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Le Têt nhay est organisé en grande pompe chez les montagnards de l’ethnie Dao. |
La commune de Ta Phin, district de Sa Pa, province de Lào Cai (Nord), se situe dans les environs du col de Ô Quy Hô, à une dizaine de kilomètres de Sa Pa. Le chemin unique y conduisant zigzague entre les montagnes, entre rizières en gradins et vergers de pruniers en fleurs. Une vue agréable qui adoucit quelque peu le froid hivernal, vif en altitude.
Ta Phin est la terre natale des Dao Rouges, une des ethnies minoritaires vietnamiennes. «La vie des habitants locaux s’est améliorée sensiblement ces dernières années grâce au tourisme», relève Ly Man Mây, une paysanne.
Ruou la et xôi ngu sac, fiertés des Dao
Devant l’afflux de touristes à Ta Phin, Ly Man Mây a eu l’idée de créer les premiers bains aux herbes médicinales. Un service qu’adorent les voyageurs, surtout après un trek de quelques heures. Selon Ly Man Mây, ce «bain de jouvence» nécessite des feuilles de dizaines d’espèces de plantes médicinales cueillies en forêt. Les Dao Rouges sont experts dans la préparation de remèdes contre le mal au dos et la fatigue.
Les orchidées apportent aussi une source financière non négligeable aux habitants de Tà Phin, où une centaine de familles locales ont leur jardin. «Le riz nous permet de manger à notre faim, l’orchidée de sortir de la pauvreté et les services touristiques de faire fortune», affirme sans ambages Ly Phi Nhan. Inutile de préciser que ces orchidées sont prélevées dans la nature, en l’occurrence le Parc national de Hoàng Liên Son. Outre les bains médicinaux et les orchidées, les Dao Rouges sont fiers de leurs ruou la (alcool de riz aux saveurs de plantes) et xôi ngu sac (riz gluant à cinq couleurs), incontournables lors des festins villageois.
La confection du ruou la prend trois mois, de la préparation de la levure à partir de feuilles cueillies aux Thanh Minh et de Côc Vu (deux périodes climatiques qui tombent au 3e mois lunaire) jusqu’à la distillation de l’alcool, en passant par la fermentation du riz. «Notre +ruou la+ est le meilleur du monde !», lance un autochtone.
Le xôi ngu sac, quant à lui, est un riz gluant de cinq couleurs (blanc, noir, jaune, vert et rouge) dues à cinq plantes différentes. Cueillies en forêt, ces plantes sont broyées séparément pour donner chacune un jus coloré avec lequel on teint le riz gluant, avant de le cuire à vapeur. Cinq couleurs certes, mais aussi cinq saveurs. Ce riz gluant spécial est vraiment un must des traditions culinaires des Dao Rouges.
Hommage à la statue ancestrale
Le Têt traditionnel (Nouvel An lunaire) des Dao Rouges se déroule de la fin du 12e mois lunaire jusqu’au milieu du 1er mois lunaire de la Nouvelle Année. Nombreux sont les rites spirituels à observer, les plus importants étant le Têt nhay (fête des danses), la cérémonie de Tam tuong (bain de la statue ancestrale) et le culte dédié au Génie du foyer. Si les deux premiers sont des événements communautaires, le troisième s’effectue dans l’intimité de la maison familiale.
Le Têt nhay est le rite dédié à Ban Vuong, premier ancêtre des Dao. Un rite organisé en grande pompe un peu partout dans les régions montagneuses du Nord. Les Dao compteraient douze lignées familiales, réparties dans les tribus Dao Do (Dao Rouges), Dao Tiên et Dao Quân chet.
Chez les Dao Rouges de Ta Phin, le Têt nhay se tient les deux premiers jours du Nouvel An lunaire, dans la demeure du chef du village. L’occasion pour tous les habitants de se réjouir. À l’aube, tout le monde se régale d’un festin communautaire préparé la nuit précédente, avant de procéder à la fameuse fête des danses.
Le rite dédié à Ban Vuong, premier ancêtre des Dao Rouges. |
Photo : Anh Tuân/VNA/CVN |
L’autel dédié à Ban Vuong est installé dans la pièce centrale de la maison, donnant sur le foyer, un espace sacré. L’endroit est richement décoré de fleurs et d’objets ornementaux en papiers colorés parmi lesquels se distinguent deux dessins : l’un représentant le Soleil et l’autre le Coq à crête rouge – deux totems des Dao Rouges. Aux sons des gongs et tambours, un groupe d’hommes en costume traditionnel se met à danser. Quatorze danses différentes s’enchaînent, qui traduisent les différentes étapes pour accueillir parmi les vivants les ancêtres disparus, l’espace de quelques temps.
Ensuite, c’est au tour des femmes d’interpréter des chants folkloriques racontant l’histoire des lignées Dao, exaltant les mérites des ancêtres, illustrant la vie des Dao : production agricole, tissage de brocatelle, chasse en forêt, etc.
Le Têt nhay est suivi de la cérémonie de Tam tuong. La statue ancestrale, de 25 cm de haut, est sculptée dans du bois de fer, imputrescible. Durant l’année, elle est soigneusement enveloppée dans une étoffe blanche. Au Nouvel An, elle fait l’objet d’une procession solennelle, après un bain dans de «l’eau bénite».
Au rythme des gongs et tambours, des danseurs rendent hommage à la statue. Les rites religieux se terminent à la tombée de la nuit. Tout le monde participe alors avec enthousiasme à un grand festin communautaire où, bien entendu, le fameux ruou la coule à flots.
Nghia Dàn/CVN