L'intelligence artificielle, prochaine rivale des lauréats du Nobel ?

Avec les générateurs d'images et les agents conversationnels, l'intelligence artificielle (IA) met à l'épreuve artistes et écrivains, mais les scientifiques jugent qu'elle pourrait révolutionner également la recherche et même figurer en bonne place dans les travaux des Nobel.

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L'institut norvégien du prix Nobel à Oslo, le 25 septembre.
Photo : AFP/VNA/CVN

En 2021, le scientifique japonais Hiroaki Kitano lance ce qu'il baptise le Nobel Turing Challenge. Il met les chercheurs au défi de créer un "scientifique de l'IA" capable de mener de manière autonome des recherches dignes d'un prix Nobel d'ici à 2050.

Certains chercheurs travaillent d'arrache-pied à créer un tel collègue artificiel et une centaine de "robots scientifiques" sont déjà à l'œuvre dans la science, explique Ross D. King, professeur d'intelligence artificielle à l'université de Chalmers en Suède.

Le spécialiste a publié dès 2009 un article dans lequel il présentait, avec d'autres chercheurs, un robot scientifique baptisé "Adam", la première machine à produire des découvertes scientifiques de manière autonome.

"Nous avons construit un robot qui a découvert de nouvelles idées scientifiques, les a testées et a confirmé qu'elles étaient correctes", a déclaré M. King.

Le robot a été programmé pour formuler des hypothèses de façon autonome, concevoir des expériences pour les tester et même programmer d'autres robots de laboratoire pour réaliser ces expériences et enfin apprendre à partir de ces résultats.

Découvertes "pas triviales"

"Adam" a été chargé d'explorer le fonctionnement interne de la levure et a découvert des "fonctions de gènes" jusqu'alors inconnues. Ces découvertes sont "modestes" mais "pas triviales" pour autant, ont estimé les auteurs dans leur article.

Hiroaki Kitano présente le robot Morph 3, le 14 juin 2002 à Tokyo. Photo d’archives : AFP/VNA/CVN

Un deuxième robot scientifique appelé "Eve" a été ensuite créé pour étudier les médicaments candidats contre le paludisme et d'autres maladies tropicales.

Avec de tels robots, "cela coûte moins d'argent de mener des recherches et ils travaillent 24H sur 24", explique Ross D. King, ajoutant qu'ils sont en outre plus rigoureux dans le suivi des processus.

Le chercheur concède cependant que l'IA est loin d'être à la hauteur d'un scientifique méritant le Nobel. Il faudrait pour cela des robots "beaucoup plus intelligents" capables de "comprendre la situation dans son ensemble" pour rivaliser avec les Nobel.

"Pas près d'être remplacée"

"La tradition scientifique n'est pas près d'être remplacée par des machines", abonde Inga Strümke, professeur associée à l'université norvégienne des sciences et technologies. "Cela ne signifie pas que c'est impossible", ajoute-t-elle, estimant qu'il est "certainement" clair que l'IA a et aura un impact sur la manière dont la science est menée.

Le modèle d'IA Alphafold, développé par Google Deepmind, qui permet de prédire la structure tridimensionnelle des protéines en fonction de leur acide aminé, en est un bon exemple.

"Nous savions qu'il existait une relation entre les acides aminés et la forme tridimensionnelle finale des protéines et que nous pouvions utiliser l'apprentissage automatique pour la trouver", explique Mme Strümke.

Or ces calculs sont trop complexes pour les humains et "la machine a ainsi fait quelque chose qu'aucun humain ne pouvait faire", a-t-elle poursuivi. Alphafold a dans le même temps mis en évidence la faiblesse des modèles d'AI actuels tels que les réseaux neuronaux, selon elle.

Ils sont très doués pour traiter des quantités massives d'informations et trouver une réponse, mais pas en mesure d'expliquer pourquoi cette réponse est correcte.

Ainsi, si les plus de 200 millions de structures protéiques prédites par Alphafold sont "extrêmement utiles", a expliqué M. Strumke, "elles ne nous apprennent rien sur la microbiologie".

Assistés par l'IA

Pour elle, la science cherche à comprendre l'univers et pas simplement à "faire la bonne supposition". Pourtant, les travaux révolutionnaires réalisés par Alphafold ont conduit des experts à placer ses concepteurs parmi les candidats potentiels pour un prix Nobel.

Le directeur de Google DeepMind, John M. Jumper, ainsi que le Pdg et cofondateur Demis Hassabis ont déjà reçu le prestigieux prix Lasker en 2023.
Photo d’archives : AFP/VNA/CVN

Le directeur de Google DeepMind, John M. Jumper, ainsi que le PDG et cofondateur Demis Hassabis ont déjà reçu le prestigieux prix Lasker en 2023. Ils figurent dans les tablettes du cabinet d'analyse Clarivate, qui anticipe les lauréats potentiels des Nobel scientifiques sur la base de citations dans les articles de recherche.

David Pendlebury, directeur du cabinet, admet que si l'article de Jumper et Hassabis publié en 2021 a été cité des milliers de fois, il serait inhabituel pour le jury Nobel de récompenser un travail aussi rapidement après sa publication.

Les Nobel récompensent habituellement des découvertes remontant à plusieurs dizaines d'années. Mais il pense que la recherche assistée par l'IA figurera prochainement en bonne place dans les travaux récompensés par les Nobel.

"Je suis sûr que dans la prochaine décennie, il y aura des prix Nobel qui seront d'une manière ou d’un autre assisté par l'informatique, et l'informatique de nos jours est de plus en plus l'IA", déclare M. Pendlebury.

AFP/VNA/CVN




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