Les seniors à la mode, revolution ou énième stratagème marketing ?

Des femmes d’âge mûr en couverture des magazines, une James Bond girl quinquagénaire : les dames senior sont de plus en plus à l’affiche. Une révolution ou seulement une énième astuce marketing ?

Chevelure grise et lunettes noires géantes, la romancière et scénariste américaine Joan Didion est à 80 ans la nouvelle égérie de la marque de luxe Céline. La dernière campagne de Dolce and Gabbana fait la part belle aux grands-mères italiennes, Madonna pose à 56 ans pour Versace, Monica Bellucci sera bientôt la James Bond girl la plus expérimentée de l’histoire du haut de ses 50 ans...

Aucun doute : le gris, le blanc et les rides font fureur au cinéma et plus encore dans la mode. Plusieurs raisons à cela. D’abord, la population occidentale vieillit et les têtes d’affiche avec elles.

L’argument financier a également son poids : le pouvoir d’achat a lui aussi pris des rides, particulièrement au Royaume-Uni où les seniors ont été parmi les rares à ne pas trop souffrir de la crise économique. En 2012, la consommation des ménages a été portée pour près de moitié par les plus de 50 ans.

La romancière américaine Joan Didion lors d’un gala à New York.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le marché des seniors constitue «un des groupes de consommation les plus importants à moyen et long termes», insiste Magdalena Kondej, analyste à Euromonitor International. Dans la publicité, mettre en scène des personnes d’âge mûr aide à cibler les seniors. «Cette approche semble la meilleure option pour des marques de vêtements et on ne manque pas de belles femmes glamour et d’âge mûr», relève Mme Kondej.

Sylviane Degunst, 56 ans, a été repérée il y a deux ans dans les rues de Londres et fait depuis la publicité de plusieurs créateurs de marques. Mince, pas très grande, elle porte une chevelure blanche depuis ses 18 ans. Auteure et éditrice en France, elle a eu du mal à trouver du travail après son déménagement au Royaume-Uni et se félicite de sa reconversion en mannequin.

«Je ne peux plus utiliser mon cerveau ici, donc je vais utiliser mon vieux corps ! Je m’amuse énormément», dit-elle. «Les jeunes sont très jolies et on n’est pas en compétition avec elles. Je trouve qu’on se marie bien, ça fait un joli contraste et c’est intéressant, ce mélange».

La révolution des vieilles dames

Sylviane Degunst a peut-être encore une longue carrière devant elle si elle suit l’exemple de l’Américaine Carmen Dell’Orefice, toujours dans le métier à 83 ans passés...

Au-delà de la question du marketing, l’artiste Sue Kreitzman n’hésite pas à parler de «révolution des vieilles dames». «Elles deviennent plus visibles dans toutes les sphères de la vie publique. Ca avance doucement mais ça avance», dit la New-Yorkaise de 75 ans, basée à Londres.

Elle qui s’habille aux couleurs de l’arc-en-ciel loue la campagne de Céline, qui montre que «les personnes âgées existent, qu’elles comptent et qu’elles sont belles». «Ce que j’adore, c’est que Joan Didion est magnifique sans ressembler du tout à une jeune», dit-elle.

Aucun doute : le gris, le blanc et les rides font fureur au cinéma et plus encore dans la mode.

Dans les défilés, les jeunettes minces ont néanmoins toujours la main. Mais selon Sylvie Fabregon, qui dirige les agences «Masters» et «Silver» à Paris, la demande pour des mannequins d’âge mûr augmente.

«Les gens ne sont plus dupes, les femmes en avaient marre de voir des gamines de vingt ans faire des publicités pour des crèmes contre les rides qu’elles n’avaient pas», explique-t-elle.

L’agence Masters, créé en 2005 pour les 40 ans et plus, compte aujourd’hui 300 mannequins. «On l’a ouverte parce qu’on s’apercevait que les seniors avaient changé», dit Mme Fabregon. L’agence Silver a suivi en 2012 et propose déjà 30 anciens top models.

«Ma grand-mère n’a jamais porté de jean, tandis que mes parents ne l’ont, eux, jamais quitté... Il y a toute cette génération de 1968 qui vieillit et qui a encore envie de consommer, d’être beau, d’être jeune, mais sans que ce soit du jeunisme», glisse Sylvie Fabregon.

Certains pensent que le recours aux femmes mûres comme mannequins n’est qu’un coup marketing pour épater la galerie et ouvrir les portefeuilles, dans une industrie coutumière du fait mais qui, en réalité, n’abandonnera jamais le culte de la jeunesse immortelle.

«Ce n’est pas le pouvoir gris, c’est le pouvoir de choquer», dénonce Sandra Howard, 74 ans, qui fut mannequin dans les années 1960 et 1970 et pose un regard plus sceptique sur les modèles seniors. «Une belle femme âgée dans une publicité pour des cosmétiques, ça fonctionne, et mélanger vieux et jeunes, d’accord. Mais si on va trop loin dans ce stratagème, ça devient lourd», juge-t-elle.

AFP/VNA/CVN

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