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Le tir à la corde assis a été reconnu en 2015 patrimoine culturel immatériel national. |
Aujourd’hui plus que jamais, tous les Vietnamiens, de 7 à 77 ans, connaissent le tir à la corde assis, solidement ancré dans la culture du pays. Cependant, plus rares sont ceux à connaître ses origines et les mœurs censées l’accompagner. Ce jeu - mais aussi le rite que l’on trouve uniquement à la fête du temple de Trân Vu, à Hanoi - a été reconnu en 2015 patrimoine culturel immatériel national.
Le tir à la corde assis est un jeu rituel perpétué lors de la Fête traditionnelle du village de Ngoc Tri, commune de Cu Linh, district de Gia Lâm (aujourd’hui quartier de Thach Bàn, arrondissement de Long Biên, en banlieue de Hanoi). Bien qu’apparu il y a plusieurs siècles, le tir à la corde assis a subi la loi des longues années de guerre dans le pays. Il a été relancé en 1989.
Un jeu rituel, une légende
Nguyên Van Xê, 91 ans, est la seule personne encore vivante de cet ancien village à avoir pris part à ce jeu rituel en 1944. Il explique que le tir à la corde assis de Ngoc Tri tire ses origines d’une sécheresse exceptionnelle.
La plus grande valeur que ce jeu rituel apporte, c’est l’esprit communautaire. |
Photo : Minh Duc/VNA/CVN |
Cette année-là, 11 des 12 puits du village étaient taris. Seul un puits du hameau de Dia était encore en mesure de donner de l’eau. Les hommes des hameaux de Duong et Cho s’y rendaient pour puiser de l’eau. Un jour, une querelle éclata entre de jeunes hommes de trois hameaux, les uns venus puiser de l’eau, les autres voulant la garder. De peur que le précieux liquide s’échappe du tonneau en rotin à cordes, les deux bandes rivales se mirent en position assise avant de tirer chacune de leur côté pour tenter d’arracher le tonneau des mains de leurs adversaires. Le tir à la corde assis était né, devenant un rite indispensable lors de la fête en mémoire du génie Linh Lang et du saint Trân Vu, organisée chaque année le 3e jour du 3e mois lunaire.
Dans le quartier de Thach Bàn, la joute se dispute sur un terrain plat dans l’enceinte du temple de Trân Vu. À l’origine, la corde, d’un diamètre de 5 cm pour 25-30 m de long, était fabriquée à partir d’un long rotang. Un mois avant l’ouverture de la fête, les villageois la faisaient macérer dans l’eau d’un puits carré du hameau de Dia. Mais aujourd’hui, il est difficile - pour en pas dire impossible - de trouver une telle corde. Le long tronc de rotang a donc laissé sa place à une corde standard aux mensurations similaires.
On ne badine pas avec le règlement
La corde passe à travers un trou percé sur le poteau planté au milieu de l’aire de jeu. |
Photo : Minh Duc/VNA/CVN |
Côté règlement, les tireurs doivent avoir entre 18 et 35 ans, être nés et avoir grandi dans le village. De plus, leur famille doit être établie ici depuis au moins cinq générations. Avant 1945, les tireurs étaient répartis dans deux équipes : Duong et Cho (du nom des deux hameaux cités plus haut), qui comptaient chacune 24 personnes plus un arbitre. Depuis 1989, l’année où le tir à la corde assis a été relancé, il y a trois équipes. Chacune comporte 15, 17 ou bien 19 membres, sans omettre l’arbitre. La corde est passée à travers un trou percé sur le poteau planté au milieu de l’aire de jeu.
Le jeu de tir à la corde assis et les rituels qui vont avec sont pratiqués au sein de la communauté pour s’attirer les faveurs du temps, synonyme de récoltes abondantes et de prospérité pour le village. Ils favorisent la solidarité sociale grâce au spectacle et à l’amusement qu’ils procurent, et marquent le commencement d’un nouveau cycle agricole.
Cette tradition a su renaître de ses cendres grâce à une communauté mobilisée. Ici, peu importe de savoir qui gagne ou qui perd. Le fait de participer suffit au bonheur des tireurs, la vocation première de ce jeu étant de renforcer la solidarité villageoise. C’est d’ailleurs ce qui fait tout son sel et explique le dynamisme de ce patrimoine culturel national.