, dont les affrontements ont conduit le Soudan au bord d'une "catastrophe" et pourraient forcer "plus de 800.000 personnes" à fuir le pays, selon l'ONU.

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De la fumée au-dessus de Khartoum pendant des combats entre l'armée et les paramilitaires, le 1er mai au Soudan.
Photo : AFP/VNA/CVN

À Khartoum, la capitale de cinq millions d'habitants, un témoin a dit avoir entendu "huit frappes d'avion militaire" tandis que des tirs et des explosions résonnent encore dans différents quartiers.

Selon un bilan encore très sous-évalué, plus de 500 personnes ont été tuées et 5.000 blessées depuis le 15 avril, date à laquelle deux généraux, ayant pris les commandes du pays après un putsch en 2021, ont commencé à se livrer une féroce bataille.

Ces affrontements entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemedti, pourraient pousser à la fuite "plus de 800.000 personnes", alerte l'ONU.

Déjà 75.000 personnes sont déplacées à l'intérieur de ce pays de 45 millions d'habitants. Au moins 20.000 ont fui vers le Tchad et des dizaines de milliers d'autres ont rejoint l'Égypte, la Centrafrique, le Soudan du Sud et l'Éthiopie.

Et la nouvelle trêve de trois jours décrétée dans la nuit par les deux belligérants n'y change rien, assurent les experts: comme toutes les précédentes, elle signifie en réalité que les couloirs sécurisés pour les évacuations des étrangers sont maintenus et que les négociations, qui se tiennent à l'étranger, se poursuivent.

Le conflit a pris de court les habitants du pays, l'un des plus pauvres au monde, mais aussi la communauté internationale.

"Vitesse sans précédent"

"L'échelle et la vitesse à laquelle se déroulent les événements au Soudan (sont) sans précédent", a jugé dimanche 30 avril l'ONU, qui a dépêché à Nairobi le chef de l'agence humanitaire des Nations unies, Martin Griffiths.

Des Soudans s'évacuent, le 28 avril. 
Photo : Xinhua/VNA/CVN

Pour ce dernier, la "situation humanitaire atteint un point de rupture". Les pillages massifs ont "épuisé la plupart des stocks" des organisations humanitaires sur place, dans un pays où un tiers des habitants souffraient déjà de la faim avant la guerre.

La situation sanitaire dans le pays est depuis des décennies une "catastrophe", a déclaré l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Aujourd'hui, a expliqué le directeur régional de l'OMS, Ahmed Al-Mandhari, "seuls 16% des hôpitaux de Khartoum opèrent à pleine capacité", les autres ont été bombardés, occupés par des belligérants, ou bien n'ont plus de personnel et de stocks.

Premier signe encourageant en plus de deux semaines de combats ininterrompus. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est parvenu dimanche 30 avril à acheminer huit tonnes d'aide. Mais cela ne permettra de soigner, selon lui, que "1.500 blessés".

L'OMS a annoncé avoir envoyé "six containers d'équipements médicaux par bateau à Port-Soudan" (Est) et s'engager à payer "le fuel distribué dans différents hôpitaux" pour faire marcher les générateurs.

De son côté, le Programme alimentaire mondial a dit reprendre ses activités suspendues après la mort de trois de ses employés.

À Khartoum, le piège se referme sur les habitants: quand ils ne fuient pas, ils restent barricadés, essayant de survivre malgré les pénuries de nourriture, d'eau et d'électricité, ou encore des balles perdues qui transpercent murs et fenêtres.

Après des évasions de prison, des pillages de banques et des combats jusque dans des maisons, l'État de Khartoum a donné "congé jusqu'à nouvel ordre" aux fonctionnaires.

La police, elle, s'est déployée dans la capitale, contrastant avec son absence ces dernières semaines.

Des marchandises du Comité international de la Croix-Rouge envoyés à Port-Soudan (Est), le 30 avril. 
Photo : AFP/VNA/CVN

L'ONU s'inquiète particulièrement de la situation au Darfour-Ouest, où une centaine de personnes ont été tuées dans des combats auxquels, selon elle, participent des civils.

Cette région a été marquée par la sanglante guerre civile déclenchée en 2003 entre la dictature d'Omar el-Béchir et des minorités ethniques.

Au Tchad voisin, arrivés à dos d’âne, à cheval, sur des charrettes ou à pied, des réfugiés disent avoir été pris pour cible par les FSR du général Daglo.

"Ils ont attaqué notre village et lorsque certains d'entre nous ont voulu sortir de leur maison, ils les ont tués", raconte Bousseyna Mohamed Arabi, 37 ans.

"Efforts timides"

Sur le plan diplomatique, les efforts se poursuivent. Ryad veut convoquer l'Organisation de la coopération islamique après avoir reçu un émissaire du général Burhane. La Ligue arabe - profondément divisée sur le Soudan - a reporté pour sa part à mardi 2 mai la suite de ses discussions tandis que les Emirats arabes unis, alliés du général Daglo, ont annoncé avoir appelé le chef de l'armée.

Plusieurs pays continuent les évacuations. Deux navires américain et saoudien ont ainsi évacué lundi 1er mai près de 500 personnes vers l'Arabie saoudite.

Cet "exode reflète une réalité bien sombre", regrette Alex de Waal, spécialiste du Soudan. "Les États-Unis comme les autres puissances ne faisant que des efforts timides et tardifs pour arrêter les combats et aider les Soudanais".

Selon lui, les États les plus impliqués -Égypte, Arabie saoudite et ÉEmirats arabes unis- n'ont jamais "voulu voir une révolution démocratique dans le monde arabe".

Le putsch d'octobre 2021 avait refermé la parenthèse de la transition démocratique entamée à la chute en 2019 du dictateur Omar el-Béchir.

Lors de commentaires télévisés, Isaias Afwerki, président de l'Érythrée voisine, a estimé que la guerre au Soudan visait "à déterminer qui était le (véritable) auteur de la révolution soudanaise".

AFP/VNA/CVN

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