>>Le marché des plantes d’ornement entre dans la haute saison
>>Les fleurs de pêcher toujours souriantes au village de Nhât Tân
L’orchidée est considérée comme la reine des fleurs et aussi un emblème de l’honnête homme. |
Photo: Dang Huê/CVN |
Je suis né et ai grandi dans la rue du Chanvre de la vieille cité de Hanoï, là où vivaient de modestes mandarins retraités, des lettrés confucéens déçus par les temps amers de la colonisation, des demoiselles de bonne famille, sages et jolies, qui vendaient livres, pinceaux et encre de Chine aux étudiants. Là, les maisons étroites mais longues possédaient souvent une petite cour où l’on disposait une montagne artificielle et des plantes d’ornement. Ces cours permettent toujours d’introduire un peu de nature dans la vie urbaine.
Dans les villages, la maison et le jardin souvent s’interpénètrent. Les pagodes et autres temples, au lieu de dominer le voisinage, se blottissent dans la verdure. Il est naturel que notre peuple, dont la flore est si riche et dont l’animisme étage des croyances populaires, se sente si proche des végétaux.
Quatre éléments de l’arbuste miniaturisé
Le culte des anciens lettrés pour les plantes d’ornement révèle leur pensée dont on décèle deux tendances: la tendance confucéenne, la principale, rationnelle, visant à s’acquitter de ses obligations à l’égard de la société (famille, village, nation); et la tendance taoïste, teintée de bouddhisme, moins rigide, basée sur l’affectivité et l’intuition. Ces deux tendances trouvent dans les plantes d’ornement, surtout les bonsaïs, un terrain favorable pour s’exprimer. Les amateurs les prennent pour confidents, leur confient leurs pensées, leurs sentiments, leurs aspirations.
Certaines plantes, à l’état naturel, portent déjà une signification. Ainsi, le bambou d’ivoire (trúc) représente comme le pin, la droiture de l’homme de bien (quân tu) et la virilité. Ils sont plantés aux deux coins de la façade de la maison. Le chrysanthème et l’abricotier, de caractère féminin, sont plantés près de la chambre des femmes.
Pour créer un arbuste miniaturisé (cây thê = sorte de bonsaï), on doit prendre en considération quatre éléments: la forme (hình, dáng), le port symbolique (thê), les branches (chi) et les feuilles (diêp). Parfois, il y a confusion entre ces termes (dáng hình et thê).
Pour les Vietnamiens, les plantes d’ornement expriment le bonheur et la prospérité au seuil du Nouvel An. |
Photo: ST/CVN |
On distingue quatre formes (dáng, hình) fondamentales: verticale (trúc ou tùng), horizontale (hoành), oblique (siên), pendante (huyên). On se base sur la forme pour créer le port symbolique (thê) par différentes opérations (atrophie des racines, ligature des tiges et rameaux, greffe…).
Les quatre thê essentiels traduisent les relations cardinales de l’éthique confucéenne: père-enfant, mari-femme, entre frères, entre amis. Dans les bonsaïs vietnamiens, il manque la relation "monarque-sujet".
Pour obtenir le port symbolique "père-enfant", on peut choisir un arbuste ayant un tronc grand et au tronc petit-pour le façonner patiemment. Dans ce cas, il est interdit de greffer le tronc d’un autre arbuste car le père et l’enfant doivent avoir le même sang. Cette opération est permise quand il s’agit des ports symboliques concernant la relation mari-femme, amis, etc.
Hors des quatre ports symboliques essentiels, l’amateur de cây thê peut créer à l’infini d’autres motifs selon l’évocation des formes: Phúc - Lôc - Tho (les trois Génies du Bonheur, de la Richesse et de la Longévité, représentés par un arbuste à trois troncs ou une greffe de trois arbustes), Ngu phúc (les cinq Bonheurs représentés par un arbuste à cinq troncs ou une greffe de cinq arbustes). On peut également modeler des animaux (le lion jouant avec le globe, les dragons rendant hommage à la lune, le cerf…) des personnalités mythiques ou historiques de la Chine et du Vietnam (les Cinq Immortels, Vo Tong tuant le tigre, le Génie Gióng et son cheval de fer, les Sœurs Trung…). Il semble que le bonsaï japonais, relevant d’une autre motivation, ne se soucient pas du port symbolique.
Culte des plantes d’ornement
Une autre pensée, la pensée bouddhiste teintée de taoïsme, pourrait expliquer le culte des plantes d’ornement. Harassé par les tracas de la vie, déçu par les échecs, ou bien ayant payé sa dette d’homme, l’ancien lettré cherchait à trouver un peu de repos, de consolation, d’équilibre mental grâce au culte des plantes d’ornement.
Nguyên Trai, le grand humaniste vietnamien du XVe siècle, a évoqué les plantes dans plus de 30 poèmes, parmi lesquelles des plantes considérées comme vulgaires (bananier, canne à sucre, banian).
La tradition des plantes d’ornement s’est estompée suite aux bouleversements causés par la guerre. Avec le retour de la paix et de la croissance économique, les plantes d’agrément sont réapparues. Les jeunes générations prennent la relève, trouvant là une distraction à la fois traditionnelle et moderne, en même temps qu’une activité économique lucrative.
(Juin 2000)