>>La course d’obstacles des roses équatoriennes pour arriver sur les étals du monde
Cueillette de roses de Damas à Pavel Banya (Bulgarie). |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le précieux élixir va être "beaucoup plus cher" cette année, s’inquiète Plamen Stankovski, associé du fabricant et exportateur Bulattars, dans sa distillerie près de Pavel Banya, au cœur de la fameuse "Vallée des roses".
Les fleurs de la variété Rosa Damascena, fraîchement coupées, affluent dans l’usine où on les fait bouillir, avant d’en condenser les vapeurs selon une technique quasi immuable depuis l’époque de l’Empire ottoman au XVIIe siècle.
Des milliers de kilos de pétales sont nécessaires pour extraire un kilo d’huile. Les coûts de production devraient bondir de 40% en 2022 selon les calculs des producteurs, et les prix atteindre la coquette somme de 10.000 euros le kilo, contre 6.000 euros en 2021. Car les distilleries carburent au gaz naturel, au gasoil ou au fuel, dont les tarifs flambent depuis le conflit en Ukraine fin février.
Saison maudite
Dans les champs où sont récoltées les roses, qui valent à la Bulgarie d’être, avec la Turquie voisine, l’un des plus grands producteurs mondiaux de cette essence, on déplore aussi la hausse des prix des engrais.
Le secteur est en outre affecté depuis plusieurs années par une pénurie de main d’œuvre, explique Dimitar Dimitrov, tout en cueillant les fleurs dans l’exploitation familiale. "C’est la tâche la plus onéreuse car on fait tout à la main, dans des délais très serrés. À un jour près, les pétales fanent", raconte le quadragénaire.
Il espère "ne pas finir dans le rouge" d’autant qu’un printemps sec et chaud a brûlé les bourgeons avant l’éclosion, réduisant la saison à seulement trois semaines.
Et les fleurs qui ont survécu ont produit moins d’huile. Il faut actuellement compter 4.000 kilos de pétales pour obtenir un kilo d’huile, soit 15% de plus que d’ordinaire. Résultat : le secteur ne devrait pas atteindre cette année son quota habituel de production de 2,5 tonnes.
La France, capitale de la parfumerie, est le principal client de la Bulgarie pour l’huile de rose. |
Photo : Pittorest.com/CVN |
Après déjà deux années désastreuses à cause de l’impact sur les ventes de la pandémie de COVID-19, les producteurs désespèrent. "Juste au moment où on pensait rattraper notre retard, d’autres problèmes ont surgi", regrette M. Stankovski.
La reprise de la demande est "positive mais nous sommes inquiets des coûts accrus de production. Tout n’est pas rose", commente également Filip Lissicharov, Pdg de la compagnie Enio Bonchev.
Label anti-faussaires
La fédération a lancé des appels au gouvernement pour recevoir des aides, pour l’instant restés sans réponse. Elle place tous ses espoirs dans les clients étrangers, en France, Allemagne, Suisse, États-Unis, Japon, République de Corée ou encore Taïwan (Chine) : seront-ils prêts à payer plus ? "Il y a un intérêt des acheteurs, estime M. Lissacharov. Mais le prix est un facteur clé".
Les fabricants peuvent faire valoir le caractère unique de l’essence de rose pour les grands parfumeurs mondiaux, de Dior à Chanel. Le produit et ses 370 composants n’ont, en effet, pas d’alternative synthétique.
Ce n’est pas son arôme - assez lourd - qui les attire mais plutôt sa capacité à unir les centaines d’ingrédients naturels et artificiels composant un parfum et à prolonger son odeur sur la peau. À sa sortie de la distillerie, l’huile de rose rejoint des laboratoires de Sofia pour y être examinée et dotée d’un label européen anti-faussaires garantissant "100% de pureté et d’authenticité".
Les bocaux transparents, qui laissent voir un liquide épais, y sont jalousement gardés avant d’être transvasés dans des flacons en aluminium hermétiquement scellés, prêts à l’export.
Pas question de rogner sur la qualité, souligne M. Stankovski. "Quelles que soient nos difficultés, nous préserverons la haute qualité de l’huile", promet-il.
AFP/VNA/CVN