Les scientifiques au chevet de l’Arctique, océan méconnu

Des scientifiques jubilent à la vue d’un étrange mille-pattes translucide extrait par 70 mètres de profondeur. Puis, incapables de l’identifier, s’en remettent aux «livres des premiers explorateurs des années 1800», tant les connaissances sur l’océan Arctique sont maigres.

>>L'Arctique continue à se réchauffer bouleversant l'écosystème

Regroupés sur le pont avant du brise-glace scientifique canadien NGCC Amundsen, des chercheurs, casques de chantiers et combinaisons de survie derigueur, fouillent l’amas visqueux fraîchement remonté par la grue du navire.

Le thermomètre glissé dans cette glaise a beau afficher -1,8 degré, plusieurs êtres vivants aux allures extraterrestres s’agitent. «Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est quand même une région assez riche», relève Laure de Montety, spécialiste de la taxonomie arctique.

Un hélicoptère des gardes-côtes canadien transportant des scientifiques, le 27 septembre près des côtes de l’île Devon au Canada.

À mesure que la banquise fond sous l’effet des gaz à effet de serre, les chercheurs se pressent comme elle dans le Grand Nord «pour avoir un bon état des lieux, avant qu’il y ait trop de passages de bateaux et trop de changements climatiques», explique cette Savoyarde employée de l’Université du Québec à Rimouski (Ouest du Canada).

Brise-glace de la Garde côtière canadienne dédié à la recherche, l’Amundsen constitue un laboratoire mobile unique qui, chaque année, explore l’Arctique en transportant une quarantaine de scientifiques internationaux.

Cataloguer la biodiversité

Le toit de la Terre s’est déjà réchauffé d’au moins trois degrés par rapport à l’époque pré-industrielle : l’écosystème polaire a déjà débuté sa transition sous l’effet du climat changeant. Pour les chercheurs, il y a urgence à cataloguer la biodiversité et à percer les secrets de l’océan Arctique, le moins étudié du globe et le plus petit.

Jour et nuit, gardes-côtes et scientifiques se relaient donc sur le pont de l’Amundsen pour prélever des sédiments dans le plancher océanique ou des échantillons d’eaux à diverses profondeurs et déployer des chaluts.

Depuis quelques années déjà, les filets de pêche de l’Amundsen remontent des poissons frayant normalement dans le Pacifique ou l’Atlantique mais jamais à de telles latitudes polaires. Le lançon du Pacifique est par exemple en train de s’installer en Mer de Beaufort et dans le Passage du Nord-Ouest. Il menace la survie des espèces indigènes, à commencer par la morue arctique, dont les bélougas et les phoques sont friands.

«Le niveau de la glace ne va pas aller en s’améliorant, qui sait à quoi cela ressemblera dans 20 ou 30 ans ?», se demande Solveig Bourgeois, spécialiste française de l’écologie marine.

«Avec la fonte accélérée de la glace en été, les algues naissantes sous la banquise disparaissent et, du même coup, des micro-organismes sont privés de leur principale source de matière organique. À terme, cela pourrait faire boule de neige sur le reste de la chaîne animale», explique-t-elle dans un étroit laboratoire installé à l’arrière du navire.

Également à la poupe du brise-glace, une équipe contrôle «la torpille» que traîne l’Amundsen dans son sillage par 75 degrés nord. Relié par un câble, souvent bloqué dans les poulies gelées, l’appareil métallique profilé d’un mètre de long effectue des oscillations entre la surface et le sol marin afin de recueillir une pléthore de données sur l’océan.

Beaucoup de surprises en vue

Le but est de comprendre comment l’Arctique se mélange avec le Pacifique et l’Atlantique voisins et comment s’y forment les courants marins.

Des paléoclima-tologues, sur les côtes de l’île Devon, au Canada, le 27 septembre.

«C’est un savoir nécessaire si on veut de bons modèles climatiques», note Jody Klymak, physicien-océanographe à la tête des opérations de «la torpille». «Si tu veux comprendre comment l’Arctique change, il faut comprendre comment les courants changent, c’est fondamental», ajoute ce professeur de l’université canadienne de Victoria, en Colombie-Britannique.

Cela fait à peine un siècle que l’explorateur norvégien Fridtjof Nansen a démontré que l’Arctique était bien un océan, à la fois alimenté par 10% des rivières du globe, l’Atlantique et le Pacifique. Mais ce n’est que depuis que la glace a commencé à reculer en été que les scientifiques mènent des études poussées sur son fonctionnement.

Pour Roger François, chef de mission scientifique sur l’Amundsen, il est urgent d’accroître les connaissances sur la région car «les changements de l’Arctique ont des influences qui vont bien au-delà».

L’océan glacial pourrait diminuer la salinité des mers du globe en raison de «l’apport accru d’eaux de fonte des glaces», note le chercheur belge, ce qui ensuite pourrait «vraiment changer la circulation globale des océans» et modifier les transferts d’énergie entre les pôles et l’équateur. Le climat serait alors bouleversé pour de bon.

Du reste, admet Roger François, assis à son bureau surplombant le pont avant de l’Amundsen, «le système entier est tellement complexe» et les connaissances de l’Arctique limitées, qu’«il y a encore beaucoup de surprises auxquelles il faut s’attendre».

AFP/VNA/CVN

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