Les Vietnamiens d’outre-mer à la recherche de leur identité

Près de cinq millions de Viêt kiêu (Vietnamiens d’outre-mer) vivent et travaillent à l’heure actuelle dans 103 pays et territoires. Ils constituent une ressource importante pour l’essor du pays et une passerelle reliant le Vietnam au monde.

Chaque année, au Têt traditionnel, les Viêt kiêu sont de plus en plus nombreux à revenir au pays pour rendre visite à leur famille et participer aux activités culturelles.
Photo : Thanh Phàn/VNA/CVN

Les Vietnamiens d’outre-mer - plusieurs générations - envoient chaque année à leurs familles au Vietnam 8,26 milliards de dollars américains, selon les estimations de la Banque mondiale. Formant 3,3% de la population vietnamienne, ils contribuent ainsi en argent liquide à 8% du Produit intérieur brut du Vietnam. Cette contribution matérielle importante dit leur attachement au pays d’origine.

Point n’est étonnant que, au contact des cultures étrangères, leur identité nationale reste un sujet préoccupant. À ce sujet, je viens de recevoir du Dr. Nguyên Lê Hiêu établi depuis plus de 30 ans aux États-Unis (Oklahoma) un document fort intéressant : un recueil d’interventions faites au cours d’une table ronde tenue l’année dernière à Seattle, réunissant surtout des membres de l’Association des médecins, dentistes et pharmaciens de l’État de Washington. Le programme est étiqueté «Van hoa Viêt» (Culture Viêt).

Identité vietnamienne

À tour de rôle, chaque participant «raconte» comment il a compris, senti et vécu cette idée forte. Une communication amicale plutôt qu’un séminaire académique. Chacun est libre de répondre à une ou à quelques-unes des questions suivantes : Qu’entendons-nous par homme du Vietnam ? En quoi consiste l’identité Viêt ? Les facteurs constitutifs de cette identité ? D’où viennent les Vietnamiens ? Comment s’est accompli le brassage racial qui forme le peuple vietnamien d’aujourd’hui ?

Les réponses ne manquent pas de profondeur et d’originalité. Qu’est-ce que le vietnamien ? Selon Nguyên Hung Quôc, il a été moulé par été trois facteurs :

1. Géographie (hantise des émigrés)

2.Tradition, histoire même culture (ce qui fait la communion des émigrés).

3.Langue (d’importance primordiale parce qu’elle cristallise la mémoire individuelle, et collective d’un peuple).

Être Vietnamien, c’est être quelqu’un qui, avant tout, peut employer la langue vietnamienne pour communiquer non seulement avec les autres dans sa communauté mai encore avec le passé, la tradition, l’histoire de son peuple et à travers cette communication devient une partie intégrante de l’ensemble des communautés et du grand ensemble des peuples. La traduction du terme «Identity/identité» (ban sac/ban chât en vietnamien) fait l’objet d’une analyse laborieuse car il faut se mettre d’accord sur le contenu de ce concept.

Les Viêt kiêu

Concernant les communautés d’émigrés, dont celle des Viêt, remarque le Dr. Pham Huu Trac, le choc culturel est l’expression de la différence identitaire du déracinement, du problème d’intégrations, d’insertions, d’acculturation. Le Dr. Chat V. Dang indique 12 facteurs constituant les jalons du développement de l’identité vietnamienne. Comme premier facteur, il cite - à notre surprise, mais non sans perspicacité - le premier empereur de Chine.

Créant en 221 le premier empire en réunissant les territoires au Nord (six principautés féodales) et au Sud (pays de Barbares) de la Chine, Qin Shi Huang a inconsciemment déclenché le processus historique menant à la création de l’État du Nam Viêt par son général rebelle Triêu Dà. Le royaume des Lac Viêt, ancêtres du peuple vietnamien, annexé par Triêu Dà, fait partie intégrante du Nam Viêt. La conquête chinoise et la résistance du Lac Viêt catalysent la formation de l’esprit national chez les Lac Viêt prennant conscience de leur non-appartenance à la Chine.

L’émigration massive des Viêt kiêu après 1975, d’après le Dr. Dang, compte comme un facteur contemporain dans le processus du développement de l’identité vietnamienne.

Plusieurs interlocuteurs soulèvent le problème de l’origine du peuple Viêt. Occasion de rappeler des légendes mythiques Viêt et Muong (ces ethnies appartenant au groupe ethnique Viêt-Muong avant la scission de ce dernier) : la mère-ancêtre donnant naissance à 100 enfants qui se divisent en deux groupes, la mère Viêt Âu Co (cent fils), la Mère Muong Ngu ky (Dame serpent Dragon, cent filles). Les Vietnamiens seraient les descendants du Génie Dragon Lac Long quân et de la fée Âu Co.

Je suis Vietnamien

Le Dr. Nguyên Quyên Tài aborde le problème de l’origine du peuple Viêt sous plusieurs angles : archives historiques (archéologie, biologie moléculaire) et découvre qu’une particularité de la nation vietnamienne à travers son histoire plurimillénaire, est son esprit indomptable de résistance aux agressions étrangères, ce qui lui permet de garder son identité et sa souveraineté. Les docteurs Kim Khanh et Nguyên Lê Hiêu trouvent l’origine du peuple cochinchinois (Nam Ky) dans le brassage des Khmers, Chinois, Cham et Viêt. Son analyse s’appuie sur deux premiers romans en quôc ngu (écriture romanisée) parus au début de l’occupation française : Ai làm duoc ? (Qui peut faire ?) (1919) de Hô Biêu Chanh et Nghia Hiêp Ky Duyên (1922) de Nguyên Chanh Sat. Le recueil d’interventions des Viêt kiêu de Seattle peut être considéré comme un manifeste disant leur attachement indéfectible an Vietnam au pays de leurs ancêtres : son préambule le dit clairement.

D’après Nguyên Hung Quôc, le sens des mots «Je suis Vietnamien» varie : si c’est un Vietnamien dans le pays qui le dit, c’est chose naturelle, évidente. Si c’est le cas d’un Vietnamien d’outre-mer, c’est une affirmation hautement consciente, un choix qui vient du cœur car la majorité des Viêt kiêu ne sont plus Vietnamiens pour plusieurs raisons : ils vivent loin du Vietnam, presque toutes leurs relations se situent hors du Vietnam, et avant tout, ils n’ont plus la nationalité vietnamienne, c'est-à-dire qu’ils n’ont plus la citoyenneté vietnamienne. Et pourtant, la majorité des Vietnamiens d’outre-mer se considèrent, en priorité, comme Viêt, autrement dit, reconnaissent le Vietnam comme composante essentiel de leur identité.

«… Tout d’abord, toujours d’après Nguyên Hung Quôc, au début des années après 1975, nous nous sommes définis comme Vietnamiens réfugiés, non simplement comme Vietnamiens mais Vietnamiens réfugiés, avec une comotation fortement politique. Après un long séjour à l’étranger, cette qualité de +réfugié+ s’estompe. Nous finissons par nous définir selon le critère de la vietnamité culturelle».

Huu Ngoc/CVN

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