Les jeunes de Bat Tràng reprennent le flambeau

Plus on connaît Bat Tràng, village de céramique, plus on est charmé par son dynamisme. Loin de vouloir quitter la campagne, les jeunes artisans souhaitent perpétuer le métier de leurs ancêtres, sur leur terre natale.

Les visiteurs se plaisent à découvrir l’univers de céramique à Bat Trang. 
Photo : Quê Anh/CVN


Niché au bord du fleuve Rouge, à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Hanoi, le village de Bat Tràng connaît l’animation des grands jours en cette fin d’année. La rue principale est une bousculade de boutiques dont les produits débordent jusque sur le trottoir. Potiches, vases, vaisselle, services à thé jouxtent statues, objets de décoration… Tout le monde y trouve son bonheur. Certains cherchent des produits pour le Têt, d’autres souhaitent juste découvrir cet artisanat qui a fait la renommée du village.
Bat Tràng fait partie des villages artisanaux les plus anciens du delta du fleuve Rouge. C’est aussi l’un des plus florissants. Six siècles de tradition et 80% des familles pratiquant ce métier artisanal. De génération en génération, les céramistes de Bat Tràng ont su transmettre leur savoir-faire, et surtout l’améliorer. Parmi les derniers acquis : le four à gaz qui, en remplacement de celui à charbon, préserve la qualité de l’air.

Une génération «8X» dynamique

Le village compte une bonne centaine d’ateliers familiaux. La Sarl de Quang Vinh est un exemple de «success story». «Nos articles sont très variés. Aux modèles traditionnels viennent s’ajouter des centaines de nouveaux qui plaisent à la clientèle étrangère. Beaucoup d’entre eux sont exportés. La créativité et le dynamisme de nos jeunes y sont pour beaucoup», s’enthousiasme Hà Thi Vinh, 60 ans, fondatrice et directrice de Quang Vinh. Elle est particulièrement fière de son fils Lê Ngoc Thach et de sa fille Lê Ngoc Minh, qui travaillent à ses côtés, chacun dans leur domaine de compétence. Appartenant tous les deux à la génération «8X» comme on dit au Vietnam (c’est-à-dire nés dans les années 1980), le premier est directeur adjoint de l’entreprise responsable de la production et la seconde est chargée du marketing.
Issue d’une famille de céramistes depuis quinze générations, Hà Thi Vinh était toute destinée à reprendre le flambeau. Cependant, elle a dû passer par de rudes épreuves, notamment durant la difficile période de l’économie subventionnée, où le commerce privé était quasi inexistant.
Mais la confiance en soi donne de l’audace. En 1994, à partir d’un modeste atelier de six céramistes, elle a monté la Sarl de Quang Vinh. Au fil du temps, le modeste atelier est devenu une grande entreprise, comprenant deux usines équipées de nouvelles technologies, l’une à Bat Tràng et l’autre à Quang Ninh, employant plus de 500 ouvriers. Cette chef d’entreprise est bardée de prix : «Citoyenne exemplaire du Vietnam», en 2003, «Globe d’or», en 2006, «Étoile du Vietnam», en 2006, «Rose d’or de la capitale», en 2008, et «Citoyenne d’élite de la capitale», en 2012.
Entre tradition et modernité
Mieux encore, cette passionnée a su transmettre son amour de la porcelaine à ses descendants. «J’ai la céramique dans le sang. Durant mon enfance, le son des céramiques était tellement familier qu’il entrait chaque nuit dans mes rêves et me captivait complètement», confie Ngoc Minh

Fabrication de céramique dans la Sarl de Quang Vinh. Photo : VNA/CVN

Pour elle, c’est grâce à la «prévoyance de maman» que l’entreprise marche aussi bien actuellement. Ngoc Minh a été envoyée faire ses études postuniversitaires en gestion économique en Grande-Bretagne, et son frère Ngoc Thach est diplômé d’une Université de la porcelaine en Chine. Ngoc Minh se consacre aux études de marché, à la recherche de nouveaux débouchés, et Ngoc Thach aux aspects techniques de la production.
Dans les salles d’exposition de la Sarl Quang Vinh, les étagères regorgent d’articles de tous styles et de tous âges. Les visiteurs ont l’impression de revivre l’évolution de cet artisanat. «Traditionnellement, la céramique de Bat Tràng se caractérise par une forme épaisse et lourde. Au fil du temps, elle n’a cessé de devenir plus fine, plus élégante», explique Ngoc Thach.
La beauté des produits tient à leur finesse et à la blancheur de la céramique. La couleur de l’émail est particulièrement importante car c’est elle qui caractérise le plus les produits de label Bat Tràng. Plusieurs sortes d’émaux traditionnels tels émeraude, blanc, brun ou craquelé ... ont marqué l’histoire de la céramique vietnamienne. Sans oublier un art décoratif très diversifié, avec bas-relief, haut-relief, dessins en couleurs …

«Cet héritage est hors de prix»
, estime-t-il, fier que les dépositaires de ce savoir séculaire ont réussi à valoriser ce patrimoine. Nombreux sont les céramistes de Bat Tràng qui se sont taillés une renommée. Certains sont spécialisés dans la restauration d’anciens émaux ou de vieux modèles, d’autres dans la création de modèles plus contemporains.
Grâce à son savoir-faire, à sa créativité et avec l’appui des technologies, la génération «8X» de Bat Tràng a réussi à créer de nouveaux produits au style à la fois traditionnel et contemporain. «Nous avons trouvé la clé de la réussite : ne pas produire ce que l’on a, mais ce que souhaite la clientèle. Notre ambition : faire connaître le label de Bat Tràng le plus possible et conquérir de nouveaux marchés étrangers», considère Ngoc Minh.
La céramique de Bat Tràng est déjà bien implantée dans plusieurs pays européens, aux États-Unis et au Japon. L’aventure continue...

Nghia Dàn/CVN

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