Coronavirus
Les sports mécaniques français craignent un arrêt prolongé

"Faire de l'épicerie pour essayer d'exister quand ça reprendra", à une date inconnue : l'expression du patron de l'équipe française de MotoGP Tech3, Hervé Poncharal, au début de la crise du coronavirus, illustre les craintes du secteur des sports mécaniques dans l'Hexagone.

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Une course du Championnat du monde de karting le 1er octobre 2006 à Angerville au sud de Paris.

Celui-ci fait face à un double écueil : outre l'annulation ou le report de toutes les compétitions depuis le 15 mars et jusqu'à nouvel ordre, "on n'a plus aucun pratiquant", pointe Jacques Bolle, le président de la Fédération française de motocyclisme (FFM).

Or, "l'essentiel des gens qui vont tourner sur des circuits, que ce soit en voiture ou en moto, ne sont pas des officiels", rappelle-t-il.

Président du Groupement national des circuits automobiles, centres d'essais industriels et professions associées (GN Caceipa), Jean-Pierre Mougin dresse un sombre constat : "certains circuits de karting m'ont dit : reprise d'activité au 15 avril, ça fait mal mais ça passe, au 15 mai, ça devient très, très dur, et au 15 juin, c'est mort".

"La perte moyenne si on reprenait au 15 mai serait de 100.000 euros pour un circuit de karting, 200.000 au 15 juin, estime-t-il. Multiplié par le nombre de circuits, entre 300 et 400, ce sont des pertes aux alentours de 20 à 30 millions d'euros".

La France compte aussi une quarantaine de circuits de vitesse qui n'organisent pas tous des compétitions mais des entraînements, formations de pilotage et journées de roulage. "Pour eux, c'est environ 10 millions d'euros de pertes sèches au 15 mai et 12 millions au 15 juin", poursuit le président du GN Caceipa.

Et pour la trentaine d'écoles de pilotage auto et moto, "la perte estimée est d'environ 8 millions d'euros au 15 mai et 12 millions au 15 juin", conclut le dirigeant.

Le coup est d'autant plus dur que la période est habituellement faste pour les circuits, dont l'activité est en grande partie saisonnière.

"Calendriers pas extensibles"

Le pilote français Jean-Philippe Ruggia le 17 janvier 2001 sur le circuit du Castellet dans le sud de la France.

La problématique est la même pour les grandes compétitions nationales ou internationales, pour lesquelles le huis clos n'est pas une option, leur modèle économique reposant sur la présence de spectateurs.

"Si ça repart dans le courant du mois de mai, on sauvera l'essentiel, juge Jacques Bolle. Plus tard, ce sera plus compliqué parce que de nombreuses épreuves importantes sont déjà déplacées aux mois de septembre et octobre et les calendriers ne sont pas extensibles".

Et le dirigeant de citer l'exemple des 24 Heures motos au Mans. Programmées en avril, elles ont été reportées aux 5 et 6 septembre puis avancées aux 29 et 30 août, moins près du Bol d'or et des 24 Heures du Mans les 19 et 20 septembre.

Après le report sine die cette semaine du Grand Prix de France moto, seule la F1 est encore prévue à sa date initiale, le 28 juin.

À défaut de pouvoir reporter, il faudra annuler et tous les promoteurs ne sont pas logés à la même enseigne : certains sont assurés contre cette éventualité, d'autres non.

À l'échelon régional et local, l'enjeu est moindre. "Lorsque vous annulez, c'est un manque à gagner, concède Nicolas Deschaux, le président de la Fédération française du sport automobile (FFSA). Mais ce sont des structures associatives qui, dans la grande majorité, auraient la capacité, si elles n'engagent pas de frais, de poursuivre leur activité si ça ne dure pas trop longtemps".

Pour les clubs qui ont été contraints à des annulations de dernière minute, "c'est le rôle de la Fédération d'être solidaire", ajoute Bolle pour la moto.

La FFSA, pour sa part, a annoncé le remboursement des droits de calendrier pour les manifestations annulées, le versement anticipé des subventions ainsi que le report des appels à cotisations.

"Métiers périphériques"

En bonne santé financière selon leurs dirigeants, la situation des Fédérations pourraient toutefois se compliquer si la crise venait à se prolonger dans l'été.

À l'heure actuelle, elles n'enregistrent pas de licences et craignent de ne pas rattraper ce retard si leurs championnats étaient trop largement amputés.

Enfin, tous s'inquiètent pour les "métiers périphériques" (équipes, préparateurs) qui vivent des compétitions tous niveaux confondus.

"Dans la filière monoplace ou le rallye, vous avez un certain nombre de +teams+ pour lesquels la situation peut s'avérer très compliquée s'ils ne peuvent pas vendre leur saison à des pilotes", observe Deschaux.

Le président de la FFSA exhorte à voir plus loin que l'absence actuelle d'activité sur les circuits. Pour lui, l'impact économique du COVID-19 sera aussi fonction de l'application des mesures gouvernementales destinées à protéger les entreprises, de la poursuite de la crise dans le monde et de l'attitude des Français après le confinement.

"Soit les gens vont avoir envie de courir, soit on aura un effet de peur des rassemblements. Ça, c'est une vraie question...".

AFP/VNA/CVN

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