>>La fête des Génies du Foyer en proie à la modernité
>>Des rues animées à l’approche du Têt Tao Quân
Aller au marché pour acheter trois petites carpes rouges est incontournable pour chaque famille au 23e jour du 12e mois lunaire. |
Photo : Nhât Anh/VNA/CVN |
Ce jour-là, quand j’étais petit, était annoncé dès l’aube par les cris des marchandes qui sillonnaient les rues de la ville : «Qui veut acheter les poissons des Génies du foyer ?». Maintenant, l’image des femmes transportant à la palanche deux paniers d’eau dans lesquels nagent des carpes frétillantes disparaît, remplacée par les marchands ambulants en vélos avec des sacs de nylon plein des cyprinidés rouges ou les femmes assises devant un bassin plastique de poissons, dans les marchés traditionnels. La tradition vietnamienne veut que le Táo quân (Génies du foyer) de chaque maison monte au Ciel à cette date pour présenter à l’Empereur de Jade un rapport annuel détaillé sur la conduite de chacun de ses habitants. Le Táo quân, souvent représenté dans la pratique par un génie masculin, est en réalité une triade composée d’un génie féminin et de deux génies masculins.
Ces esprits se sont incarnés dans trois briques disposées en trépied qui supportent la marmite dans nos cuisines. Ils sont censés présider à la vie de famille qu’ils protègent et surveillent. Ils partent à la fin de l’année ancienne pour revenir avec l’année nouvelle. On s’efforce de les mettre dans de bonnes dispositions avant leur départ. Le «sacrifice d’adieu aux Génies du foyer» comporte un repas, des objets votifs en papier (bonnets, bottes, robes) et une carpe vivante qui leur servira de monture dans leur voyage céleste. Après la cérémonie, le poisson doit être lâché dans la rivière.
Le «sacrifice d’adieu aux Génies du foyer», une belle tradition du Vietnam. |
Photo : Archives/CVN |
Cette histoire de rapport annuel, comme les naïves tentatives d’acheter les génies, n’ont pas manqué d’inspirer une abondante littérature satirique à toutes les époques, même à l’heure actuelle dans la presse au moment du Têt traditionnel.
Le culte des trois Génies du foyer provient d’une légende dont le drame reste le même à travers ses variantes : la mort dans le feu de l’absolution de trois personnes, honnêtes et aimantes, victimes de tragiques malentendus.
L’amour des trois personnes
Il était une fois deux époux du nom de Trong Cao et Thi Nhi. L’absence d’enfant pèse lourdement sur leur foyer. Le caractère du mari devient de plus en plus exécrable si bien qu’un jour, elle le quitte. Arrivée dans une autre région, elle se remarie. Bien que Pham Lang, son nouveau mari, la comble d’affection, elle n’arrive pas à oublier Trong Cao. Ce dernier, pris de remords, part à la recherche de sa femme. Ses ressources s’épuisent, il doit vivre de mendicité. Enfin le hasard l’amène à la maison de Pham Lang qui est aux champs. C’est Thi Nhi qui donne l’aumône. Elle identifie son ancien mari, sans que celui-ci la reconnaisse tant sa vue est devenue faible. Ayant terminé un bon repas, Trong Cao s’étend sur la natte et s’endort, ivre.
Le président vietnamien Truong Tân Sang réalise le rite de lâcher une carpe à l’eau au 23e jour du 12e mois lunaire 2015, à l’embarcadère Nhà Rông à Hô Chi Minh-Ville. |
Pour ne pas à fournir des explications embrassantes à son nouveau mari, Thi Nhi cache l’ancien mari sous un gros tas de paille. Le soir, Pham Lang, de retour des champs, met le feu à la paille pour préparer de l’engrais. Sa femme se jette dans les flammes pour rejoindre son ancien mari. Pham Lang à son tour saute dans le feu. L’Empereur du Ciel, ému par leur malheur, en fait les Génies du foyer. Manière très vietnamienne de régler les relations triangulaires.
Huu Ngoc/CVN