L’Est et l’Ouest pourront-ils se rencontrer ?

Hô Chi Minh qui incarne la lutte des peuples opprimés contre le joug de l’Occident colonialiste, est culturellement proche de l’Occident. Jean Lacouture trouve qu’il a des «signes évidents de lien intellectuels et politiques» avec le peuple américain.

L’âme vietnamienne se maintiendrait intacte en lui : sens de la communauté, culte familial, acharnement à la tâche, bon sens et humour paysans, et instinct poétique.

 

Nguyên Ai Quôc (nom de naissance de Hô Chi Minh), à Paris en 1921.

Sans suivre Paul Mus dans ses savantes méditations qui tendent à cerner à travers Hô Chi Minh le psyché du Vietnam et de l’Asie (5), il nous paraît important de souligner qu’on ne saurait comprendre l’évolution culturelle et idéologique du futur président vietnamien sans approfondir la spécificité du mode de pensée oriental marqué par la quête de l’unité cosmique, l’harmonie des contraires, le penchant à l’intuition et à la synthèse.

Tournure d’esprit d’un lettré asiatique

Le jeune Hô Chi Minh aborde l’Occident avec une rare ouverture d’esprit. Il restera l’homme des ouvertures, à en juger sa réponse à un journaliste étranger : «Confucius, Jésus, Marx, Sun Yat Sen n’auraient-ils pas eu des points de ressemblance ? Ils veulent tous le bien de la société. S’il vivaient encore, et habitaient ensemble, je suis sûr qu’ils s’entendraient à merveille, comme de bons amis».

L’ouverture d’esprit lié à un sens étonnant du contact humain lui fera partout des amis. «L’oncle Hô était, à première vue, extrêmement séduisant» (6). Par ses lectures, ses fréquentations, ses voyages en Europe, Amérique, Afrique, Asie, ses activités militantes, il enrichit énormément ses bagages de connaissances et d’expérience humaine.

À la pensée occidentale qui érige la raison et la science comme critères de vérité, Hô Chi Minh emprunte la méthode analytique. Jean Sainteny remarque que, jointe aux études traditionnelles, «la culture générale acquise au cours de ses voyages et surtout à Paris, avait suffi à développer en lui cette faculté d’analyse, cette souplesse et cette curiosité d’esprit qu’il sut si bien, au cours de sa vie, mettre à profit» (7). Ses dons d’analyse se sont aiguisés d’autant plus qu’il s’était branché sur le journalisme dès ses débuts. La concision, l’expression centrée sur l’essentiel répondent d’ailleurs à la tournure d’esprit du lettré asiatique. Hô Chi Minh excelle dans la prosodie Tang si avare en mots.

Parti d’un pays colonisé semi-féodal, Hô Chi Minh fait en Occident l’apprentissage des idéaux de la Révolution bourgeoise de 1789. Il les conçoit prioritairement à travers le prisme de la libération nationale. On sait qu’il a opté pour le Parti communiste français et la troisième Internationale parce que ces organisations se font les champions des peuples coloniaux. Edmond Michelet, ministre des Armées chargé de recevoir Hô Chi Minh à Paris en 1946, a caractérisé ainsi la ligne politique de ce dernier : «Je crois que, dans le monde communiste, il est certainement un de ceux qui auraient souscrit à la révolution communiste, oui… mais dans la liberté».

Un révolutionnaire fureur de lire

Dans la Déclaration d’indépendance de la République démocratique du Vietnam (2 sep-tembre 1945), le Président Hô se réclame des révolutions américaine et française.

 

Le Président Hô Chi Minh est à la foi homme politique et poète.

«En littérature, il aime lire Shakespeare et Dickens en anglais. Lu Shin en chinois, Hugo et Zola en français. On peut dire qu’Anatole France et Léon Tolstoï ont été ses parrains littéraires»(8). Dans la poésie de Hô Chi Minh «confluent sensibilité asiatique et romantisme français»(9). Comme chez Dickens et Anatole France, la pitié y voisine avec l’ironie. Hô Chi Minh n’aime pas le culte de la personnalité. En 1946, comme il revient des Champs-Élysées, un accompagnateur français remarque : «Hé bien, Monsieur le Président, il y avait du monde pour vous voir passer ! Bien sûr, répond Hô Chi Minh en éclatant de rire, on voulait voir le Charlot vietnamien !»

Orient et occident, nationalisme et internationalisme, action et poésie, tradition et révolution, raison et cœur, Hô Chi Minh a concilié admirablement ces contraires. Sa vie et son œuvre illustrent cette pensée de Pascal selon laquelle on ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité mais bien en touchant les deux à la fois et remplissant l’entre-deux.

5. «Hô Chi Minh, le Vietnam et l’Asie», Seuil, Paris, 1971

6. Michèle Zecchini, «Hô Chi Minh», Planète-Action, Paris, 1970

7. «Face à Hô Chi Minh», Seghers

8.Trân Dân Tiên, «Les bribes d’histoires sur l’œuvre du Président Hô»

9. «Face à Hô Chi Minh», Seghers

Huu Ngoc/CVN
(À suivre)
 

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