* Quels sont les défis pour l'économie vietnamienne à votre avis ?
L'inflation est une préoccupation de premier ordre non seulement pour le Vietnam mais aussi pour les autres pays d'Asie. Tous ont pris des mesures de rigueur en matière monétaire, suite nécessaire à la crise mondiale de 2008. Ainsi, l'Inde et la Chine ont déjà relevé leur taux d'intérêt de base. En 2011, la croissance économique en Asie sera moindre en raison de l'inflation, tout en demeurant encourageante avec une estimation de 7,3% contre 8,6% l'année dernière.
* Au début de ce 2e trimestre, le Vietnam s'attache à respecter les mécanismes de marché dans la fixation du prix de l'essence et de l'électricité. Quels pourraient en être les conséquences au regard de la maîtrise de l'inflation ?
Il faut bien comprendre que ces changements ne vont pas aboutir immédiatement. La méthode appliquée par le Vietnam pour rattraper le niveau de prix des pays voisins est justifiée et adéquate. Sauf à veiller en particulier sur le rythme des révisions : un prix trop faible sera un fardeau pour le gouvernement, et un prix élevé aggravera l'inflation. De telles révisions sont de la décision des gouvernements sur la base de la situation de leurs économies.
Au Vietnam, les mesures vont dans la bonne voie. Cette année, le rythme de croissance du Vietnam serait de 6,1% contre 7% prévu en septembre 2010. Cependant, la croissance du pays reprendrait son rythme de 6,7% en 2012. En revanche, l'inflation continuerait sa flambée, s'établissant à environ 13,3% durant toute l'année, avant d'être ramenée à 6,8% en 2012.
Le Vietnam doit continuer à resserrer le contrôle du marché de l'or et du dollar qui est efficacement effectué ces derniers temps. Le réajustement du prix des carburants est nécessaire dans le contexte où les carburants sont bien moins chers à la pompe au Vietnam que dans le reste du monde.
* Comment équilibrer croissance et inflation est le plus grand problème des pays asiatiques. Que doit faire le Vietnam pour bénéficier d'une croissance durable ?
Les spécialistes de la BAD proposent trois choses à faire immédiatement au Vietnam. D'abord, augmenter les investissements dans l'éducation, car il est un pays capable de réaliser une percée avec des ressources humaines qualifiées. L'éducation est essentielle et ce à tous niveaux, de l'enseignement primaire au niveau universitaire en passant par la formation professionnelle. Ensuite, accélérer la construction des infrastructures car le développement socioéconomique d'un pays dépend de ses réseaux routiers et ferroviaires, de ses aéroports, de ses télécommunications...
Enfin, l'action gouvernementale est décisive. Il faut en particulier établir un système de gestion où gouvernement, secteur privé et organisations sociales doivent assumer leur responsabilité. Et la transparence est très importante. Dans le cas de retard d'un projet, l'organisme chargé du contrôle doit pouvoir obtenir des explications sur les raisons de celui-ci, l'emploi des fonds publics, les mesures d'emploi efficient des capitaux...
À mon avis, pour sortir de la pauvreté, un pays doit se consacrer à ces trois volets que sont l'éducation, les infrastructures et une gestion transparente du gouvernement, lesquels sont les plus importants.
* Quelle est votre estimation de l'emploi au Vietnam des fonds accordés par la BAD ?
Nous sommes satisfaits du rythme de réalisation ou de l'achèvement des projets au Vietnam. Des efforts doivent être faits pour de meilleurs résultats cependant. L'accélération des projets permettra de faire bénéficier plus rapidement à la population ces projets d'intérêt social. Ce qui souligne au passage la nécessité d'assurer la qualité des ouvrages qui est prioritaire comme les délais de leur réalisation. Notre bureau de Hanoi coopère étroitement avec le gouvernement vietnamien afin d'améliorer la mise en oeuvre de ces projets au Vietnam.
Le sommet annuel de la Banque d'Asie pour le développement aura lieu en mai prochain à Hanoi. L'ordre du jour porte notamment sur les difficultés et potentiels de croissance pour les pays asiatiques. Les premières sont notamment l'environnement, la qualité de la croissance ainsi que les problèmes des gouvernements de la région dans le traitement de ces difficultés. Il est l'heure désormais de penser à l'Asie du futur, et ce prochain sommet consacrera une partie de son temps à aborder les changements devant être initiés en cette vue.
Thuy Tiên/CVN