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Une femme joue avec Pepper, un robot humanoïde fabriqué par SoftBank Robotics et exposé au salon Vivatech à Paris, le 24 mai. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"L'intégralité de l'avenir de l'humanité ne peut pas être décidé par une poignée d'hommes blancs privilégiés qui ont fait des grandes études. Parce que c'est ça, le monde de la tech", assène Marie Georges, présidente de Willa, une association d'accompagnement des créatrices de startups.
En 2017 en France, 40% des entrepreneurs étaient des entrepreneuses, selon l'Insee. Cette proportion tombe à 8% pour les startups (21% en Ile-de-France), selon une étude de Compass publiée en 2015.
"Notre industrie se tire une balle dans le pied en ne puisant pas dans l'étendue des talents disponibles", constate Rachel Haurwitz, présidente et co-fondatrice de Caribou Biosciences, une startup américaine spécialisée dans les biotechnologies.
Les acteurs du milieu s'accordent sur un point: la présence de femmes au sein des équipes fondatrices de jeunes pousses garantit des performances supérieures à la moyenne.
Le fonds de capital risque américain First Round a publié en 2015 une étude, réalisée sur dix ans, montrant que les entreprises co-fondées par au moins une femme affichaient un rendement sur dix ans supérieur de 63% à celui des équipes uniquement masculines.
Une femme porte un masque de réalité virtuelle Dior au stand LVMH du salon Vivatech à Paris, le 24 mai. |
Quelles qualités féminines justifieraient ces réussites ? Meilleures gestionnaires, plus intelligentes émotionnellement... les explications vagues et peu objectives abondent. Leur principale valeur ajoutée tient en réalité à la diversité, et donc la créativité, qu'elles apportent à une entreprise.
"On ne peut pas atteindre une diversité parfaite, mais il faut une diversité exemplaire, suffisante pour que les personnes puissent prendre conscience de leurs différences et penser à d'autres différences possibles", argumente Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse.
Le mari pour ouvrir un compte
Certaines inventions technologiques ont connu des ratés, faute d'avoir pensé à la moitié de l'humanité, comme les airbags initialement conçus pour des corps d'hommes.
La montée des technologies d'intelligence artificielle, et leur potentiel en termes de façonnement de la société, renforce l'exigence de diversité.
Aujourd'hui les femmes sont recherchées par de nombreux investisseurs. Roxanne Varza, la directrice de l'incubateur parisien Station F, relève que la première startup à avoir été rachetée est une jeune pousse spécialisée dans l'intelligence artificielle, créée par une femme de moins de trente ans (Recast.AI). "La première à se faire racheter sur mille boîtes", précise-t-elle en riant.
Dans sa carrière, Roxanne Varza a ressenti son genre comme un atout: "Comme on est minoritaire, les gens se rappellent de nous", assure-t-elle. "La population de la tech est assez jeune et indépendante d'esprit, les organisations ne sont pas très hiérarchiques et il y a une grande limpidité salariale", renchérit Amélie Faure, partenaire chez Serena Capital, un fonds d'investissement dans l'intelligence artificielle.
Des jeunes femmes s'intéressent au robot Pepper, créé par SoftBank, au salon Vivatech. |
Pourtant, les femmes ne se pressent pas au portillon des technologies. Celles qui ont percé avouent avoir parfois eu du mal à se sentir légitimes dans ce milieu très masculin.
"Je me rappelle de cet investisseur qui m'avait demandé, +OK, mais qui est le responsable ici ?+", raconte Temie Giwa-Tubosun, la fondatrice de LifeBank, spécialiste des livraisons de poches de sang au Nigeria. "Et là je me suis dit, peut-être que c'est mon âge, ou parce que je suis maman..."
Des histoires similaires, Marie Georges en a entendu des dizaines: des banques qui demandent la profession du mari à l'ouverture du compte de la société, des partenaires masculins qui s'arrogent le fruit du labeur de leur collègue, des investisseurs qui draguent ou refusent de débloquer des fonds tant que l'entrepreneuse est enceinte...
"Il n'y a pas assez de femmes et elles ne viennent pas spontanément, donc on a une stratégie d'appels à projets, on suscite des vocations", explique la présidente de Willa. "On leur dit +même si vous avez juste une idée, on va vous aider jusqu'à ce que votre boîte fonctionne+".
"Chaque fois que j'ai choisi un projet, je n'étais pas à 100% prête", raconte Aurélie Jean. "J'y suis allée quand même, sur les conseils de mes mentors masculins qui m'ont dit +tu ne prends pas un poste parce que tu es prête, tu le prends parce que tu es capable d'apprendre+".