Un employé d'un café sert des pâtisseries à Tripoli le 21 août 2014 |
Ces témoins du leg colonial et de la proximité culturelle entre les deux pays de la Méditerranée se dressent tels un défi à la violence et aux incertitudes du moment.
"Je ne peux pas commencer la journée sans un café Nos nos (moitié café moitié lait)", autrement dit un Macchiato, soupire, Salem, un Tripolitain à la retraite, attablé de bonne heure, avec ses amis, à la terrasse du Café Omar al-Mokhtar, du nom du héros de la lutte contre les colons italiens. L'assistance fait la moue quand on lui demande de commenter la situation sécuritaire dans le pays, qui sombre dans l'anarchie, préférant regarder ailleurs.
"Le meilleur café de la ville" proclame l'enseigne du café sur une grande rue commerçante. La phrase en anglais orne aussi les gobelets en carton dans lesquels est servi le breuvage, brun foncé à la mousse dorée. Le petit café est ouvert 24 heures sur 24 et il n'est pas le seul de la ville à fonctionner ainsi, car les Libyens boivent du café à toute heure de la journée et de la nuit.
Introduit par les Italiens dans un pays dont les habitants sont réputés être de gros buveurs de thé, le café expresso s'est ancré dans les habitudes de tous les jours. Après la chute du pouvoir de Mouammar Kadhafi, dont le régime n'était pas ouvert aux investissements étrangers, une grande maison de café romaine, est venue s'installer à Tripoli.
Elle compte aujourd'hui trois cafés en franchise dans Tripoli, explique le directeur de l'un des trois établissements adossé, face à la mer, à la médina de Tripoli, non loin du vieux quartier italien. "On est exceptionnel", affirme le directeur, Rachid, un Marocain dynamique qui a accepté de quitter un café de la marque à Dubaï pour venir tenter sa chance à Tripoli.
"Nos clients reviennent tous les jours", s'enthousiasme-t-il en montrant l'établissement où aucune table n'est inoccupée et où on remarque la présence de femmes, chose rare dan un café à Tripoli. La terrasse avec ses palmiers décorés de guirlandes et son gazon bien taillé est un point lumineux au milieu du noir ambiant résultant d'une coupure du courant électrique.
De jeunes libyens se lancent dans le métier à l'instar de Mohamed, la trentaine, patron de L'Adreyan Café, petit établissement du front de mer qui dit miser sur la qualité. "Je choisis le café avec le plus grand soin", dit-t-il en montrant les sacs dorés d'une grande marque italienne, et en indiquant que les importateurs de cafés italiens ne manquent pas à Tripoli.
Pizza au feu de bois
La qualité n'est sûrement pas la marque des pizzas qu'on peut consommer à Tripoli où ce plat est souvent adapté au goût local, avec des sauces fortes et autres ingrédients n'entrant pas traditionnellement dans sa composition. Il existe néanmoins quelques pizzerias qui comme Il Forno tentent de préserver la tradition napolitaine de la pizza au feu de bois bien qu'il soit difficile parfois de se procurer de bons fromages.
"Mes gosses en veulent tous les jours", dit un Libyen entouré de ses trois enfants, venus déguster des pizzas dans un restaurant du centre de Tripoli. Ce sont les jeunes qui constituent l'essentiel de la clientèle, fait remarquer Ahmed, un pizzaïolo, en montrant ses clients, apparemment insensibles aux canonnades qui déchirent le Sud de la ville.
L'expresso et la pizza mais également les pâtes, dont les Libyens sont de gros consommateurs, soulignent les liens avec l'Italie, l'un des rares pays occidentaux à garder une présence diplomatique à Tripoli en dépit de la dégradation des conditions de sécurité.
AFP/VNA/CVN