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L'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura (droite) et l'ambassadeur syrien à l'ONU et chef de la délégation gouvernementale, Bachar al-Jaafari, le 29 janvier 2016 à Genève |
Le pari de l'ONU apparaît très difficile à tenir, tant la méfiance et le ressentiment sont au paroxysme entre les deux parties. À peine arrivée le soir du 30 janvier, l'opposition, qui avait déjà hésité pendant quatre jours avant d'accepter de venir en Suisse, a prévenu qu'elle quitterait les discussions si le régime poursuivait ses "crimes".
"Nous n'entrerons pas dans les négociations avant l'annonce de décisions qui garantiront la levée des sièges et l'arrêt des bombardements des civils", a répété un porte parole du Haut comité des négociations (HCN, opposition), Riad Naasan Agha, à son arrivée. Il a également mentionné comme condition la libération de détenus, dont l'opposition a commencé à dresser une liste.
La délégation du HCN, composée de politiques et de représentants des groupes armés sur le terrain, doit s'entretenir dans la journée avec l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, aux manettes depuis 2014, après l'échec d'un précédent round de négociations intersyriennes en Suisse -déjà-, qui avait conduit son prédécesseur Lakhdar Brahimi à jeter l'éponge.
Le diplomate italo-suédois espère amener la délégation de Damas et celle de l'opposition à entrer dans un processus de discussions indirectes, avec des émissaires faisant la navette entre les deux. Il a prévu un processus s'étendant sur six mois, délai fixé par l'ONU pour aboutir à une autorité de transition qui organiserait des élections à la mi-2017.
Mais toute négociation sur une transition politique semble illusoire à court terme, tant la situation humanitaire est catastrophique sur le terrain. Depuis mars 2011, la guerre en Syrie a fait plus de 260.000 morts et jeté des millions de personnes sur les routes. Et chaque jour, le bilan s'alourdit.
Le 30 janvier, MSF a annoncé que 46 personnes étaient mortes de faim depuis le 1er décembre à Madaya, près de Damas, où 40.000 personnes sont assiégées par le "régime". Outre cette ville-symbole, 13 autres villes sont assiégées par le régime, les rebelles ou les jihadistes de l'Etat islamique (EI), selon l'ONU.
Les civils souffrent également des bombardements de l'armée loyaliste mais aussi de son allié russe qui, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), a tué près de 1.400 civils depuis le lancement de ses frappes aériennes en septembre.
La question du terrorisme et le sort d'Assad
De son côté, la délégation de Damas, arrivée le 29 janvier à Genève et menée par le hiératique ambassadeur syrien à l'ONU Bachar al-Jaafari, ne s'est pas exprimée en public. Les représentants du régime ont rencontré M. de Mistura pendant deux heures et selon ce dernier, ont "soulevé la question du terrorisme".
La Syrie est devenue avec la guerre une terre de jihad, et la menace terroriste est pour la communauté internationale incarnée par le groupe Etat islamique (EI). Mais pour le régime de Bachar al-Assad et son allié russe, tous les rebelles sont considérés comme des terroristes.
C'est sur cette question qu'avaient déjà échoué les pourparlers de Genève en 2014, le régime faisant de la lutte contre le "terrorisme" sa priorité, quand l'opposition voulait parler transition politique.
Par ailleurs, le sort du président Bachar al-Assad, dont l'opposition et ses soutiens réclament le départ au début du processus de transition, ne peut évidemment pas faire l'objet de discussions pour des représentants mandatés par le président syrien.
Les grandes puissances, directement touchées par les répercussions du conflit, menace jihadiste et crise des réfugiés, espèrent que les Syriens parviendront à s'entendre. Mais l'ampleur du fossé séparant les deux parties et leurs alliés ne suscite guère d'espoirs à court ou moyen terme.